Un débat acrimonieux, corsé. Les trois candidats à la mairie ont passé une partie de leur temps à se couper la parole et à s'envoyer des taloches à travers la tête.

L'animateur, Patrice Roy, a essayé de mettre un peu d'ordre dans ce débat échevelé, mais Louise Harel, Gérald Tremblay et Richard Bergeron étaient déchaînés, passionnés. La campagne électorale est dure, longue, teintée d'accusations. Le débat d'hier a montré à quel point les candidats ont les nerfs à vif. Et la mèche courte.

 

Le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, s'est présenté comme un politicien pur et dur qui mène une campagne avec de l'argent propre. M. Net en personne.

Il a distribué les taloches à droite et à gauche comme une maîtresse d'école, affirmant que Mme Harel et M. Tremblay étaient de vieux politiciens professionnels qui finançaient leur campagne avec des «moyens douteux». Lui, par contre, était un urbaniste propre-propre-propre.

Il tombait visiblement sur les nerfs de Mme Harel qui ne s'est pas gênée pour l'envoyer sur les fleurs avec une couple de remarques assassines.

«Vous n'avez pas le monopole de la vertu!» lui a-t-elle dit d'un ton agacé.

Et quand il s'est lancé dans une grande démonstration sur l'exode des familles vers la banlieue en mitraillant des chiffres, elle l'a coupé: «On n'est pas dans un cours universitaire, M. Bergeron!»

Le débat a duré 45 minutes. L'éthique a été abordée à la fin. Seulement 15 minutes ont été consacrées à ce sujet dont tout le monde parle et qui risque de sceller le sort des élections. «L'éléphant dans la pièce», comme l'a noté Patrice Roy.

Pourquoi Radio-Canada a-t-elle décidé de reléguer «l'éléphant» à la fin, après le déneigement, les nids-de-poule et l'avenir de Montréal? Et pourquoi lui consacrer seulement 15 minutes?

C'est là, dans ce dernier segment, que les Harel, Tremblay et Bergeron se sont vigoureusement crêpé le chignon.

Le maire Gérald Tremblay a attaqué. Il a remis sur le tapis le congédiement de Benoit Labonté par Louise Harel. Son ex-bras droit, celui qu'elle devait nommer président du comité exécutif si elle était élue mairesse.

A-t-elle examiné les états financiers de Vision Montréal lorsqu'elle a accepté de devenir chef du parti? lui a demandé M. Tremblay. A-t-elle vérifié les sources de financement de Benoit Labonté?

«Quand on veut nettoyer la ville, on ne s'associe pas à Benoit Labonté», a ajouté Richard Bergeron.

Les relations de Benoit Labonté avec le controversé homme d'affaires Tony Accurso et l'échange d'enveloppes brunes pleines d'argent pour financer sa campagne à la direction de Vision Montréal en 2008 ont mis Mme Harel dans le pétrin pendant tout le week-end.

Hier soir, elle a contre-attaqué.

Lors du point de presse qui a suivi le débat, Mme Harel a lâché une petite bombe. Elle a accusé l'entourage de M. Tremblay d'avoir orchestré l'assassinat politique de Benoit Labonté.

Christiane Miville-Deschênes, l'ancienne attachée de presse de Gérald Tremblay qui donne un coup de pouce pendant la campagne électorale, aurait tout manigancé, a-t-elle précisé. Elle aurait, entre ses mains, l'agenda électronique de Benoit Labonté.

Christiane Miville-Deschênes a rejeté en bloc les affirmations de Mme Harel. «Ça fait trois siècles et demi que je n'ai pas vu Benoit Labonté», a-t-elle dit. L'attaché de presse du maire, Martin Tremblay, a également nié. «C'est la première crise que Mme Harel gère et elle panique.»

Mais revenons au débat.

Richard Bergeron a attaqué le maire en lui rappelant une activité de financement organisée par son parti le 22 mai 2008 à Saint-Léonard, «les terres de Frank Zampino», a-t-il précisé en roulant des yeux. Union Montréal aurait recueilli 360 000$ au cours de cette soirée, dont près de 50 000$ en dons anonymes.

«Il n'y a rien d'illégal», s'est défendu le maire.

C'est vrai, mais il y a des méchants trous dans la loi.

M. Tremblay a rappelé à Mme Harel qu'elle avait été ministre des Affaires municipales à l'époque où les élections clés en main faisaient fureur. «Vous n'avez rien fait», lui a-t-il reproché.

«Je ne suis plus ministre depuis huit ans», s'est-elle défendue.

Pendant que Gérald Tremblay et Louise Harel se chicanaient, Richard Bergeron essayait d'enterrer tout le monde en revenant avec son histoire de Saint-Léonard.

Patrice Roy semblait un peu sonné par la virulence des échanges.

La campagne est dure: enveloppes brunes, allégations de corruption, démission fracassante. Les candidats étaient à fleur de peau. Les électeurs, eux, regardent la date du 1er novembre en se demandant pour qui ils vont voter.