J'aimerais vous dire que je suis un être humain. Je ne suis pas seulement un golfeur qui triomphe dans votre télévision 88 pouces. Je ne suis pas seulement un homme-sandwich, non plus, qu'on utilise pour vendre des montres, des boissons sportives et des VUS. Je suis un être humain. Je veux dire par là que je ne suis pas parfait.

Cette image que vous voyez de moi, celle qui existe et celle que vous vous faites de moi, sont les deux côtés d'une même médaille qui, elle, n'existe pas. La médaille a été fabriquée en laboratoire par des gens de marketing et de publicité. Et elle possède l'authenticité d'une photo de Demi Moore à la une d'un magazine de mode féminine.

 

Pourquoi m'a-t-on fabriqué une image, dans le laboratoire du marketing et de la publicité? Parce que j'ai un talent exceptionnel. Et ce talent exceptionnel, allié à mon histoire de vie pas banale, fait vendre. Fait vendre quoi? Voyons un peu: des véhicules (Buick), des rasoirs (Gillette), des montres (TAG Heuer), des vêtements de sport (Nike)...

Je ne suis pas une victime innocente, remarquez. J'ai laissé faire. Pourquoi? Parce que c'est payant. Forbes ne se trompe pas: depuis 13 ans, j'ai bel et bien accumulé des revenus dépassant le milliard de dollars. C'est payant, être un homme-sandwich.

Mais si on me paie si cher, c'est pour vendre des trucs. Pour VOUS vendre des trucs. Oui, vous, qui lisez ces lignes.

Oui, vous, qui êtes assez nono pour acheter des lames Gillette plutôt que des Schick parce que j'en fais la promotion dans des pubs.

Oui, vous, qui êtes assez naïf pour acheter des t-shirts Nike, en pensant que ça améliorera votre handicap sur les verts. J'ai un scoop pour vous: ça ne changera rien à votre coup de départ. Ni à rien d'autre, d'ailleurs.

Tous ces machins que je vous vends, pour lesquels je suis surpayé, sont les objets liturgiques de la société de consommation. Je suis moi-même, en tant que pitch-man, un des saints de cette société qui jouit à acheter des machins. Et c'est pour vous permettre d'acheter en paix que je vends aussi de l'endettement (American Express).

Je viens de vous parler de jouissance. Nous arrivons dans le vif du sujet. Vous aviez hâte, hein? Ça me dégoûte d'avoir à le dire - parce qu'il s'agit d'une affaire intensément privée, férocement intime -, mais, oui, j'ai sauté la clôture. J'ai trompé ma femme. Voilà. C'est dit. Je suis un salopard. Je suis un être humain.

Mais ça ne vous regarde pas, même si j'ai un jour autorisé la publication de photos de ma famille. Même si j'ai embrassé ma femme live à ESPN après une victoire au Masters. Il y a toujours bien une limite à votre «droit» de savoir.

On va devoir jaser, elle et moi. De quoi? Ça ne vous regarde pas.

Pour les détails de mes transgressions, allez acheter le magazine qui a acheté l'histoire d'une de mes flammes. Ça devrait vous émoustiller et vous détourner - ça ne durera qu'une minute - de vos vies désespérément plates de consommateurs surendettés qui bandent mou en pensant à la voisine pendant la pause publicitaire d'American Idol.

Mais permettez-moi un petit commentaire éditorial sur la dame qui a choisi d'aller révéler les détails de sa relation avec moi, textos et messages téléphoniques en prime. Une femme qui vend son corps, on appelle ça une prostituée. Une femme qui vend ses secrets au magazine le plus offrant, on appelle ça comment? Just askin'.

Pardon?

Ce n'est pas bon pour mon image d'attaquer cette femme?

Vous êtes dans le champ. Finie, l'image. J'ai sacré dehors le relationniste, le faiseur d'image, le conseiller en marketing et le dentiste qui blanchissait mes dents.

C'est fini, Tiger-le-vendeur. Je débarque.

J'annonce par la présente à Gillette, Buick, Nike, TAG Heuer, American Express et tous mes autres commanditaires (je suis sûr que j'en oublie un ou deux), que c'est terminé. Je démissionne. J'ai un milliard de dollars à la banque. C'est assez. Pas besoin de plus. J'ai assez d'argent pour vivre sans travailler jusqu'en l'an 2421.

Dorénavant, je vais jouer au golf. Point. À partir de maintenant, je ne parlerai plus jamais d'autre chose, en public, que de golf.

Je suis content. Je pourrai lâcher un Shit bien gras, quand je rate un coup roulé, sans que le pingouin de Gillette ne me regarde de travers. Qu'il aille au diable, ce type. En plus, il a mauvaise haleine.

Je vous annonce aussi à vous, consommateurs, que je ne vous dois plus rien. Il n'y a pas assez d'argent sur Terre pour que je marche dans ce deal de fou, celui qui transforme une transgression intime qui ne regarde que ma femme et moi en une téléréalité internationale débile où, à la fin, je devrai nécessairement aller me repentir chez Oprah pour rassurer mes commanditaires.

Fuck Oprah.

Fuck cette époque.

Fuck vous, aussi, un peu.