Vous connaissez Anderson Cooper? Animateur-vedette à CNN, Anderson est un beau monsieur de 41 ans, au regard bleu perçant et aux cheveux prématurément blancs.

C'est aussi le fils de Gloria Vanderbilt de la richissime famille du même nom. Son père, un écrivain caustique du nom de Wyatt Cooper, est mort à 50 ans sur la table d'opération. Son frère aîné, Carter, a mis fin à ses jours en sautant du 14e étage du luxueux penthouse new-yorkais de sa mère. Son suicide aurait d'ailleurs incité Anderson à devenir journaliste, ne serait-ce que parce que le journalisme lui offrait l'occasion de se pousser d'abord de la maison, puis des États-Unis.

 

Après des études en sciences politiques et en relations internationales à Yale, Cooper s'est pour ainsi dire autoproclamé correspondant étranger, offrant ses services à Channel One, une chaîne pédagogique diffusée dans les écoles américaines. Muni d'une petite caméra vidéo, Cooper a fait sa marque avec des reportages captivants envoyés du Vietnam, de la Somalie, de la Bosnie, de la Birmanie, de l'Iran et enfin du Rwanda où il a touché le fond et compris que sa fréquentation trop assidue des horreurs du monde était en train d'en faire un zombie. Il en fait longuement état dans Dispatches from the Edge, récit candide de ses exploits, paru en 2006 alors qu'il était devenu à CNN l'animateur-vedette de Anderson Cooper 360.

Ce qui, par un long détour, m'amène à Dumont 360, la nouvelle émission d'affaires publiques qu'animera l'ex-chef de l'ADQ à TQS l'automne prochain. J'avoue qu'en prenant connaissance du titre, j'ai tiqué. Même si 360 a servi de nom, entre autres, à un restaurant de Rimouski, à un forfait VIA Rail, à une collection de films de l'ONF et à un portail gai et lesbien situé en Suisse, Anderson Cooper en a fait une référence en information et en affaires publiques. Reprendre le même titre pour Mario Dumont, c'est présumer que les Québécois ne connaissent pas Anderson Cooper et ne feront pas le lien, ce qui équivaut à les prendre pour des imbéciles.

Ou alors, au contraire, c'est croire que les Québécois savent très bien qui est Cooper et verront Mario comme son clone nordique. Je veux bien sauf que les deux hommes n'ont strictement, mais alors strictement, rien en commun. Anderson est un journaliste de terrain qui a fait le tour du monde 10 fois plutôt qu'une et qui, malgré ses 40 ans, a le vécu d'un homme le double de son âge. Mario est un politicien qui n'a fait que de la politique toute sa vie, qui n'a jamais travaillé et jamais vraiment vu du paysage autre que les pâturages de Cacouna et le béton de l'autoroute Jean-Lesage.

Anderson Cooper est un métropolitain, et peut-être même un métrosexuel, cool et célibataire. Mario est un bon père de famille, un gars de la campagne, qui confond le théâtre et les comédies musicales et qui, s'il avait été artiste, aurait voulu être Claude Blanchard...

Cela ne veut pas dire que Mario ne pourra pas faire un bon animateur d'affaires publiques. De tous les politiciens de son époque, il a toujours été celui qui, aux débats des chefs comme à la période de questions à l'Assemblée nationale, passait le mieux à la télé. Roi incontesté du clip de 30 secondes, de la formule choc, du scoop dévastateur mais réaliste (voir les pertes de la Caisse de dépôt), il s'est avéré tout au long de sa carrière une authentique bête médiatique et une figure sympathique et attachante. Au plan politique, c'est clair que son expérience est plus riche et plus profonde que celle de Cooper. Mais pour le reste, Mario Dumont va devoir se lever aussi tôt que les vaches laitières de son père, s'il veut devenir le Anderson Cooper du Nord. Et surtout, il va devoir ranger ses ornières et ravaler ses vieilles idées s'il veut un jour accéder à une vision périphérique de sa société.

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