La semaine dernière, j'ai téléchargé sur le Net le premier épisode de la série américaine Mad Men 3. C'était une première pour moi, mais certainement pas une dernière. Pourtant, il fut un temps où l'idée même de télécharger une émission et de la regarder sur un écran d'ordinateur m'apparaissait barbare. J'ai l'impression que c'était dans un autre siècle, même si c'était seulement le mois dernier.

Télécharger le premier épisode de Mad Men 3 s'est révélé facile, pratique et peu coûteux (2,49$ l'épisode sur iTunes). Auparavant, pour avoir accès à une telle série, il fallait attendre qu'une chaîne câblée canadienne la diffuse ou qu'elle arrive dans les vidéoclubs, cent ans plus tard. En ce moment, les deux premières saisons de Mad Men sont disponibles au Canada sur Bravo, mais pas la troisième, qui peut-être n'y arrivera jamais. Grâce au téléchargement, donc, plus besoin d'attendre, de s'enchaîner à heure fixe devant la télé du salon ni de se soumettre aux diktats d'une grille coulée dans le béton.

 

Flexibilité. C'est le mot du jour. Un mot que les chaînes spécialisées ont compris il y a longtemps en programmant la même émission au moins cinq fois par semaine. Un mot que retient Vidéotron, qui célébrait cette semaine l'arrivée de son millionième client sur Illico grâce à un service en pleine croissance: la vidéo sur demande.

En 2005, Illico enregistrait 10 millions de commandes (gratuites ou payantes) pour sa vidéo sur demande. En juillet, les commandes ont dépassé 35 millions. À la Société Radio-Canada, on vient enfin d'allumer. Cette saison, une soixantaine d'émissions allant du téléjournal aux variétés en passant par les affaires publiques et les dramatiques seront offertes en rattrapage sur le Net. Certaines seront disponibles pour une durée de sept jours, mais la plupart pour toute la saison.

Pour une question de droits et d'ententes avec les producteurs privés, la SRC n'offre pas encore le téléchargement. Le public doit donc faire du rattrapage sur son écran d'ordinateur. Pour ceux qui n'en n'ont pas, c'est dommage. Pour les autres, c'est mieux que rien.

Au lancement de la programmation de la télé publique cette semaine, une actrice a annoncé presque honteusement que si on ratait un épisode de sa série, on pouvait toujours la voir en rattrapage sur le Net le lendemain. Mais c'est tout juste si elle n'a pas ajouté: s'il vous plaît, ne le dites à personne.

Il y a encore chez les gens de la télé d'ici une sorte de méfiance mêlée de scepticisme face à l'ordinateur, qui n'offre pas encore la définition ni la qualité d'image de la télé. Pour eux, regarder un film ou une émission sur son ordinateur, c'est tromper la télévision et accélérer son extinction. Mais le fait est que l'extinction de la télé est déjà bien entamée malgré l'arrivée des écrans plasma de 72 pouces qui ne sont pas tant des télés que des ciné-parcs.

La télé traditionnelle dans le salon est un dinosaure qui ne correspond plus à notre vie éclatée, frénétique et multifonctionnelle.

Aujourd'hui, peu de gens ont le loisir de s'asseoir devant le dinosaure, sauf les enfants en bas âge ou les vieillards. Les autres passent en coup de vent devant la télé ou enregistrent trois millions d'émissions qu'ils ne regarderont jamais. Et même si des émissions comme Tout le monde en parle et Star Académie font le plein de cotes d'écoute, je serais curieuse de voir combien de téléspectateurs regardent ces émissions au complet sans se lever de leur siège ni faire une brassée de lavage en même temps.

Vous me direz que regarder une émission téléchargée sur ordinateur n'est pas très différent de regarder une émission diffusée par le dinosaure dans le salon. Ce n'est pas tout à fait juste dans la mesure où l'ordinateur offre le choix du programme comme le choix de l'heure et de l'endroit. L'ordinateur est un animal éminemment flexible. Le dinosaure aurait intérêt à suivre son exemple.