Dans exactement 8 jours, 60 000 spectateurs vont à nouveau se précipiter au BC Place de Vancouver pour les cérémonies de clôture des Jeux olympiques. Y aura-t-il plus d'artistes francophones? Plus de français parlé et chanté? C'est la grande question que se posent les amateurs de quotas et autres comptables linguistiques. Qu'ils soient rassurés. Le grand manitou David Atkins, producteur et directeur artistique des cérémonies, a promis que, cette fois, le français ne serait pas le parent pauvre de la soirée.

«Bien honnêtement, la présence accrue du français dans les cérémonies de clôture est un choix artistique que nous avions fait dès le départ. À cet égard, je suis convaincu que nos détracteurs vont trouver la clôture plus acceptable», a-t-il déclaré.

 

Cette dernière remarque me donne l'envie folle de lancer des paris et de parier sur le fait que les détracteurs en question ne seront pas nécessairement impressionnés par les choix artistiques de David Atkins dimanche prochain. Et cela n'aura peut-être même rien à voir avec le bon dosage de français dans l'ultime spectacle olympique. Cela aura à voir avec monsieur Atkins lui-même, un Australien dont la carrière a pris un envol fulgurant aux Jeux olympiques de 2000 à Sydney. Rien à redire à ce chapitre-là. Monsieur Aktins a signé à Sydney des cérémonies impeccables, saluées, célébrées et même médaillées. Tant mieux pour lui.

Comme le veut la tradition, les cérémonies olympiques sont la vitrine idéale pour faire découvrir au monde entier l'expertise et le talent du pays hôte. Sans compter que l'identité culturelle nationale est toujours mieux servie et mise en valeur par quelqu'un qui la connaît de l'intérieur.

À Sydney, en Australie, c'était normal qu'un Australien signe la mise en scène des cérémonies. Mais à Vancouver, au Canada, je me demande ce que cet Australien vient faire dans le décor.

Qu'est-ce que David Atkins connaît à la culture canadienne, aux secousses qui l'agitent, aux tensions qui l'animent, aux courants qui la traversent? Comment un type qui a grandi à l'autre bout du monde parmi les kangourous peut-il donner au monde une image juste d'un pays qu'il ne connaît pas de l'intérieur, dont il n'a pas vécu l'histoire récente ni le quotidien politique et social?

La polémique sur le peu de place accordé au français pendant la cérémonie d'ouverture n'a jamais tenu compte du facteur Atkins. On a crié au complot politique, au mépris culturel et linguistique, à l'impossible réconciliation des deux solitudes. Mais si ça se trouve, ce peu de place fait au français part avant tout de la méconnaissance d'un Australien qui n'a aucune idée de l'importance que les Québécois et les francophones hors Québec accordent à leur langue, ni de leur susceptibilité à ce sujet.

Certains plaideront que l'Australien n'était pas seul en selle, mais entouré d'une équipe où figuraient des Canadiens et même deux Québécois: le chorégraphe Jean Grand-Maître et Erick Villeneuve, responsable du multimédia, autant de gens qui auraient pu l'aider à corriger sa vision étroite du pays.

Peut-être, mais il n'en demeure pas moins que Atkins est le grand manitou des cérémonies. C'est aussi un type qui a reçu une médaille d'or olympique de l'ex-président du Comité international olympique Juan Samaranch pour avoir signé «les plus belles cérémonies» d'une présidence qui a duré 21 ans. Qui va contester les choix artistiques d'un Australien qui débarque avec sa vaste expérience et sa médaille d'or? Personne, de toute évidence.

Tout cela pour dire qu'on pourra blâmer tant qu'on veut l'entourage d'Aktins, les vrais fautifs de l'histoire demeurent les membres du comité organisateur de Vancouver qui ont engagé l'Australien alors qu'ils auraient pu faire appel à une foule de metteurs en scène canadiens ou québécois. En même temps, peut-être faut-il prendre acte du fait qu'en se croyant mieux servie par le talent des autres, la culture canadienne confirme qu'elle n'est toujours pas sortie du bois.

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