À première vue, Amir Khadir ferait un leader parfait pour le mouvement des paranos qui voient des complots derrière la campagne de vaccination prochaine contre la grippe A (H1N1).

Primo, Khadir est un farouche opposant au copinage État-industries en général et au copinage État-compagnies pharmaceutiques en particulier.

Deuzio, le député de Mercier a maladroitement mis le pied, il y a quelques années, dans la mare où voguent les paranos qui croient aux complots de septembre 2001.

 

Donc, on pourrait croire qu'Amir Khadir, de Québec solidaire, jette un oeil dubitatif sur l'inquiétude de l'Organisation mondiale de la santé, du Center for Disease Control, de Santé Canada et des autorités de la santé publique québécoise, qui veulent vacciner le maximum de gens le plus vite possible.

J'ai donc demandé au député de Québec solidaire ce qu'il pense de cette campagne de vaccination qui approche.

Réponse: «Je vais me faire vacciner. Et je recommande à tous ceux qui sont visés de se faire vacciner aussi.»

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Voilà. J'espère que c'est clair. Amir Khadir, homme de gauche, naturellement suspicieux face à l'État et aux tours de passe-passe de Big Pharma, va se faire vacciner quand les autorités de la santé publique vont juger nécessaire qu'il le soit.

«La santé publique est l'un des secteurs du système de santé qui est le plus digne de notre confiance. Plus, par exemple, que la chirurgie ou la radiologie, à mon avis, qui sont des secteurs où seule la médecine curative est digne d'intérêt.

«Les gens de la santé publique ont une approche sociale et intégrée qui tient compte de la démocratie. Il faut leur faire confiance. Ils ne sont pas soumis, en principe, aux pressions de l'industrie pharmaceutique. S'il y a un secteur de la médecine qui est à l'écoute des besoins de la population, c'est bien celui-là.»

J'étais sûr que Khadir me répondrait un truc du genre. Car le député de Mercier est aussi médecin. Il a une formation d'infectiologue. Bactéries, virus et autres bibittes microscopiques, il connaît.

Évidemment, dit-il, le traitement des médias a beau être «sensationnaliste», le virus reste «très contagieux», avec un potentiel de morbidité et de mortalité virulent s'il mute.

Et sur les fantasmes de complot qui mettent en transe une partie de la population réticente à retrousser sa manche pour la vaccination, Amir Khadir note ceci: «Oui, Big Pharma va en bénéficier et s'en mettre plein les poches, d'où la suspicion d'une partie croissante de la population. Mais non, ce n'est pas un complot planétaire des pharmaceutiques ni de gouvernements proto-fascistes aux sombres desseins.»

L'industrie pharmaceutique, dit le député, par certaines de ses pratiques, alimente la suspicion des gens. D'où, dit-il, la nécessité d'encadrer l'industrie, avec un Pharma Québec public, un thème cher à Québec solidaire: «Vivement une régie publique des produits pharmaceutiques, sur le modèle de Pharmac, en Nouvelle-Zélande.»

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Je souligne les propos du député Khadir parce que la paranoïa anti-vaccin perdure et fait des petits. Plus tôt, cette semaine, c'est un microbiologiste de l'Université du Québec à Trois-Rivières qui a pris le crachoir pour dire que, en 1976, quand 40 millions d'Américains ont été vaccinés contre une souche de grippe porcine, cela a entraîné «plein de maladies auto-immunes», dont le syndrome de Guillain-Barré (SGB).

Le hic, c'est que la science contredit le scientifique de Trois-Rivières. Oui, à l'origine, on a associé la vaccination massive à des cas de SGB, qui attaque le système nerveux central après une grave infection.

Mais avec le recul, on a fait le bilan des études scientifiques menées pour analyser le lien entre la vaccination et la hausse de cas de SGB. La majorité de ces études ont exclu un lien de cause à effet, selon le Center for Disease Control américain. Seules deux études ont établi un lien, très mince, entre le syndrome et le vaccin. On est loin, très loin de la certitude du microbiologiste mauricien. Qui va, nul doute, jeter de l'huile sur le feu conspirationniste. Bravo.

Richard Lessard est directeur de la santé publique à Montréal. Est-il exaspéré par ces rumeurs, demi-vérités et fantasmes de complot qui poussent bien des gens à dire qu'ils refuseront d'être vaccinés?

«Rien ne nous surprend plus. Ce qui nous surprend, cependant, c'est quand des gens pourraient obtenir de l'information mais ne le font pas.»

C'était la même chose, dit-il, dans le dossier de la fluoration de l'eau. Il y a consensus chez les spécialistes: la fluoration de l'eau fait des merveilles pour la santé dentaire. Et elle n'a pas d'effets nocifs.

Bref, la fluoration est un wet dream de santé publique.

Pas grave: la fluoration est une autre lubie conspirationniste.

«L'OMS la recommande, mais il y a quand même des gens qui nous accusent, en prônant la fluoration, de vouloir contrôler l'hémisphère droit du cerveau des gens, ironise le Dr Lessard. Résultat, les politiciens ne veulent pas fluorer l'eau. Montréal est donc la seule ville de plus d'un million d'habitants en Amérique du Nord à ne pas le faire. On attend que le bon sens revienne...»

Quand les conspirationnistes déliraient sur les tours du World Trade Center, ils étaient emmerdants, mais sans conséquence concrète sur le réel. Dans le dossier de la grippe A, si. Et c'est inquiétant.

HÉROUXVILLE: LE RETOUR!

Vous vous rappelez André Drouin? Le célèbre conseiller municipal d'Hérouxville? Le père du Code de conduite à l'intention des «étranges» ? Il vient de pondre une véritable encyclique, sur le site de Vigile.net, destinée à améliorer le vivre-ensemble au Québec.

Ça s'appelle Dans mon pays, et M. Drouin y proclame des règles qui sont clairement à l'intention, encore, des «étranges». Mais M. Drouin y pond aussi un certain nombre d'observations tellement bizarres qu'elles pourraient donner à penser que notre homme écrivait, dans le temps, pour la revue satirique Croc.

Ma préférée: «Il est interdit de déterrer les cadavres pour festoyer avec.»

Et si on déterre des morts pour les lapider, c'est correct?