Il y a des tas de choses qui m'émeuvent dans la vie.

Les enfants malades, par exemple. Montrez-moi un enfant chauve, atteint de leucémie, et je braille comme un veau.

Une jeune femme qui meurt écrasée par un bloc de béton en tenant les mains de son mari dans un resto japonais, un père de famille à qui on apprend qu'il n'a plus que trois mois à vivre, un Airbus qui plonge dans l'Atlantique sans explication: ça me touche.

Tout ça, c'est le sort, le destin, la cruelle loterie de la vie.

On n'y peut rien, ou presque.

Mais sur la liste des trucs qui méritent ma sympathie, les victimes de car surfing sont à peu près à la position 167.

Parce que quand tu montes sur le toit d'une auto en marche pour faire des singeries, ce n'est pas le sort, ce n'est pas le destin, ce n'est pas la cruelle loterie de la vie.

C'est un choix.

Depuis un mois, deux Québécois sont morts en s'adonnant au car surfing. Début juillet, dans l'ouest de Montréal, Kevin Ducharme est mort en tombant d'un VUS en marche. Hier, Gabrielle Dionne est morte, quelques jours après avoir chuté d'une voiture à Drummondville.

C'est triste. C'est bien évidemment un drame pour les parents et pour les amis.

Mais Ducharme et Dionne sont morts en faisant une connerie. À sa face même, le car surfing est une bêtise. Ceux qui ne le savent pas devraient le savoir. Pour les mêmes raisons qu'on prend l'escalier plutôt que de sauter de la fenêtre de son logement du deuxième étage.

Un char + de la vitesse + un être humain en équilibre sur le toit = Claude Poirier a beaucoup de chances de parler de vous prochainement.

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On dira que c'est la faute de YouTube. Le site de partage de vidéos regorge de ces cascades idiotes faites par des idiots et filmées par des idiots.

On dira que c'est la faute de Grand Theft Auto, célèbre jeu vidéo créé par Rockstar Games qui compte plusieurs versions depuis son lancement, en 1997. Dans une des versions, un personnage fait du car surfing. Une étude américaine établit même un lien entre la parution de nouveaux chapitres de GTA et des accidents de car surfing.

Sauf que le car surfing existait avant l'avènement de YouTube et de GTA. On a constaté une vague, dans les années 80, après que Hollywood eut mis en scène des zigues qui font du car surfing dans Footloose (1984) et dans l'inoubliable Teen Wolf (1985).

Alors peut-être que c'est la faute de Kevin Bacon et de Michael J. Fox aussi.

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Mais j'ai trouvé qui est, ultimement, responsable des accidents de car surfing.

C'est un vieil Anglais né en 1643, du nom d'Isaac Newton.

En fait, c'est la première des lois du mouvement de Newton qui est responsable des drames de car surfing.

Marcel Thouin, physicien et prof en enseignement des sciences à l'Université de Montréal, me l'a résumée ainsi: «Quand un objet est en mouvement, il a tendance à rester en mouvement, à moins qu'une force ne l'arrête.»

L'objet - l'humain - agrippé à une voiture est donc projeté par en avant si la voiture arrête. Et il est projeté en arrière si elle accélère.

«La seule solution, dit le prof Thouin, c'est de tenir une vitesse constante.»

Je le souligne même si c'est évident: il s'agit là d'une observation, pas d'un conseil!

Pour Marcel Thouin, c'est clair: «Que des jeunes fassent du car surfing montre qu'ils ne comprennent pas les principes scientifiques de base.»

Peut-être, professeur...

Mais tout comme les gobelets de café de McDo nous rappellent que le liquide qu'on s'apprête à boire est très chaud, il faudra peut-être apposer des autocollants explicites sur le toit des véhicules, du genre SI VOUS POUVEZ LIRE CECI ET QUE LE VÉHICULE EST EN MARCHE, VOUS ALLEZ BIENTÔT MOURIR.

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Quand la sécurité d'autrui est en jeu, je suis un intégriste. C'est pourquoi je suis en faveur des radars photo sur nos routes. Parce que la vitesse tue et que la vitesse des autres peut me tuer, moi.

Quand on ne met à peu près que sa propre sécurité en jeu, là, je deviens quasiment libertaire. Je plaide pour que le «marché» fasse la loi. Pour que la nature décide des morts et des vivants.

J'ai récemment commencé à faire du vélo. Je porte un casque. Par choix. Je n'ai pas besoin de l'État pour me dire que mon gagne-pain, mon bonheur relatif et ma motricité possèdent ce dénominateur commun: un cerveau en bon état.

Le casque accroît mes chances de m'en tirer indemne en cas d'impact? Je porte un casque. Point. Oui, bon, ça me décoiffe, mais je me traîne une bouteille de fixatif et le tour est joué...

Le car surfing, c'est comme le bronzage. On sait désormais, depuis cette étude parrainée par l'OMS, que le bronzage en cabine est cancérigène. On accroît de façon exponentielle ses risques d'avoir un cancer de la peau si on se fait bronzer en cabine, surtout avant 30 ans.

Qu'ont en commun le fait de monter sur le toit d'un véhicule en marche pour épater ses amis et celui de s'enfermer dans une cabine de bronzage pour épater ses amis?

C'est dangereux.

Et c'est un choix.