Même la dame du système de navigation de l'auto ne me parle plus, a ironisé David Letterman. C'était au début d'une semaine où les cotes d'écoute de l'animateur allaient atteindre des sommets, quatre jours après avoir avoué qu'il avait eu des relations sexuelles avec des femmes de son équipe et signé un faux chèque de deux millions à celui qui tentait de le faire chanter.

Quand on pense au triste et célèbre «I never had sex with that woman!» («Je n'ai jamais eu de rapports sexuels avec cette femme!») de Bill Clinton, autant dire que David Letterman a fait preuve de plus de classe que l'ex-président américain.

 

D'avouer publiquement ses torts aussi vite, puis d'en rajouter quatre jours plus tard en se confondant en excuses auprès de son équipe et de sa femme, était la bonne chose à faire. Peu importe si c'était son idée ou celle d'une firme de relations publiques, sa candeur était brillante et tout indiquée dans les circonstances.

Mais la candeur a ses limites et dans le cas de Letterman, elle n'a pas réussi par la suite à endiguer le flot impétueux de rumeurs, de ragots et de manchettes sensationnalistes qui ont fusé de partout.

C'est ainsi que l'histoire d'un animateur piégé par un maître-chanteur qui travaillait au même réseau que lui est vite devenue le crime d'un patron qui usait de son pouvoir sur ses subalternes féminines, voire d'un baiseur compulsif qui accordait des promotions seulement à celles qui voulaient bien s'étendre dans son nid d'amour au-dessus du studio d'Ed Sullivan.

En quelques heures, Letterman est passé de victime à bourreau. Tout le monde a pris un numéro pour l'abreuver d'injures comme s'il était un sénateur, un gouverneur ou un président américain pris les culottes baissées dans l'exercice de ses fonctions.

Or, même si Letterman a reçu le président Obama à son émission récemment, il n'est pas un homme politique, ni un élu qui doit rendre des comptes à son électorat, ni même un homme accusé de harcèlement sexuel.

Ce n'est pas non plus l'animateur d'une émission pour enfants qui se doit d'avoir un comportement au-dessus de tout soupçon pour ne pas décevoir les jeunes téléspectateurs qui voient en lui un héros.

Letterman n'est pas un héros. C'est un amuseur public dont le métier est de divertir et de faire rire les gens entre 23h et minuit. Le reste de la journée et de la nuit, il est libre de mener sa vie privée comme bon lui semble et de coucher avec qui il veut.

Malgré cela, certains détracteurs ont vite fait de cette histoire le symbole d'un abus de pouvoir non seulement à l'égard des employées de Letterman, mais de toutes les femmes sur le marché du travail.

L'ennui avec ce raisonnement, c'est qu'il infantilise les femmes et en fait des plantes passives qui n'ont d'autre choix que de coucher avec le patron pour obtenir une promotion ou ne pas perdre leur emploi. Or, dans cette histoire, rien ne dit que ce ne sont pas les femmes qui ont pris les devants. Après tout, l'animateur est une vedette, pas trop moche de sa personne, ce qui en fait presque automatiquement un fantasme sexuel que bien des femmes, y compris ses employées, voudraient connaître bibliquement. Cela n'excuse pas la transgression de Letterman ni son penchant pour les jeunes filles béates d'admiration, mais ça la relativise.

Et puis soyons honnêtes, nous vivons à une époque où le vedettariat est une religion. Pensez-vous vraiment qu'il existe encore sur Terre une seule vedette qui n'ait pas un jour profité de son vedettariat pour obtenir des faveurs, que ce soit au restaurant, au magasin, à la banque ou dans un lit? Permettez-moi d'en douter. La différence, c'est que lorsque ces vedettes se font prendre les culottes baissées, elles mentent avec la dernière énergie pour protéger leur image. Letterman, lui, au moins, a eu le courage de dire la vérité.