S'il y a une chose qui frappe comme une tonne de briques dans la biographie de Julie Couillard, c'est que le Créateur a une dent contre elle.

Hier, Denis Lessard a révélé en exclusivité les bouts les plus politiquement explosifs de Mon histoire: Harpeur en gros mangeur de chips, électeurs beaucerons méprisés, Maxime Bernier en sympathisant souverainiste libidineux, tout ça.

Permettez que je résume les épreuves plus quotidiennes que la vie a envoyées à Julie Couillard.

D'abord, il y a la mort de Butch. Julie avait 3 ou 4 ans quand son petit chien est mort. C'est la première ligne du premier chapitre. Butch avait la funeste habitude de courir après les véhicules en mouvement. Et paf, le chien, comme dirait Stéphane Dion. «J'ai vécu là mon premier deuil»: c'est la septième ligne du livre.

Puis, ce fut la fuite d'une «sorte de petit écureuil volant» qu'elle avait capturé qui est venue noircir le ciel de son enfance (pardonnez la métaphore de merde, le nègre qui a écrit la bio de Mme Couillard a fini par déteindre sur ma prose). C'est le troisième paragraphe, bouleversant, de Mon histoire.

Ensuite, il y a sa mère. Maman Couillard a toujours eu plus d'atomes crochus avec la soeur de Julie. C'est écrit noir sur blanc. Ajoutez deux deuils animaliers, des huissiers qui saisissent son lit de petite fille et ça commence mal une vie, disons.

Au chapitre six, Mme Couillard arrive enfin à ses 12 ans. Elle raconte son entrée à la polyvalente, où elle a vécu, en 1981, la révolte des élèves qui n'acceptaient pas que le gouvernement du Québec hausse la note de passage de 50% à 60%. Il y a eu du grabuge et, comme elle le dit: «On aurait juré que les armées d'Attila étaient passées par là.»

C'est dans ce chapitre que Julie Couillard commence le long, détaillé et frénétique récit de sa vie amoureuse, sur un ton que ne renieraient pas les éditeurs des romans Harlequin.

On y apprend qu'à 14 ans, elle a eu son premier chum, Michel, qui avait 16 ans. Elle nous glisse aussi que malgré son âge tendre, Michel «n'était pas puceau» et qu'en bon adolescent débordant d'hormones, «la pression était forte pour que je consente à faire l'amour avec lui».

Sauf que, pauvre Michel, Julie n'était pas une fille facile. Michel a dû attendre.

Fort de cette information capitale, le lecteur sait bien que ce Michel n'est pas digne de confiance. Il n'est donc absolument pas surpris, deux chapitres et deux inondations plus loin, de voir ce méchant Michel briser le coeur de la belle Julie en plus de la soulager de 20 000$.

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Michel est le premier d'une longue brochette de mâles qui vont briser sans vergogne le coeur de Julie Couillard et, accessoirement, la flouer de sommes considérables.

On lit Mon histoire et on se met à croire au vaudou, vraiment. Un prêtre haïtien a dû lui jeter un mauvais sort! La vie met toujours sur son chemin des beaux parleurs qui ne la traitent pas bien et qui lui coûtent cher.

Des exemples? Un portier violent gonflé aux stéroïdes, un joueur de football qui vit chez ses parents californiens, un homme d'affaires retors qui ne lui achète jamais de bijoux et qui refuse de quitter son épouse, malgré ses belles promesses.

Puis, il y a le motard, Stéphane Sirois. Pris d'une «jalousie pathologique», Sirois n'a pas aimé trouver dans la cuisine de Julie un voisin avec qui elle jasait innocemment et a entrepris d'«intimider» l'homme en question.

Bien sûr, Julie a été effrayée par ce comportement. Bien sûr, elle l'a épousé quelques semaines plus tard (le motard, pas le voisin). Les époux divorceront plus tard. Sirois deviendra délateur.

Parallèlement à tous ces revers amoureux, Julie Couillard, en femme forte et moderne, tente courageusement sa chance à la télévision, la figuration en vidéo-clip et le mannequinat de série B. Bref, si Occupation double avait existé à l'époque, Julie Couillard en aurait été la star.

Seul phare dans la nuit noire qu'est la vie de Julie (encore une métaphore ordinaire, désolé): Gilles Giguère, rénovateur de Mom Boucher, probablement shylock à ses heures, injustement ciblé par ces salopards de flics (selon Julie), qui fut son ami, son amant, son chum et presque mari. Avant d'être exécuté on ne sait trop par qui.

Sans oublier le mafieux Tony Volpato, qui vole à son secours pour éloigner le portier violent. L'auteure nous jure ne pas avoir fait de jogging horizontal avec lui: c'est un ami, jure-t-elle. Connaissant la réputation de play-boy de Volpato, c'est un exploit olympique.

Après (ou avant, j'oublie), Revenu Canada réclame 100 000$ à Julie Couillard. Elle n'a rien à voir dans cet avis de cotisation: c'est un associé qui l'a roulée. Résultat: faillite de la belle.

Julie sait capter l'oeil des hommes, c'est clair: l'acteur américain Gabriel Byrne a fait envoyer des fleurs à sa chambre d'hôtel des Caraïbes, séduit par sa personnalité. Un amour impossible: Julie était accotée avec cet homme marié que j'évoquais plus haut.

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Ce qui fascine, dans le récit de Mme Couillard, c'est la surabondance gênante de détails. C'est la somme de règlements de comptes qui se cachent dans le sous-texte du compte rendu de sa vie amoureuse.

On lit ça comme on lit le journal intime du voisin: en se sentant légèrement de trop.

Quand elle évoque Gilles Giguère, elle parle du dégoût qu'éprouvait son chum pour les délateurs, qui racontaient leurs secrets à la police. Elle semble partager ce dégoût.

Mon histoire n'est pourtant rien que ça: le récit d'une délatrice qui se met à table pour vendre tous les secrets amoureux de sa vie, en se donnant le beau rôle et en gommant les détails qui la dérangent.

Le criminel devient délateur pour sauver sa peau et, accessoirement, arracher du fric aux flics.

La délatrice Couillard est devenue délatrice pour enfin devenir une star et, pas accessoirement du tout, arracher du fric à Quebecor.

Pour joindre notre chroniqueur : plagace@lapresse.ca