Jean-Claude St-André a été député péquiste de L'Assomption de 1996 à 2007. Il n'a jamais été fait ministre par Lucien Bouchard ou Bernard Landry.

Dans n'importe quel parti, il serait un illustre inconnu.

Mais notre homme est un «pur et dur» de la souveraineté.

Pour un pur et dur, le chef du PQ n'est jamais assez pressé de faire la souveraineté. Pour un pur et dur, Lucien Bouchard était, par exemple, suspect. Pour un pur et dur, le chef du PQ devrait envoyer une demande d'adhésion à l'ONU avant même un référendum. Pour eux, élire le PQ, c'est choisir le pays.

S'ils étaient nés en Iran, ces purs et durs seraient probablement officiers dans la police des moeurs, à s'assurer que les femmes ne portent pas de mascara. Comme ils sont nés ici, ils font surtout suer les chefs du PQ.

Pour un chef qui n'est pas divorcé de la réalité, un député comme St-André est un boulet. Celui-ci l'est particulièrement: il n'appuie pas le virage de Mme Marois, qui refuse de promettre un référendum dès le premier mandat d'un gouvernement péquiste (pour un pur et dur, cela relève de l'hérésie).

Pauline Marois a donc pris une mesure exceptionnelle: elle a exclu la candidature de M. St-André. Le PQ l'a jugée «irrecevable». Scott MacKay, ex-chef du Parti vert, avait donc la voie libre pour représenter le PQ dans cette circonscription, ex-fief de Jacques Parizeau tombé aux mains de l'ADQ en 2007.

Dans n'importe quel autre parti, la grogne de M. St-André aurait duré le temps d'un jeu de mots de Paul Larocque. Pas au PQ. Les flics de la police des moeurs souveraineté veillent au grain.

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En l'espace de quelques jours, M. St-André est devenu un martyr, rien de moins. Il crie au crime démocratique. Exige des explications écrites. Fait un show. Vilipende sa chef. Compte ses appuis. Rallie ses militants. Menace de porter l'affaire devant les tribunaux.

Bref, dans n'importe quel parti sain d'esprit, on reconnaîtrait au chef le droit d'exclure des éléments qui l'écoeurent et qui le défient publiquement.

Pas au PQ. Dans ce parti, c'est un psychodrame. Un autre.

Autour de M. St-André, les purs et durs se rallient. Ils font des manifs. Samedi, ils ont tenté d'empêcher la tenue de l'assemblée d'investiture du PQ dans L'Assomption. Résultat: bousculades entre militants, gros mots, les flics qui débarquent. Du bonbon pour la télévision.

Et, en prime, cette nouvelle: Scott MacKay n'était pas présent lors de sa sélection comme candidat du PQ dans L'Assomption, en ce samedi pluvieux. Pour des raisons de sécurité!

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Hier, dans Rosemont, des «patriotes» ont manifesté devant une école où 450 membres du PQ, dont Mme Marois, étaient réunis. Pas de bousculade, cette fois. Mais on a entonné un «Solidaritéééé pour Monsieur St-Andréééé!», comme si l'ex-député de L'Assomption était un prisonnier politique sud-africain sous l'apartheid.

La télé a interviewé un porte-parole de ces patriotes. Reporter: «Le but, c'est de faire dérailler la campagne de Mme Marois?» Patriote: «Non. Mais si c'est le résultat, Mme Marois devra l'assumer...»

C'est quand on entend des inepties pareilles qu'on se rappelle que, avec le triangle des Bermudes et les statues de l'île de Pâques, un des grands mystères de l'humanité est la logique des purs zé durs...

Ces souverainistes veulent un pays. Or, en multipliant les singeries, ils nuisent objectivement à la campagne du PQ. Ils embarrassent Pauline Marois. Ils attachent à son soulier Prada ce boulet qu'est le martyr St-André.

C'est ici que la logique des purs et durs ébahit l'observateur extérieur par sa complexité, mesdames et messieurs.

Car nuire à Mme Marois, c'est nuire au PQ. Nuire au PQ, c'est aider l'ADQ et le PLQ. Aider l'ADQ et le PLQ ne fait rien pour aider le PQ à gagner ces élections.

Vous me suivez?

On continue: au risque de passer pour un exalté, si les souverainistes veulent un pays, il faut nécessairement que le PQ forme le gouvernement. Parce que les chances que le PLQ ou l'ADQ organisent un référendum sont pour ainsi dire nulles.

Vous me suivez toujours?

O.K. Donc, en toute logique, les purs et durs devraient se rallier, poser des pancartes, espérer que le PQ gagne et, accessoirement, éviter de se faire hara-kiri pour un obscur ex-député.

Mais non. Les purs et durs, ce week-end, pour faire avancer l'idée de pays, ont choisi de... faire la guerre à Pauline Marois.

Bref, ils veulent gagner en scorant dans leur but.

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Ah, j'oubliais un truc. Jean-Claude St-André, en 2005, était un des huit candidats à la succession de Bernard Landry. Son score? Sixième. SIXIÈME! Avec 0,9% des voix!

Vous ne rêvez pas: le martyr pur et dur qui torture Mme Marois n'a pas su rallier 1% des membres du PQ en 2005 quand il leur a soumis ses géniales, patriotiques et pures idées. Pourtant, M. St-André et ses amis fanatiques ont réussi à monopoliser deux jours de la campagne de Pauline Marois.

Quel parti de fous.