Gérald Tremblay a été réélu. Ainsi en ont décidé les Montréalais. Ainsi va la démocratie.

Mais la démocratie est boiteuse, malade de l'indifférence des Montréalais, qui ont été peu nombreux à se déplacer. À peine 40% des électeurs ont voté.

Le maire doit fêter sa victoire avec humilité. En 2005, il avait récolté 53% des voix. Hier, ce chiffre avait chuté à 37%. Une courte victoire qui témoigne de la grogne des électeurs.

Ses deux principaux adversaires, Louise Harel et Richard Bergeron, ont amassé près de 60% des voix. S'ils avaient formé une alliance, Gérald Tremblay ne serait plus qu'un mauvais souvenir. Mais Richard Bergeron a écouté son ego. Lorsque Louise Harel lui a tendu la main en avril, il s'est montré inflexible. Il tenait mordicus à rester le grand patron de Projet Montréal et à imposer son programme au grand complet. Les compromis? Non merci.

L'opposition était donc divisée et Gérald Tremblay a réussi à se faufiler. À Montréal, le ciel est gris depuis un an, c'est-à-dire depuis que les scandales s'abattent sur l'hôtel de ville. La réélection de Gérald Tremblay n'augure rien de bon. Il fera gris à Montréal. Gris pendant quatre ans. Gris foncé.

* * *

Le gouvernement Charest refuse de créer une commission d'enquête publique. Il a peur de créer un monstre dont il perdra le contrôle, peur d'être éclaboussé. Mais il ne peut pas fermer les yeux sur les graves problèmes qui minent Montréal. Il ne peut pas s'en laver les mains.

Montréal n'est pas une bourgade. C'est la métropole, le coeur économique du Québec, qui gère un budget de quatre milliards et où vivent plus de 1,6 million d'habitants.

Montréal a besoin d'un bon coup de balai. Ce n'est pas parce que quelques têtes ont roulé que la Ville a été nettoyée. Qu'est-ce qui nous garantit que la corruption a disparu, que les entrepreneurs vont respecter le système des appels d'offres et qu'ils vont cesser de s'appeler pour se partager les contrats les plus juteux en fixant les prix?

Si Québec refuse de créer une commission d'enquête, il doit mettre la ville sous tutelle, totale ou partielle. On ne peut pas passer les quatre prochaines années en mode psychodrame, laisser les enveloppes brunes se promener en toute impunité sous les yeux aveugles ou complaisants des élus, regarder la police débarquer à l'hôtel de ville à tout bout de champ, entendre le maire jurer qu'il ne savait rien, dépassé par l'ampleur de la corruption.

La tutelle est loin d'être la solution. Québec nommera un mandataire et une chape de plomb tombera sur la ville. C'est mieux que des scandales à répétition et un maire impuissant qui ne contrôle rien.

Au bout d'un an, la tutelle sera levée et le gouvernement nous dira: tout est beau, merci, bonsoir. Les Montréalais ne comprendront jamais comment une corruption d'une telle ampleur a pu gangrener leur ville, comment la mafia a pu rôder, comment les entrepreneurs se sont partagé les contrats, avec ou sans la complicité de certains élus.

Les Montréalais ne comprendront pas parce que la mécanique de la corruption n'aura pas été étalée au grand jour, démontée pièce par pièce à la faveur d'une commission d'enquête publique.

Depuis près d'un an, la Ville vit au rythme des scandales. La presse canadienne et étrangère en fait ses choux gras. La semaine dernière, la revue Maclean's titrait à la une: Montréal en miettes, Montréal la corrompue, contrôlée par la mafia, dirigée par un maire qui a peur pour sa sécurité.

Le gouvernement du Québec doit faire le ménage, le grand ménage puisque les Montréalais ne l'ont pas vraiment fait.