Très bon journal, le Globe and Mail. Je le dis sans cynisme. Ses journalistes sortent au quotidien des enquêtes et des nouvelles essentielles. Un exemple parmi 1000: pas de Globe, pas de scandale des commandites.

C'est du côté du commentaire que le Canada's national newspaper fait un fou de lui, quand ses producteurs d'opinions opinent sur le Québec. Du coup, le Globe perd tout sens de la mesure et rappelle le tabloïd News of the World, spécialiste des scoops sur ces femmes qui font des enfants avec des extraterrestres.

 

Au moins, les journalistes du News of the World savent que leurs histoires sont inventées.

Rappelez-vous en 2006, après Dawson. Une chroniqueuse du Globe and Mail a vraiment écrit que les fusillades meurtrières de Polytechnique, Concordia et Dawson étaient une conséquence de la loi 101. Explication de Jan Wong: les trois meurtriers en question étaient immigrés ou fils d'immigrés. Or, la loi 101 indispose les immigrés. Donc, ils pètent les plombs et vont tuer dans des écoles, a-t-elle écrit. Simple as one-two-three!

La controverse a été si vive que le premier ministre du Canada a écrit au Globe pour dénoncer la stupidité de cette analyse basée sur du vent. Le Globe ne s'est jamais excusé d'avoir publié pareille saloperie.

Remarquez, j'adore quand le Globe and Mail émet des opinions, par la plume de ses augustes chroniqueurs ou éditorialistes, sur le Québec: j'en sors toujours très dépaysé. On dirait qu'ils parlent de la planète Mars.

Plus récemment, le Globe a consacré un éditorial au caractère sexiste d'un passage de la version française de l'Ô Canada. C'était dans le contexte d'une minicontroverse sur le caractère sexiste d'un passage de la version anglaise de notre hymne national qui fait allusions aux «fils» du pays, et pas à ses filles.

Le passage «litigieux»: «Ô Canada, terre de nos aïeux». Les brillants cerveaux du Globe ont traduit, dans leur grand savoir encyclopédique, «aïeux» par forefathers, mot anglais qui ne désigne que les ancêtres masculins. Or, a déduit l'éditorial du Globe and Mail, les francophones aussi sont un peu sexistes: ils ne parlent pas des foremothers, les ancêtres féminines. Ce qui a échappé au logiciel de traduction Made in China du Globe: aïeux, en français, englobe hommes et femmes.

Le plus grand journal au pays a quand même déconné, sur 400 mots, à partir de cette mauvaise traduction. How do you say tone-deaf in French?

Ce qui nous amène au Globe and Mail d'hier, qui a encore dit des énormités sur le Québec, dans un éditorial - «Intolerable intrusion» - portant sur Naema Ahmed, cette femme d'origine égyptienne expulsée d'un cours de français parce qu'elle portait un niqab.

C'est Vincent Marissal qui a sorti cette histoire dans La Presse, la semaine dernière. Vincent a apporté les nuances et les détails nécessaires, y compris les multiples tentatives du cégep pour trouver un arrangement avec la jeune femme. Vaines tentatives: elle était d'une intransigeance crasse.

Au Québec, même les voix les plus «accommodantes» ont, en majorité, approuvé l'expulsion de Naema Ahmed. Le débat n'a pas donné lieu aux dérapages de style Hérouxville, où les éléments les plus embarrassants de la société québécoise ont fait un freak show de la question des accommodements raisonnables.

L'équipe éditoriale du Globe and Mail trouve quand même que les gestes de Québec, dans le dossier de Mme Ahmed, sont «troublants». Parfait. Le Globe and Mail a le droit de penser que le niqab devrait avoir droit de cité partout.

C'est un point de vue en parfaite symbiose avec la conception canadian du multiculturalisme. Après tout, le Globe a son siège en Ontario, province qui a flirté avec l'idée de permettre la charia.

Mais le Globe, dans cet édito, passe sous silence l'attitude militante et obstinée de Mme Ahmed. De ce simple point de vue, c'est du journalisme à deux cennes qui évacue une partie cruciale du contexte.

Il faut dire que l'histoire est sortie, avec ses nuances, dans La Presse. Et que La Presse est un journal français. Pour un éditorialiste du Globe, c'est du swahili. All you need to know about Quebec, you can read in The Gazette!

Mais ce n'est pas tout. Prouvant encore une fois que les journalistes d'opinion du Canada - bonjour Barbara Kay et Diane Francis - peuvent écrire n'importe quoi sur le Québec, les clowns de l'éditorial du Globe and Mail ont lancé la grenade qui suit:

«Il est peut-être courant dans certains pays arabes et d'Asie occidentale, comme l'ancien régime des talibans en Afghanistan, de donner le pouvoir à des agents de l'État d'imposer un code vestimentaire et d'interdire l'accès des femmes à l'éducation, mais cela est jusqu'ici inconnu au Canada.»

Vous avez bien lu. Le plus grand journal au Canada a comparé l'intervention des fonctionnaires québécois dans le dossier du niqab à celle des talibans qui, avant 2001, terrorisaient, tuaient, brûlaient, torturaient les femmes qui ne se conformaient pas au code vestimentaire le plus strict de l'islam.

Rien que ça!

La métaphore est sauvagement disproportionnée, évidemment. Mais ce n'est pas grave. Elle est en phase avec un texte condescendant qui martèle, en sourdine, que les Québécois ont une tare génétique qui les rend plus intolérants que la moyenne des ours face aux étrangers. Et aux étrangères. Surtout les étrangères masquées qui épousent une version radicalement rétrograde de l'islam.

En terminant, une question pour les faiseux d'opinions du Globe and Mail, question toute simple, que je poserai dans une langue qui évitera tout malentendu: So, guys, are you really racist towards Quebec or is it just an act?