Il s'appelle Stéphane Dupont et c'est une star de la radio à Québec, une star qui trône au sommet des BBM pour la gloire de sa station, CHOI. Pourquoi M. Dupont trône-t-il au sommet des BBM? C'est assez clair: parce que Stéphane Dupont dit les vraies affaires.

Par exemple, au sujet d'Haïti, il y a quelques semaines, M. Dupont a dit cette phrase lumineuse de simplicité: «Haïti, c'est un trou à marde!»

 

Les vraies affaires, dites dans de vrais mots, que le vrai monde comprend vraiment.

Mieux, Dupont n'a vraiment pas besoin de se déplacer pour dire les vraies affaires sur un vrai désastre historico-politico-géographico-socio-économique: il n'a qu'à regarder LCN pour se faire une idée!

Jean-René Dufort a mis sa grosse loupe sur les propos haïtiens de Dupont. J'ai fait écho au topo d'Infoman sur mon blogue. Cela a donné l'occasion à l'animateur de pleurnicher pendant une demi-heure sur les méchants Montréalais, prouvant de façon splendide que les plus grands bullies sont bien délicats, quand on les bouscule un peu...

Enfin, je m'égare. Trop payant pour être viré, trop embarrassant pour être ignoré, Stéphane Dupont a été suspendu deux jours par ses patrons, après ses propos lumineux sur Haïti. Le chef de la direction de Radio-Nord, M. Raynald Brière, est intervenu personnellement.

Sauf que Stéphane Dupont, dans sa quête de la vraie vérité, est infatigable.

Ce n'est pas une suspension qui va ralentir ses ardeurs. Son auditoire, composé de vrai monde, est son seul maître et baromètre. Donc, dès son retour en ondes, ou presque, M. Dupont a envoyé un jab à la pensée unique, du genre qui aurait fait rougir d'envie Claude Lévi-Strauss, si le vénérable anthropologue était encore de ce monde. Il a dit (Dupont, pas Lévi-Strauss):

«Le patinage artistique a toujours été un sport de tapettes!»

Voilà. C'est dit.

Un sport de tapettes et de fifis. Oui, de fifis. Il a vraiment dit «fifis» !

L'intellectuelle qui cire les souliers de M. Dupont en ondes, j'oublie son nom, a cru bon, ici, de manifester sa dissidence, évoquant de vrais hommes qui ont vraiment pratiqué le patinage artistique, jadis: «Sois poli, quand même. Des Lloyd Eisler, des David Pelletier, c'est pas des homosexuels, eux autres, là. C'est des gars. Des mâles.»

Mais M. Dupont est capable de nuance, remarquez. Je souligne ses explications, au nom de l'équilibre et du contexte: «Une tapette, c'est pas un homosexuel. C'est un gars qui s'approche de la femellisation corporelle.»

Vous comprenez?

Une tapette peut être un fifi.

Mais une tapette n'est pas un homosexuel.

Et, dixit la coanimatrice, un homosexuel n'est ni un mâle ni un gars.

Ouf.

Vous suivez encore?

Ces miettes de pensée complexe me donnent la migraine.

Le pire, c'est que Stéphane Dupont a peut-être raison. Il se peut que le patinage artistique attire plus d'homosexuels que d'autres sports.

Pourquoi, alors, M. le chroniqueur, pourfendre ce pauvre M. Dupont?

Parce que des fois, la forme en dit plus long que le fond, quand on émet une opinion.

Dire «My God, ce patineur détonne tant il est efféminé!», c'est la même chose, au fond, que ce qu'a dit M. Dupont. Sauf que le mépris, il est là, dans la forme. Et dans le cas de M. Dupont, comme le fond n'est pas bien creux, il faut bien s'attarder à la forme...

Chaque fois que je sers une mise en échec à un Prix Nobel de la radio de Québec, c'est la même rengaine qui suit. D'abord, le Prix Nobel dit qu'il s'en fiche, mais il pleurniche en direct pendant une heure, en m'insultant. J'aime être insulté par un Dupont: soudain, je me sens brillant comme Lévi-Strauss...

Ensuite, ses fidèles, des gens très, très indépendants d'esprit, m'écrivent pour me répéter (en lettres majuscules) les mots que vient de prononcer ledit Prix Nobel. À la virgule près. Et en me signalant que c'est vil d'exercer ma liberté d'expression contre quelqu'un qui utilise la sienne. Ah, douce, douce ironie...

Le pire, c'est que ces suiveux sont convaincus que leur gourou défend vraiment une cause. Ils ne réalisent pas que les boss du gourou n'en ont rien à foutre de la libaaaaarté.

Ils ont déjà oublié Jeff Fillion, sacrifié par CHOI quand il est devenu trop coûteux.

C'est David Desjardins, de Voir Québec, qui a le mieux résumé l'essence de cette radio fâchée-fâchée, qui flatte son auditoire dans le sens du poil comme une fille de joie: «Au fond, sa seule véritable fonction est économique: régurgiter jour après jour aux auditeurs ce qu'ils veulent entendre afin de justifier leur colère et ainsi les garder à l'antenne jusqu'à la prochaine pub.»

Heureusement, les suiveux n'y voient que du feu.