Le jugement, chez les humains, c'est comme la climatisation dans une voiture. C'est en option. Ce n'est pas donné d'office à tout le monde.

Prenez Dany Villanueva.

M. Villanueva est le frère de Fredy Villanueva, 18 ans, la victime de la fusillade d'août 2008 au parc Henri-Bourassa, à Montréal-Nord. La fusillade est survenue après que des policiers eurent interpellé Dany Villanueva. Les amis de Dany et son frère, Fredy, se sont interposés.

Il y a deux semaines, un peu excédé par tout le théâtre ambulant qui entoure l'enquête (pour l'instant avortée) du coroner Robert Sansfaçon sur cet événement tragique, j'ai pondu une chronique, L'autre côté de la médaille.

Dans ce papier, je rappelais simplement que certains des personnages impliqués dans cette affaire ne sont pas des citoyens exemplaires, disons. Dany Villanueva, soulignais-je, a un casier judiciaire long comme le bras.

Ça ne veut pas dire que son frère méritait de mourir. Ça veut simplement dire, et j'étais tanné qu'on n'en fasse pas mention depuis des semaines, que Dany Villanueva est un criminel récidiviste. Il faut le dire.

Sinon, une partie du contexte de cette affaire échappe au public.

Prenez Dany Villanueva, donc.

Avant la fusillade qui a coûté la vie à son frère, Dany Villanueva avait fait face à la justice à de nombreuses reprises. Des affaires de violence, de vol, d'association avec des jeunes de gangs de rue.

Longtemps avant la fusillade, en avril 2006, Dany Villanueva avait confié à un juge qu'il tentait d'échapper à son milieu nord-montréalais. Il comparaissait alors après avoir été arrêté dans une voiture, avec des jeunes membres d'un gang de rue. Des jeunes armés, précisons-le.

Ma camarade Judith Lachapelle, qui a fait le portrait de criminel de Dany, avait rapporté, en août dernier, ce que le frère de Fredy avait dit au juge à propos de ses potes membres de gang: «C'est dangereux de sortir les pieds devant.»

Appuyez sur fast forward, au 24 novembre 2008. Trois mois après la fusillade. Sur YouTube, ce jour-là, un vidéoclip a été mis en ligne.

La chanson: Dans mon district.

Le groupe: Mobsterz. Mobster, en anglais, signifie mafieux.

Le genre: gangsta rap. Appelons ça une forme de hip-hop «agressif», pour rester poli. Genre qui glorifie le fric, le banditisme, les guns, la violence. Justement, Dans mon district commence sur un bruit de mitraillette.

Images de l'émeute de Montréal-Nord. Jeunes Noirs qui posent pour la caméra. Dans ce clip, on voit Michael Alexandre, 21 ans. Et un autre jeune, mineur, qu'on ne peut identifier. Qui sont-ils?

Deux soldats Blood Mafia Family (BMF), liés aux Bloods, le gang des Rouges.

Je n'ai pas oublié Dany Villanueva. J'y arrive.

Appuyez encore sur fast forward. Au 8 février 2009. Six mois après la fusillade du parc Henri-Bourassa. Un second clip des Mobsterz est mis en ligne sur YouTube.

La chanson: Hyper God City, qui commence avec un bruit de mitraillette et un gars en manteau de fourrure.

Dans ce clip, on voit quatre criminels liés à des gangs comme les BMF ou les Youth Master Crew, eux-mêmes affiliés aux Rouges. Leurs noms: Bayron Clavasquin Padilla, Daniel Artiga, Jean-Luc Sanon et Russell Similomme. Ils ne sont pas vieux, mais leurs casiers criminels sont bien garnis.

Dany Villanueva?

Notre homme, (mal) caché sous une casquette verte, est là, se dandinant nonchalamment, comme le veut le genre, avec ces jeunes citoyens remarquables.

Je vous parlais de jugement. Dany Villanueva n'est pas censé fréquenter des types associés aux gangs de rue. Ça, ce sont les conditions imposées par la cour AVANT la fusillade qui a coûté la vie à son frère.

Et que fait-il, APRÈS?

Non seulement il fréquente encore ces criminels, mais il se fait filmer en leur compagnie!

Vraiment, il faut le faire.

J'ai appelé l'avocat qui représente la famille Villanueva dans le processus de l'enquête du coroner, Me Alain Arsenault, vendredi. Il ne m'a pas rappelé.

Les membres du clan Villanueva n'hésitent pas à traiter les policiers dans cette affaire de meurtriers. J'aimerais bien les entendre sur le jugement qu'exerce Dany Villanueva dans la vie. J'aimerais bien les entendre, notamment, sur ce qu'ils pensent du jugement de Dany Villanueva, en particulier, ce soir d'août 2008.

Se peut-il que le déficit de jugement de Dany ait contribué à déclencher une chaîne d'événements catastrophiques qui s'est soldée par la mort d'un homme?

Son frère, je veux dire?

Enfin, les deux clips de Mobsterz sont sur mon blogue (cyberpresse.ca/lagace), si vous voulez vous initier à l'oeuvre de ce groupe. Dany, c'est celui qui a la casquette verte. Pas facile à reconnaître, j'en conviens. Mais c'est lui.

Risible

Hier, sur mon blogue, j'ai abordé cette affaire de groupes anglophones bannis d'un spectacle de la Saint-Jean. La Société Saint-Jean-Baptiste, Grande Gardienne de la Pureté, a fait pression auprès des organisateurs pour les expulser du spectacle du parc Pélican, dans Rosemont.

Leur crime: ben, chanter en anglais.

Pis, bon, la Saint-Jean, c'est en français que ça se passe.

Niaiseux de même.

Sur mon blogue, le sujet a mis le feu aux poudres. Plus de 160 commentaires en quelques heures.

Le plus sidérant, c'est le décalage. Le décalage entre le discours des chefs souverainistes, largement et généralement «inclusif», et les soldats zélés de la mouvance on-veut-un-pays-tout-de-suite, bave au coin de la gueule. Entre ces «patriotes» et la moyenne des ours souverainistes, pas excitée du tout.

Pour des gars qui veulent gagner, c'est fou comme ils sont bons pour scorer dans leur but, les purs et durs. Des champions du monde du but contre son camp. Être colonisé, c'est ça: se sentir menacé par deux groupes inconnus qui vont chanter en anglais dans un show confidentiel.

Si j'étais Guy A., animateur du grand spectacle du 24 juin au parc Maisonneuve, j'inviterais Lake of Stew et Bloodshot Bill sur scène. Juste pour fermer la gueule aux extrémistes et montrer que les tous les souverainistes ne sont pas des sans-dessein.