«Si un jour je me fais faire une coloscopie, le film va-t-il se retrouver sur l'internet avant même que mon médecin m'annonce que j'ai le cancer?»

Guy A. Lepage commence à être légèrement irrité. Rien à voir avec la santé de son colon, rassurez-vous. Tout à voir avec la curiosité malsaine de certaines personnes pour la vie des vedettes québécoises.

 

C'est qu'en ce XXIe siècle de blogues, de Facebook et de Twitter, nous sommes tous des «journalistes» en puissance. Nous pouvons tous diffuser un scoop ou une photo susceptibles d'être repris à la grandeur du web.

Tous des paparazzis. Tous des Michel Girouard.

L'été dernier, Guy A. Lepage et sa blonde ont appris une bonne nouvelle: elle est devenue enceinte. Le hic? Une heure et demie plus tard, la nouvelle était ébruitée sur Twitter par une fan anonyme. Une heure et demie!

Peu après, Hollywood PQ, site de référence en matière de potins numériques touchant la colonie artistique québécoise, a repris la rumeur. «Dans toute cette journée, maugrée Lepage, personne ne nous a téléphoné pour nous demander ce que nous en pensions.»

D'où cette boutade de Guy A. Lepage, en entrevue, sur le film éventuel de sa coloscopie qui pourrait se retrouver sur le web.

J'imagine d'ici le succès viral sur YouTube. Sur l'air de I got a feeling, des Black Eyed Peas, tiens.

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Il s'appelle Jean-François mais se fait appeler «Jeff Hollywood». C'est un garçon affable et sympathique. L'homme derrière Hollywood PQ, c'est lui. Et c'est principalement à lui que s'adressait Guy A. Lepage, récemment, quand il a traité de «minables» les sites québécois qui diffusent des photos de vedettes québécoises, captées à leur insu.

«Personne, dit-il, n'aime se faire traiter de minable. Est-ce que le fait de publier des photos de vedettes, anodines, dans la vie de tous les jours, c'est minable? My God, arrive au XXIe siècle!»

Hollywood PQ parle de potins de stars internationales et québécoises. La plupart du temps, le site évoque des trucs connus et diffusés sur le web. Mais Hollywood PQ cherche activement des nouvelles sur des stars d'ici: un formulaire est consacré à l'envoi de potins et de photos par les lecteurs.

Ainsi, en parcourant Hollywood PQ, on apprend que X a repris avec son ancienne flamme (ou pas). Que Roy Dupuis donne de bons pourboires. Que Patricia Paquin mange au resto Chez Lien. Que Y d'Occupation double sort désormais avec une Stéphanie...

Hollywood PQ publie aussi des photos de personnalités d'ici, croquées bien souvent à la dérobée. Jean-Pierre Gravel au show de Lady Gaga. Luc Picard qui fume une cigarette devant un cinéma. Éric Lapointe qui en fume une à côté de sa Harley.

«Il y a des photos qu'on reçoit et qu'on ne publie pas, note cependant Jeff Hollywood. Je me garde une gêne: des gens qui s'embrassent, par exemple. Ou des photos trop sexy, genre une actrice photographiée à la plage.»

Quant à la grossesse de la blonde de Lepage, Jeff concède ne pas avoir appelé le principal intéressé. «Mais j'ai fait des vérifications. Et nous l'avons publié en précisant que c'était une rumeur.»

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«La seule raison pour laquelle je n'ai pas poursuivi Hollywood PQ pour l'histoire de la grossesse de ma blonde, dit Guy A. Lepage, c'est qu'un enfant, c'est positif. Je ne voulais pas enrober ça de négatif.»

Dans le cas des photos de vedettes québécoises publiées à leur insu, Lepage est particulièrement outré. «J'ai le droit d'acheter du papier de toilette ou des médicaments à la pharmacie sans me faire prendre en photo par un cave, par un «pas de vie». Parce que quelqu'un qui prend ma photo à la pharmacie, c'est un cave, c'est un «pas de vie».»

Jeff Hollywood, lui, se défend en disant que les temps ont changé. Qu'Hollywood PQ et ses lecteurs sont les plus grands fans des stars. Que son site est moins agressif que les sites made in USA. Que les stars utilisent elles aussi le web et les réseaux sociaux pour communiquer directement avec leurs admirateurs. «Le rapport avec le public a changé, il est d'une incroyable proximité», dit-il.

Peut-être. Mais Guy A. Lepage, lui, commence à être légèrement irrité, vous disais-je. Si, un jour, une photo de lui achetant du papier cul chez Jean Coutu trouve son chemin sur le web, il promet de poursuivre en justice. «Et je suis pas le seul à être tanné. Trois autres artistes québécois, je veux pas dire qui, sont prêts à faire la même chose.»

Le choc de culture est là: dans l'univers de Jeff Hollywood, toute promotion est bonne pour un artiste. «Quand une vedette est photographiée en train de marcher avec son chien, un matin, c'est de la bonne presse pour lui!»

En entrevue avec Lepage, j'évoque la photo de l'humoriste François Morency, croqué de dos dans la section des surgelés d'un IGA. Hollywood PQ a publié la photo. «C'est pas une nouvelle! tonne Lepage, qui considère la chose illégale. Ce serait une nouvelle si quelqu'un photographiait en Hummer un artiste qui fait des pubs pour Ford. Mais ça? Jamais.»

En entrevue, Jeff Hollywood m'a lancé cette toute petite phrase, qui me dit que l'affaire est peut-être entendue, que je suis probablement un dinosaure, et toi aussi, Guy A. La phrase: «C'est normal que des gens voient une vedette et prennent une photo.»

Oui, normal.

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Je ne suis expert ni en promotion ni en artistes promenant leur chien. Mais je suis déprimé et même modérément enclin à remettre en question l'avenir du genre humain quand je m'attarde à essayer de comprendre le gars ou la fille qui, un bon matin, en voyant un artiste promener son chien, sort son portable pour immortaliser la scène, avant de l'envoyer à Hollywood PQ...

Il y a dans ce geste - dans la décision de pointer sa caméra sur Picard qui fume une cigarette; sur Morency qui achète une pizza (ou une lasagne, va savoir) congelée; sur un chroniqueur artistique s'amusant à un show au Centre Bell - une espèce de vide intersidéral épouvantable qui révèle quelque chose sur nous et sur notre époque.

Quoi?

Je n'ai pas trouvé encore. Je cherche. Légèrement effrayé par la réponse.