On dirait bien qu'il y aura un commissaire à l'éthique. Pour guider nos élus. Pour les aider à prendre de bonnes décisions. Très délicat, l'éthique, au XXIe siècle. Parce que, semble-t-il, les dilemmes éthiques sont fort complexes, de nos jours.

Eh! misère...

Faisons un détour par Ottawa. On y compte un commissaire aux langues officielles. On y trouve aussi un commissaire à l'accès à l'information.

Chaque année, ces commissaires déposent un rapport annuel. Chaque année, ils dénoncent l'inaction d'Ottawa dans leur domaine respectif. Parfois, ces commissaires font une montée de lait plus virulente.

 

Et rien ne change. Air Canada se sacre toujours autant du français. Et les ministères cachent toujours autant de documents qui devraient être accessibles.

Alors, quand je les entends, les élus, parler d'un commissaire à l'éthique comme de la découverte d'un remède contre le cancer, comme d'une solution magique pour sortir échevins, députés et ministres de la grande noirceur, je ris...

Parce qu'un commissaire à l'éthique, malheureusement, ne peut pas faire de greffes de jugement.

L'histoire d'éthique de la semaine?

Celle de Pierre Arcand, ministre des Relations internationales de Jean Charest.

M. Charest a discrètement autorisé une modification aux règles de transparence des membres de son gouvernement pour permettre à une entreprise dans laquelle M. Arcand a des intérêts minoritaires de faire affaire avec l'État.

L'entreprise, qui fait du placement publicitaire, pourrait, indirectement, faire affaire avec des organes du gouvernement. Ce qui contreviendrait aux (anciennes) règles imposées aux ministres.

La modification a eu lieu début mars, bien avant les crises de ce printemps de l'éthique. Mais quand même. Le premier ministre a changé les règles pour satisfaire un de ses soldats.

Et M. Arcand est justement un mauvais cas pour modifier les règles dans ce domaine. Peut-être le pire cas. En 2000, l'entreprise Métromédia a vendu ses stations de radio à Corus. M. Arcand était copropriétaire de Métromédia, avec Pierre Béland.

Montant de la vente: 164 millions. La part de M. Arcand dans l'entreprise rachetée: 32%.

Faites le calcul. Pierre Arcand est un homme riche. Pas «à l'aise». Riche. Tant mieux pour lui.

Mais si M. Arcand veut se lancer dans le service public, s'il veut devenir ministre, il y a un prix à payer. Ce prix inclut certaines barrières entre ses entreprises et les contrats publics.

On nous chantera la chanson de l'élu-qui-a-le-droit-de-gagner-sa-vie...

Très juste.

Mais celui-ci l'a très bien gagnée, merci. Il n'avait pas besoin que le premier ministre lui fasse cette fleur.

Ça aurait changé quoi, un commissaire à l'éthique, dans ce cas?

Parce que la question est politique. Pas éthique.

Et notre premier ministre a choisi de payer le prix politique de cette décision.

Ce qui est drôle, dans ces affaires d'éthique, de conflit d'intérêts, d'apparence de conflit d'intérêts, c'est qu'en brassant la soupe, on trouve de drôles de perles.

Prenez Liza Frulla. Parmi les «ex» recyclés dans le commentaire médiatique, Mme Frulla est probablement ma préférée. Télégénique, punchée, bien coiffée. Le pendant féminin de Jean Lapierre.

Mais on a récemment porté à mon attention un truc fort irritant à son sujet.

L'ex-ministre libérale (au provincial et au fédéral) commente, à son émission Le club des ex, à RDI, l'actualité, flanquée de Marie Grégoire (ex-adéquiste) et Jean-Pierre Charbonneau (ex-péquiste).

Bien sûr, en ce printemps de l'éthique, difficile de ne pas parler de Gérald Tremblay et de la Ville de Montréal. Alors, Le club des ex en parle. M. Charbonneau plante la Ville. Mme Grégoire aussi, avec moins de vigueur. Et Mme Frulla défend Gérald Tremblay.

Ah! Mme Frulla m'a dit qu'elle ne le défend pas tout le temps. Eh bien! hier, j'ai écouté trois émissions d'avril dont les segments ont abordé les folies de l'hôtel de ville. Et si Mme Frulla ne défendait pas Gérald Tremblay, eh bien! moi, je suis installateur de compteurs d'eau...

Remarquez, elle défend bien notre pauvre maire. Avec nuances. Avec moult explications sur les défis auxquels fait face un maire de Montréal. Rien à redire là-dessus. Il faut bien que quelqu'un défende M. Tremblay.

Sauf qu'il y a un truc que le téléspectateur moyen ne sait pas, quand Mme Frulla défend Gérald Tremblay au club des ex. C'est que son conjoint, André Morrow, consultant, conseille la Ville sur des questions de communications. Et le maire. Même sur la question de la gestion des communications dans la crise des compteurs d'eau. Il fait cela, m'a-t-il dit, à l'intérieur d'un mandat dûment remporté en vertu d'un appel d'offres, de trois ans, d'une valeur de 1,5 million.

Mais quand le téléspectateur moyen regarde RDI, ignorant tout des chassés-croisés politico-romantico-business, il ne sait pas cela. Je suis peut-être fou, mais j'estime que ce n'est pas banal.

Mme Frulla m'a dit qu'elle n'a pas à le dire. Luce Julien, première directrice de RDI, m'a dit la même chose. Eh bien! excusez-moi de cracher dans la soupe, mais si, je pense que l'ex devrait le dire. Ou que Durivage, l'animateur, pourrait le préciser.

Parce que, quand on dit, comme Mme Frulla, en parlant du maire, des trucs comme «c'est dans la tourmente qu'on voit les grands chefs», les gens ont le droit de savoir que son chum conseille le maire.

Bien sûr, Mme Frulla est loin, très, très loin dans la banlieue reculée de ces cas d'éthique qui nous tombent sur les bras. Il n'y a pas de crosse. Mais il y a une parenté avec ces cas: quand on n'a rien à cacher, qu'est-ce qu'on fait? On le dit. Haut et fort.

Et ce serait une bonne idée de dire, aussi, que M. Morrow a participé à la campagne de Gérald Tremblay en 2001, puis, dans une moindre mesure, en 2005.

Tant qu'à y être, Mme Frulla pourrait dire plus souvent, en ondes, ce qu'elle m'a dit, hier: que Gérald Tremblay est son ami.

Je sais, je sais, ça casse le rythme d'un débat, ça sabote la présentation d'un show télévisé, de faire ce genre de précision. Mais ça vient avec le contrat, quand on embauche des ex aux multiples amis, intérêts et relations.

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