C'était vendredi, au local de campagne de Jean-Pierre Blackburn, ministre conservateur du Travail et du Développement économique pour le Québec. M. Blackburn, qui n'est pas du tout assuré d'être réélu, m'a comme on dit «pété une coche».

Si je rapporte l'accrochage, c'est qu'il est symptomatique de l'attitude générale des conservateurs quand ils font face à cette petite bête malcommode qui s'appelle l'adversité.

 

Après la conférence de presse, l'Anglo avec qui j'ai fait ce voyage électoral au Québec, Martin Patriquin, du magazine Maclean's, s'est approché de M. Blackburn, pour lui poser des questions. J'ai ouvert mon calepin moi aussi.

Première question: sur les critiques qui pourfendent depuis des mois sa décision de sabrer les subventions aux organismes de développement des affaires. Du ministre provincial Raymond Bachand à la présidente de la chambre de commerce du Montréal métropolitain, Isabelle Hudon, en passant par le maire de Québec, Régis Labeaume, ces critiques sont nombreux. Et bruyants.

M. Blackburn s'est animé. Pas question de répondre à des questions là-dessus, a-t-il dit, fâché.

«C'est réglé, cette affaire. Et je veux parler des dossiers de ma circonscription.»

Patriquin et moi avons insisté: vous êtes ministre du gouvernement, cette question est d'actualité, vos critiques sont virulents, le maire Labeaume ne se gêne jamais pour dire que vous devriez changer d'idée...

«Je n'en ai rien à foutre, de ces questions!» a alors tonné le ministre, désormais très contrarié. Il a fait quelques pas vers l'arrière. Puis il s'est ravisé et est revenu vers nous, agité.

«Parlez-nous de vos engagements régionaux», ai-je lancé, pour parler, justement, de la circonscription.

*****

Appuyons sur «pause», ici. Cette question, c'était une question facile, je le concède. Elle était destinée à mettre le ministre à l'aise. À le ramener à de meilleurs sentiments. À le calmer, pour relancer l'entrevue. Loin de se calmer, M. Blackburn s'est alors vraiment emporté.

«Monsieur, je viens de les présenter, mes engagements! Vous n'avez pas écouté? Je ne vais pas répéter. C'est tout. Étiez-vous là?»

Sur ce, il nous a plantés là pour retraiter vers les coulisses de son local de campagne. Je n'avais jamais vu ça.

Pourtant, j'ai posé des questions salement plus vaches à d'autres élus.

Plus tard, le ministre est revenu et a répondu posément aux questions.

*****

N'empêche, ce qui transpire de cet accrochage, c'est une impatience extrême, chez les conservateurs de M. Harper, devant les questions, devant les doutes, devant les défis posés par leurs opposants ou par les médias. Une impatience qui frise la mesquinerie.

C'est Caroline Saint-Hilaire, députée du Bloc qui ne se représente pas, qui m'a mis la puce à l'oreille il y a quelques semaines. Au Parlement depuis 1997, elle a croisé le fer avec les ténors de Jean Chrétien. Les batailles ont été dures. Mais les conservateurs, m'a-t-elle dit, pratiquent une politique de la terre brûlée qui relève de l'hyperpartisanerie malsaine.

On parle ici d'une députée qui s'est pourtant frottée à Denis Coderre et Sheila Copps!

Le Soleil, jeudi, a publié un texte de Guy Benjamin sur un débat entre Luc Harvey, député conservateur de Louis-Hébert, et son adversaire bloquiste, Pascal-Pierre Paillé. Arrogant à l'os, Harvey a multiplié les attaques personnelles et les commentaires condescendants.

Échantillon: « (Ce document) est en anglais. Je ne sais pas si vous comprenez l'anglais, je vais vous le lire.» Plus tard, il a entrepris d'expliquer au bloquiste ce qu'est... l'ONU.

Daniel Petit, député de Charlesbourg, lui, a dû s'excuser d'avoir fait un doigt d'honneur à l'opposition. En pleine Chambre des communes!

Il y a eu la radio-poubelle. Il y a la politique-poubelle.

*****

Hier, j'ai parlé à Jean-Pierre Blackburn. Je voulais revenir sur cet incident, pour ce papier. Il jure ne jamais se défiler devant les questions. Mais vendredi, à son local de campagne, il a eu, dit-il, «un réflexe d'autoprotection» en refusant de parler du maire Labeaume.

«Je dois gagner mon comté. J'ai un travail à faire, à quelques jours de l'élection.»

Le ministre a la mèche courte, apparemment. À Alma, avant un récent tournoi de hockey, il s'est approché du député péquiste de Lac-Saint-Jean, Sébastien Cloutier, pour l'enguirlander. Devant témoins. «Tu vas me trouver sur ton chemin!» lui a-t-il lancé.

Le député Cloutier a refusé de commenter cet accrochage quand je lui en ai parlé. «Il est fatigué, je crois.» Êtes-vous fatigué par la campagne, monsieur le ministre? «Pas du tout. J'ai beaucoup d'énergie.»

M. Blackburn m'a justifié ainsi l'épisode du tournoi de hockey d'Alma: «Il ne m'a jamais appelé depuis son élection. Et la première chose qu'il fait, c'est qu'il dit aux gens de voter contre moi!»

Donc, tout naturellement, le ministre l'a planté sans ménagement, en public.

*****

Les candidats conservateurs ont bien sûr le droit de croire qu'ils ont toujours raison et que tous les paumés qui osent les contredire sont des idiots qui doivent être écrasés, ridiculisés et boudés sans s'embarrasser de civilités.

Mais je soumets insolemment que ça explique peut-être, juste un tout petit peu, pourquoi ils vont probablement manger une volée, mardi.