Était-ce une secte? Une procession religieuse? Les invités d'une noce en goguette? Un club de cricket new age? C'est ce qu'ont dû se demander tous ceux qui ont vu dévaler sur la place Jacques-Cartier, vers 19 h 30 hier, les 1200 convives du premier dîner en blanc montréalais. Tenu secret jusqu'à la dernière minute, le lieu de la rencontre a été révélé dans la vingtaine d'autobus jaunes qui sont partis des quatre coins de la ville.

Le lieu choisi par les organisateurs n'était ni le chalet de la Montagne, ni la place des Festivals ni l'esplanade de la Place des Arts. C'était les quais du Vieux-Port de Montréal.

«C'est quoi qui se passe?» a demandé un badaud ébahi et ébloui par tout ce blanc qui fonçait sur lui. C'est un dîner en blanc, a répondu Mylène, une belle grande brune de 30 ans et des poussières qui, à l'instar de la plupart des convives, a eu vent de l'événement sur Facebook et s'est empressée d'en parler à ses amis.

Même s'il n'y avait personne pour compter la foule, les 1200 personnes qui s'étaient engagées sur internet non seulement à s'habiller en blanc et à fournir le lunch, mais à faire acte de présence, ont respecté leur engagement. Pourtant, à peine quelques heures avant le grand départ des navettes, le ciel gris et les averses menaçaient sérieusement la tenue de ce pique-nique chic et élégant, crée à Paris il y a 22 ans. Mais les dieux de la météo ont décidé pour une fois d'être cléments. Dès que les convives sont arrivés et ont commencé à mettre la table, le beau temps est revenu.

Normal, a affirmé M. Pasquier, un promoteur industriel et le créateur de l'événement à Paris, venu expressément à Montréal pour l'occasion. «Cela fait 22 ans que j'organise le dîner en blanc à Paris à la fin juin et je peux vous assurer que pas une seule année il n'a plu.»

Quelle différence entre le dîner parisien et celui tenu à Montréal? Aucune, a répondu M. Pasquier, sauf le décor et l'architecture. Pour le reste, on dîne en blanc, à Montréal comme à Paris, avec des nappes blanches, de la vaisselle en porcelaine, des verres à pied et des bougies.

Qui dînait en blanc hier au Vieux-Port? Des médecins, des juges, des vice-présidents aux finances, des gestionnaires de fonds, mais aussi des musiciens comme Luc et Susie des Breastfeeders, des chroniqueurs nouvellement végétariens comme Richard Martineau, des arbitres du bon goût comme Geneviève St-Germain, des animateurs de radio comme Philippe Fehmiu et toute la bande de l'animatrice Nathalie Pelletier, dont Isabelle Coulombe, propriétaire de l'auberge de Métis sur Mer et Annick d'Amours et sa magnifique vaisselle (disponible à sa boutique Trois femmes et un coussin).

Malgré la pagaille du début, alors que chacun cherchait sa table, sa chaise, sa place et ses amis, tout a fini par rentrer dans l'ordre. Quelques accrocs vestimentaires, en forme d'espadrilles ou de pantalons cargo, ont été signalés et quelques fautes de goût, en forme de tupperware et de barquettes en plastique, ont été remarquées. Les salades, le saumon fumé et les fromages québécois étaient à l'honneur. De même que les Chablis Premier Cru et le champagne.

La plus belle entrée était signée par Simon Beaulieu, le gérant du Whisky Café, qui avait mitonné pour ses amis un fumet de crabe en gelée sur un lit de caviar avec palourdes et crème fouettée aux salsifis, suivi d'une mozzarella buffala avec truffes et pistaches hachées. Un pur délice.

Heure de tombée oblige, j'ai quitté tout ce beau monde avant que ne retentisse la sonnerie de trompe de chasse signalant la fin du dîner à 23 h. Pas un policier à l'horizon. Seulement un gardien de sécurité détendu et souriant. L'année prochaine, c'est décidé, moi aussi je dîne en blanc.

 

Photo: André Pichette, La Presse

Le chic «Dîner en blanc» a réuni 1200 convives en août dernier place Jacques-Cartier.