Claude Dubois est une icône de la chanson québécoise, c'est bien connu. Un géant, qui a immortalisé Le Blues du businessman, Si Dieu existe et Comme un million de gens. Claude Dubois est une icône et j'ai un scoop pour vous : les icônes, ça n'attend pas dans une file devant une clinique de vaccination.

Non, Claude Dubois - chanteur, icône - passe par la porte d'en arrière, pas gêné une maudite seconde d'avoir à enjamber, ou presque, les anonymes qui poireautent au froid.Ça se passe à Saint-Sauveur, le 28 octobre. La vaccination massive contre la grippe A (H1N1) vient de commencer. C'est le bordel. Au CSSS des Pays-d'en-Haut, rue Principale, des centaines de personnes font la file comme des Polonais devant une boucherie dans les glorieuses années du communisme.

La file est tellement longue, en fait, qu'elle fait le tour de l'édifice.

C'est pour ça que Claude Dubois - chanteur, icône -, nouveau papa, ne peut pas entrer dans l'édifice incognito : il y a trop de monde. C'est pour ça que, quand Dubois sort avec sa famille, ça grogne dans la foule : les gens ont compris ce qui vient de se passer.

Ils ont compris que Claude Dubois, légende de la culture canadienne-française, interprète de Comme un million de gens, vient de court-circuiter la file d'attente; qu'il n'a pas attendu, comme un million de gens, pour son vaccin.

C'est Éric Nicol, dans Le Journal des Pays-d'en-Haut La Vallée, qui a rapporté l'incident, la semaine passée. Il a parlé à l'interprète de Plein de tendresse. Qui n'a pas nié.

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Mais Claude Dubois avait une excuse. C'est Nicol qui paraphrase : Dubois dit avoir obtenu un rendez-vous au CSSS pour un autre vaccin nécessaire à un voyage (à Rotterdam ou à Rio?). Rendez-vous fixé avant la campagne de vaccination que l'on sait.

Donc, j'en déduis que, puisqu'il était là pour un vaccin contre une maladie du genre qui afflige les touristes, M. Dubois en a profité pour recevoir le vaccin contre la grippe A. Et comme il était accompagné de sa famille, elle aussi a reçu le vaccin.

Sauf que ce que dit Dubois est faux.

«On ne donne pas ce type de vaccin. Ce n'est pas vrai, comme information. Nous ne sommes pas une clinique du voyageur. Ces vaccins-là se donnent au privé», m'a expliqué Anne-Marie Poulin, porte-parole du CSSS en question.

Comment Dubois a-t-il passé devant tous ceux qui attendaient?

«Il s'est présenté à l'arrière de la clinique, relate Mme Poulin. Il semble qu'une infirmière l'ait laissé entrer. Elle aurait dû lui demander de faire la file. C'est un incident malheureux.»

Cette histoire, c'est l'histoire d'une star égocentrique et imbue d'elle-même qui ne daigne pas faire la queue. Mais c'est aussi celle d'une infirmière qui s'est fendue en quatre pour accommoder cette star. C'est universel: les vedettes, grandes ou petites, tombent toujours sur des gens pâmés de les voir.

Des gens toujours prêts à se fendre en quatre pour accommoder la moindre nymphette qui a un deuxième rôle dans Virginie. Imaginez quand une véritable icône débarque.

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Je sais bien qu'il a chanté «comme bon te semblera» dans En voyage, mais la vie d'un Dubois ressemble davantage à «comme bon ME semblera». Une star comme Dubois, qu'importe où elle arrive, n'a généralement pas à lever la voix pour qu'on se précipite afin de lui faciliter la vie.

Sauf que...

Sauf que oui, Claude Dubois a dû lever la voix, au CSSS des Pays-d'en-Haut. Oh, pas le mercredi, quand il a court-circuité la file d'attente. Non. Deux jours avant, le lundi. C'est encore Anne-Marie Poulin, la porte-parole, qui m'a raconté :

«M. Dubois s'est présenté avec sa famille au CSSS, le lundi 26. Il a demandé le vaccin. Les deux réceptionnistes lui ont dit que la vaccination ne commençait que le lendemain. Il s'est fait suggérer de revenir le mardi 27. M. Dubois s'est alors emporté, il a dit aux gens qu'ils étaient des emmerdeurs.»

J'aurais voulu parler à Claude Dubois - icône, chanteur - de cette crise de vedette, faite deux jours avant qu'il ne reçoive son traitement royal. Mais un membre de son entourage m'a fait savoir que le grand homme n'avait rien de plus à ajouter que ce qu'il avait dit au journaliste Éric Nicol.

Dubois n'est fort probablement pas la seule personnalité connue à avoir tété un passe-droit en cette ère de grippe A. Mais il y a de l'espoir : tenez, à ce même CSSS des Pays-d'en-Haut, qui a poireauté comme tout le monde, en file, avec ses deux enfants ? Julie Snyder.

En ce même mercredi 28 octobre.

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En parfait faux-cul, Claude Dubois - chanteur, icône - a fait diversion pendant son entrevue avec le journaliste Nicol : il en a profité pour critiquer l'organisation chaotique de cet effort de vaccination. Bravo! Le système toussait, donc, la solution, c'est de se faufiler dans l'interstice qui vous permet de passer devant les autres?

Tu vois, Dubois, si tu trouves que ça va si mal, cette affaire de vaccins, peut-être que tu pourrais faire quelque chose d'utile et devenir le 151e bénévole du CSSS des Pays-d'en-Haut ? Eh oui, 150 bénévoles aident aux opérations. Qui vont beaucoup mieux. Comme un peu partout.

Donc, t'appelles au 450-227-8760 et tu demandes Christine.

Pis sois fin, pour faire changement.