Député ! J'ai un chum qui veut devenir député. Par chance que vous ne me voyez pas. Je suis dans tous mes états.

Déjà que j'ai mis des semaines à avaler le fait qu'un autre chum soit devenu échevin dans son village, il y a quelques années...Là, c'est Yves-François.

Yves-François ? Blanchet, ancien président de l'ADISQ. Ça ne vous dit toujours rien ? Normal, je ne peux moi-même pas nommer le président actuel de l'ADISQ.

YFB est, surtout, l'agent d'Éric Lapointe.

Donc, quand son chanteur se retrouvait dans le trouble, ce qu'il faisait souvent jusqu'à récemment, c'est YFB qui allait le défendre dans les médias, crâne rasé et veste de cuir d'agent de rockeur.

Au resto, l'autre matin, Blanchet portait une cravate. Une cravate ! Déjà que je n'en ai pas, par principe. Il portait donc une cravate, une chemise blanche, un veston, un pantalon bien repassé, des lunettes à monture noire. Cheveux bien coupés. L'image même du gars sur le point de se mettre au service de la Nation.

On ne savait pas quoi trop dire, ni l'un ni l'autre. Moi, j'étais subjugué par la cravate. Tellement que j'ai oublié de lui donner de la marde pour ne pas m'avoir donné le scoop de son passage à la politique...

Je ne t'ai jamais vu en veston-cravate, dude.

J'en ai toujours eu.

Tu ne les mettais pas souvent !

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YFB parle même comme un politicien, désormais. Quand je lui ai dit que ses adversaires allaient le dépeindre comme un gars de la ville parachuté à Drummondville, comme un membre de la Clique du Plateau même, il a pris ce ton, ce ton particulier aux politiciens en campagne électorale.

«Ben ils vont rencontrer le gars de Saint-Edmond-de-Grantham qui est capable de se salir les mains ! Je suis un gars de la campagne. Tu sais que Drummondville est une ville super dynamique ? Un exemple de développement économique. Culturellement aussi. Un exemple, je te le dis.»

Arrête, Yves-François, je vote pas dans Drummond.

Il m'a expliqué les raisons de son engagement. La souveraineté, la social-démocratie, l'héritage de Parizeau, tout ça. Le fait que ça lui trottait dans la tête depuis des années. Avant même de tomber dans le showbiz avec Lapointe. Son premier job, après l'université, c'était comme permanent de l'aile jeunesse du PQ.

C'est là qu'il a connu Joseph Facal. L'ancien ministre péquiste, désormais prof aux HEC et chroniqueur au Journal de Montréal, n'est pas étonné de le voir faire le saut : «Je me demandais même quand ça arriverait ! Je vous préviens, vous ne m'arracherez pas une parole négative à son sujet. C'est un type capable de «penser en dehors de la boîte». Et dans un milieu qui ne brille pas par son originalité, ça va faire un bien énorme, s'il est élu.»

Remarquez, il n'est pas élu, YFB, justement. Il aura de la concurrence : Philippe Mercure, attaché politique de l'ancien député péquiste Normand Jutras, brigue aussi l'investiture.

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«J'y vais surtout pour la social-démocratie, m'a-t-il dit, vers la fin du déjeuner, sur un ton qui n'était plus celui du politicien. Je crois à ça, moi, l'égalité des chances pour tous, qu'importe notre milieu socio-économique.»

J'écoutais d'une oreille distraite. Mais surtout, j'étais tout à mon incompréhension.

Qu'un gars à la tête d'une entreprise prospère, apprécié dans son milieu, qui a la vie devant lui, décide de tenter de devenir député, une voie rapide vers les maux de tête, les cheveux gris et un espace dans le carré de Chapleau, ça me dépasse.

Je ne suis pas le seul : «Je suis fier de le voir faire le saut, m'a dit Pierre Rodrigue, vice-président des ventes chez Astral Radio, qui n'est pas un de ses amis et qui l'a côtoyé à l'ADISQ. Moi, je n'aurais pas ce courage, celui de me faire lancer des insultes sept jours sur sept !»

Je dois dire qu'Yves-François me cassait toujours les pieds avec la politique. Gérant de vedette, il jouait en plus les gérants d'estrade, commentait les déclarations des politiciens et les soubresauts de la politicaillerie. Il était comme 99 % des gens, quoi.

Et là, il passe des paroles aux actes et il fait le saut en politique ?

De patron discret d'une agence qui ne devait rien à personne, il va (peut-être) devenir l'esclave de soupers-spaghettis et de la discipline de parti ?

Bravo. Respect.

Et ils seront des dizaines, comme lui, à bientôt abandonner une vie tranquille, une carrière bien souvent fructueuse pour l'incertitude et le tumulte de la vie de député. À tenter de faire de cette province un meilleur endroit où vivre.

C'est cucul, je sais. Mais c'est vrai quand même.

Je ne sais pas comment ils font, pour tout dire. Je crois que je mourrais après mon premier arrêt au Tim Hortons pour une tournée de poignées de mains. Non, en fait, je mourrais avant, en voyant ma face sur l'affiche, sur le poteau.

En me voyant avec une cravate, en fait.

UNE « VRAIE » PERSONNE - Tout le monde sait qu'il ne faut pas dire « infirme », c'est dépassé et pas vraiment gentil. Mais il ne faut pas non plus dire « handicapé ». Il faut dire « personne handicapée ».

Le lobby des handicapés a fait beaucoup, ces dernières années, pour ne pas qu'on oublie que les handicapés sont d'abord et avant tout des personnes. En cela, il faudrait élever un monument à Mme Lise Thibault, l'ex-lieutenante-gouverneure.

Dans le feuilleton de ses folles dépenses, Imelda Thibault nous a brillamment rappelé que les handicapés ne sont pas des saints, contrairement à la croyance populaire.

Qu'ils peuvent, eux aussi, avoir des défauts. Elle nous a rappelé que les handicapés peuvent eux aussi jouer au golf et faire du ski mais qu'ils peuvent eux aussi être dépensiers, profiteurs, mesquins, dissimulateurs, imbuvables, condescendants et divorcés de la réalité quand il s'agit de l'argent des autres.

Des personnes, quoi.