Je n'ai pas besoin de sources anonymes pour vous confirmer que Benoit Labonté n'enverra pas de carte de Noël à Fabrice de Pierrebourg, le journaliste lock-outé qui écrit pour RueFrontenac.com. Si le colistier de Louise Harel a été envoyé en exil par celle-ci, si sa carrière politique est en miettes, ce matin, c'est un peu, beaucoup, à cause de Fabrice.

L'histoire des liens entre l'omniconstructeur Tony Accurso et le numéro deux de Vision Montréal, c'est grâce à Fabrice de Pierrebourg qu'elle est connue. D'autres y ont ajouté de belle façon ces derniers jours. Mais les premières salves, ce sont les siennes.

 

Le premier qui a raconté cette rencontre entre Benoit Labonté et Tony Accurso, dans un restaurant de Montréal, en 2008, c'est Fabrice.

Labonté n'était alors pas le numéro deux de Vision de Montréal. Il était un transfuge, venant de quitter le parti de Gérald Tremblay. Il briguait le leadership de Vision Montréal.

Début 2008, Accurso n'était pas encore l'entrepreneur qui allait mettre subséquemment tant d'hommes de pouvoir - Michel Arsenault et Jocelyn Dupuis de la FTQ, Frank Zampino, numéro deux de la Ville de Montréal, et Labonté, maintenant - dans le pétrin.

Le premier qui a raconté que Benoit Labonté a sollicité des fonds de Tony Accurso, c'est encore Fabrice. Le journaliste a raconté que Labonté, pour sa campagne au leadership, avait besoin de fric. Accurso, selon les sources de Fabrice de Pierrebourg, lui en a donné. En argent comptant et par chèques.

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Mon ami devrait, en vertu de tout cela, être content. Ses nouvelles, qui ont longtemps été ignorées, ont eu un impact du tonnerre, ce week-end, avec la double (!) démission de Benoit Labonté. Et sa répudiation par une Louise Harel castratrice, hier.

Pourtant, en bon français, ça fait quelques jours qu'il bougonne, Fabrice, il n'est pas content. Il bougonne parce que certains journalistes ont repris l'histoire, son histoire, sans lui en donner le crédit.

Je comprends Fabrice. Ça manque toujours de grandeur de reprendre une nouvelle sans dire d'où ça vient. Ou d'y ajouter un détail et de prétendre que c'est EXCLUSIF.

Comme d'autres collègues, j'ai été victime de ce genre de braconnage. Tiens, en 2006, la télé de Radio-Canada avait repris ce scoop, mon scoop, sur Richard Bergeron, de Projet Montréal, qui croit à certaines théories du complot à propos de septembre 2001. Sans citer que ça venait du JdeM. Cheap et fâchant.

Je comprends ta colère, camarade, mais il ne faut pas oublier l'essentiel. Et l'essentiel, c'est que c'est toi qui as mis une grosse loupe sur Labonté; si grosse que l'affaire Labonté-Accurso est devenue impossible à ignorer.

D'autres médias ont commencé à poser des questions. Labonté a dû cesser de se réfugier derrière les mises en demeure de ses avocats. Et d'autres sources, voyant la pression monter, ont décidé de se mettre à table, à Radio-Canada et à TVA, notamment.

Sans toi, Fabrice, pas sûr que Paul Larocque, un fleuron de notre profession, se serait intéressé à cette affaire. Pas sûr que l'as de TVA aurait réussi ce magnifique botté de transformation: la révélation, «document officiel» à l'appui, que Labonté a téléphoné à quelques reprises à Accurso. Et vice-versa. En citant la durée des conversations!

Puis, hier, Larocque a récidivé avec des dates précises de rencontres entre Labonté et d'autres gens d'affaires - des entreprises de construction, des entreprises de génie - ainsi que la somme totale ainsi accumulée pour sa campagne au leadership: plus de 200 000$.

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Rien d'illégal, bien sûr. Mais ô combien troublant: si vous croyez que des gens d'affaires donnent 200 000$ à un candidat au leadership d'un parti municipal sans rien espérer en retour, alors je vous dis que je suis la réincarnation de JFK. J'espère que vous allez croire ça aussi.

L'essentiel, c'est que des sources parlent. C'est que TVA, par exemple, mette aussi son gros nez dans cette soupe infecte remuée depuis des mois par La Presse, Le Devoir et Radio-Canada. Plus il y a de médias qui vont s'intéresser aux histoires de copinage entre politiciens et gros joueurs de l'industrie de l'appel d'offres municipal, plus la lumière sera éblouissante. Et difficile à ignorer.

Parce qu'on dirait bien que la seule façon de jeter de la lumière sur le merveilleux monde du copinage entre les gangs de routes et nos élus municipaux, c'est à travers les fouille-merdes que sont les journalistes. Parce que l'État et le Directeur général des élections, eux, ont égaré leurs flashlights.