«Oui, il y a des innocents qui sont morts à Gaza. Mais c'est la faute du Hamas, qui utilise la population civile pour se cacher et pour faire passer Israël pour le méchant s'il y a des morts.»

C'est une jeune Israélienne, Yael Kfir, qui me dit ça. Elle est originaire de Sderot, devenue ville-symbole, ville-martyre des Kassam, ces roquettes que le Hamas lance par milliers sur le sud d'Israël depuis huit ans.

 

J'ai trouvé le nom de Yael dans un répertoire mis à la disposition des médias par The Israel Project. Dans ce répertoire, on trouve des élus, des universitaires, des médecins, des profs, des citoyens du sud d'Israël qui peuvent témoigner de la vie sous les roquettes du Hamas.

Chaque personne est brièvement décrite. Mère d'une enfant qui a été blessé par une Kassam. Parle le hongrois. Téléphone cellulaire: 054...

Et Yael, dans tout ça?

Yael a 13 ans. Elle était dans le répertoire The Israel Project. «With parental consent», pouvons-nous lire à côté de son nom. Avec le consentement des parents.

Yael, sans le savoir, est une petite soldate. Une petite soldate dans la guerre parallèle qui se déroule en filigrane de toutes les guerres: la guerre de l'image. Dans cette guerre, les Israéliens sont aussi présents qu'aux abords de Gaza.

Les Israéliens, en général, estiment que les journalistes étrangers maltraitent l'État hébreu dans leurs reportages. C'est peut-être vrai. Mais ce n'est pas parce qu'Israël n'essaie pas de passer «son» message. Cet effort est colossal.

Ça commence dès qu'on met le pied au Government Press Office, à Jérusalem. Au quatrième étage d'un affreux bunker, le GPO distribue les cartes de presse aux reporters. Devant le bureau de la dame qui traite notre paperasse, il y a un tas de ferraille, des tubes de métal tordus et rouillés.

Je regarde de plus près...Des roquettes Kassam!

Sur le mur, des affiches expliquent que ces roquettes artisanales pleuvent sur Israël depuis huit ans, gracieuseté du Hamas. Les visages souriants des Israéliens tués par les Kassam nous regardent, eux aussi.

La guerre de l'image, Israël la mène aussi avec brio dans les médias. En martelant son message, bien sûr, qui compte sa part de bullshit et de demi-vérités, comme celui du Hamas. Israël a un avantage majeur: son point de vue est expliqué dans la langue de ceux qui veulent bien écouter.

Le front principal de la guerre de l'image menée par Israël, ces jours-ci, c'est donc Sderot. J'y suis allé, mercredi. Il y a un centre médias qui accueille les journalistes. Qui détaille le nombre de morts, de blessés, de roquettes tombées sur le Néguev occidental depuis 2001. Qui vous dit que Sderot est parsemée de petits bunkers où ses habitants courent se réfugier quand les sirènes retentissent. Et qui répète que, quand les sirènes hurlent, c'est que le système de radar vous dit que vous avez 15 secondes avant que la Kassam détectée dans le ciel ne tombe... quelque part.

Le message est clair et limpide. Israël avait raison de faire la guerre au Hamas. Israël ne pouvait pas laisser ses citoyens du sud vivre dans la peur plus longtemps. Israël a fait ce que tous les pays auraient fait dans sa situation.

Je ne suis pas en train de dire qu'Israël a tort d'avoir perdu patience. Ça fait en effet huit ans que des roquettes tombent sur les villes du sud. Si j'étais un Israélien de Sderot, probablement que moi aussi je ferais la vague devant Tsahal, qui punit le Hamas...Et peut-être que, comme l'immense majorité des gens d'ici, je me ficherais des civils.

Ne dites pas que vous seriez différent. Je ne sais pas et vous ne savez pas ce que c'est que de vivre dans ce climat de panique. Sans oublier que, vous et moi, nous venons d'un coin du globe qui verrait d'un bon oeil l'envoi de soldats capables de «faire le ménage» quand quelques Mohawks veulent bloquer un pont.

Quand je suis allé à Sderot, l'armée israélienne offrait donc des porte-parole capables de s'exprimer en espagnol, en russe, en italien, en français, en grec, etc. Un Berlitz de la propagande militaire.

J'ai demandé s'il y avait un Tremblay. Il n'y en avait pas, alors on m'a donné un Rafowicz, le colonel Olivier Rafowicz, d'origine française, établi en Israël depuis 28 ans.

Il m'a expliqué la «situation» non seulement dans ma langue, mais en utilisant des exemples québécois. En parlant du Bloc. En parlant de la frontière Canada-États-Unis. En parlant, aussi, de ces vilaines réserves indiennes, qui semblent le préoccuper au plus haut point. Ah oui, il était outré, outré, outré par le sort des Indiens du Canada.

Et tantôt, dans ma chambre d'hôtel, à Hébron, la télé était allumée sur la BBC World. Je tapais sur mon Mac en écoutant très discrètement les topos. Une voix très british, comme toutes les voix de la BBC, racontait les derniers événements à Gaza.

Puis j'ai tendu l'oreille. Merde, cette voix british, ce n'est pas celle d'un journaliste! C'était celle d'un porte-parole de Tsahal, qui expliquait qu'il faut douter des rapports de morts et de blessés en provenance de Gaza.

Ça m'a fait penser aux porte-parole qui viennent défendre le Hamas. Des barbus à l'anglais cassé et haletant.

D'un bord, des islamistes exaltés qui ne ressemblent en rien aux types que l'Occidental moyen risque de croiser au IGA du coin.

De l'autre, un Brit de confession juive, citoyen d'Israël, officier de son armée, qui parle aux Britanniques comme un animateur de télé de Sky News ou de la BBC. J'imagine que, pour CNN, on trouve un caporal qui a l'accent du Bronx.

Dans la guerre de l'image, tout cela vaut bien quelques missiles Hellfire.