Quelle incroyable campagne. Richard Bergeron, ce quasi-inconnu, a réussi à talonner deux poids lourds, Louise Harel, politicienne aguerrie, et Gérald Tremblay, maire depuis huit ans.

Pourtant, en septembre, Richard Bergeron ne recueillait que 14% des intentions de vote. Il a ensuite grimpé à 20%, puis à 23%. Hier, selon le dernier sondage Angus Reid-La Presse, il poursuivait son ascension fulgurante et récoltait 32% des voix, 2% de plus que Gérald Tremblay et 2% de moins que Louise Harel.

Les trois candidats à égalité. Du jamais vu.

La montée de Richard Bergeron dans les sondages est attribuable en grande partie aux scandales qui ont monopolisé la campagne électorale.

L'effet scandale frappe fort. Le maire en subit les contrecoups. Depuis un mois et demi, sa descente dans les sondages est constante. Il est passé de 38% à 30%. Chaque scandale lui a arraché des points: le rapport du vérificateur sur les compteurs d'eau, suivi, quelques semaines plus tard, par les révélations fracassantes de Benoit Labonté.

Louise Harel a aussi subi une lente dégringolade. Elle a déçu les électeurs. En septembre, 41% des gens affirmaient qu'ils voteraient pour elle. Aujourd'hui, il n'en reste que 34%.

À quoi pensent les Montréalais? Scandales, scandales et scandales. Ils détrônent même les nids-de-poule et les tuyaux, traditionnels favoris des électeurs.

Les Montréalais ne vivent pas sur la planète Mars. Les scandales les préoccupent. Selon Angus Reid, les deux tiers des électeurs vont penser aux scandales au moment d'apposer leur X sur leur bulletin de vote.

Les politiciens municipaux en prennent pour leur rhume. Leur crédibilité a été sérieusement écorchée par les histoires d'enveloppes brunes, de financement illégal et de collusion dans l'attribution des contrats.

L'épisode Labonté a frappé. La semaine dernière, l'ex-bras droit de Louise Harel a raconté sa version des faits. Il a parlé d'enveloppes brunes, de système mafieux et de financement illégal. Il a écorché au passage son propre parti, Vision Montréal, dirigé par Louise Harel. Cet étalage de linge sale a fait des dégâts.

C'est Gérald Tremblay qui ramasse le gros de la facture: 59% des personnes interrogées affirment que leur confiance envers le maire a modérément ou beaucoup diminué, comparativement à 39% dans le cas de Louise Harel.

Richard Bergeron, le pur qui ne s'est jamais frotté à la réalité du pouvoir, réussira-t-il à transformer ses appuis en votes le 1er novembre? Pas sûr.

À la question «qui ferait le meilleur maire de Montréal?», 27% répondent Louise Harel; 21% Richard Bergeron, et 20% Gérald Tremblay.

Comme si Richard Bergeron n'était qu'un exutoire aux frustrations des électeurs qui n'en peuvent plus d'entendre des horreurs sur leur ville. Mais de là à lui remettre les clés de Montréal, il y a un pas que plusieurs ne semblent pas prêts à franchir.

De plus, 45% des moins de 35 ans ont l'intention de voter pour Richard Bergeron. Traditionnellement, les jeunes votent peu.

Les opposants à Gérald Tremblay sont divisés: la moitié opte pour Louise Harel, l'autre pour Richard Bergeron. Le maire réussira-t-il à se faufiler? Réponse dimanche soir.

Nos histoires de scandales se promènent un peu partout dans le monde. Après la prestigieuse revue britannique The Economist, qui a consacré un article aux enquêtes policières à l'hôtel de ville, c'était au tour du journal Le Monde, lundi, d'étaler nos misères. «Montréal secouée par les scandales», titrait le site web du quotidien français.

«La liste est longue, écrit Le Monde. Pots-de-vin pour contrats surévalués, financement illégal de partis, rôle quasiment reconnu de la mafia dans le bâtiment et la politique: à quelques jours des municipales du 1er novembre, Montréal est souvent comparée à Palerme.»

Jeudi, c'était au tour de la revue canadienne Maclean's d'en rajouter. À la une, l'image du centre-ville de Montréal. Au-dessus, un bandeau jaune sur lequel on peut lire: «Montréal la corrompue, qui tombe en ruine, contrôlée par la mafia; Montréal est un désastre, même le maire a peur pour sa sécurité.»

Louise Harel a dit qu'elle avait mal à sa ville. Moi, je n'ai pas mal, j'ai honte. La prochaine fois que je pars à l'étranger, je vais dire que je viens du Nouveau-Brunswick.

Montréal? Connais pas.

michele.ouimet@lapresse.ca