Il faut donner à Bernard Gauthier, l'homme de la FTQ sur la Côte-Nord, le mérite qui lui revient. En conférence de presse, hier, il n'a pas fait un fou de lui comme son boss de la FTQ-Construction, Richard Goyette, la veille. Au contraire.

M. Gauthier, affectueusement surnommé Rambo, s'est imposé comme un bon bougre capable d'autodérision et d'humour, un chef syndical qui a mis de l'ordre dans la cabane.

Et en plus, sans que personne le lui ait demandé, M. Gauthier a imposé l'embauche d'autochtones dans des chantiers! Quand on sait les relations pas toujours simples entre autochtones et Blancs sur la Côte-Nord, c'est héroïque.

Bref, pour sa performance, hier, les relationnistes de Mirador auraient donné un A+ à M. Gauthier.

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Le hic, c'est que la bonhomie de Bernard Gauthier nous a fait oublier qu'il ne faisait que réciter, avec plus d'humour, le petit catéchisme de la FTQ en matière de gestion de crise médiatique.

Des leaders des cols bleus de Montréal (un syndicat SCFP, affilié à la FTQ) au président de la FTQ, Michel Arsenault, en passant par les bonzes de la FTQ-Construction et, désormais, Rambo Gauthier, ils martèlent tous le NSC devant les micros pour se défendre de viles accusations.

NSC ? C'est ma création. Je vous explique.

N pour négation. Niez, niez, niez. Comme la FTQ-Construction a nié avoir fermé les yeux sur le train de vie délirant de Jocelyn Dupuis. Comme Rambo Gauthier nie avoir intimidé qui que ce soit dans le monde de la construction nord-côtier.

S pour «salissage». Criez au salissage quand vos détracteurs soulèvent des faits embarrassants. Et calomniez-les au passage ! Comme Jean Lapierre, ex-chef des cols bleus, qui parlait publiquement des infidélités conjugales de ses adversaires à la section locale 301 du SCFP, affiliée à la FTQ. Comme Goyette l'a fait avec le juge Lesage. Comme M. Gauthier, qui a calomnié hier, avec des faits non pertinents, chacun de ses dénonciateurs.

C pour complot. Un bon chef de la FTQ, quand il est attaqué dans les médias, subodore toujours que l'affaire qui nous occupe n'est que la partie visible d'un vaste complot. Dixit Rambo Gauthier : c'est la faute de la CSN, c'est la faute des travailleurs des autres régions qui veulent enlever le pain de la bouche des nobles travailleurs de la Côte-Nord.

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Le moment le plus révélateur de la conférence de presse est survenu quand Rambo Gauthier a dû se défendre d'avoir menacé un contremaître de lui « en crisser une dans les dents ». L'homme de la FTQ semble avoir pris des leçons de Michèle Richard en matière de défense absurde.

M. Gauthier a dit qu'il parlait peut-être d'une sucette. Ou d'une plainte.

Ben oui !

La bande de Mirador, là-dessus, lui aurait donné un F.

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John J. Rambo était le héros de First Blood, le premier film d'une série sur un vétéran traumatisé par la guerre du Vietnam. Aujourd'hui, on rit beaucoup de cette série de films de Stallone, devenue débile. Mais en fait, le premier n'était pas si vilain.

Comme la Côte-Nord, la région de l'État de Washington où arrive Rambo, dans ce film, est loin des grands centres. Hope pourrait quasiment passer pour Havre-Saint-Pierre, tiens: petit village où tout le monde se connaît...

On éprouve rapidement de la sympathie pour John Rambo. Pour une raison fort simple: le soldat n'a rien fait pour mériter la hargne du shérif Will Teasle, qu'il croise en entrant à pied dans Hope.

Ce shérif est une brute qui abuse de son pouvoir. Il harcèle sans raison John Rambo, il le coffre, il le menace, il laisse ses hommes le brutaliser au poste de police.

Je suis donc désolé de décevoir M. Bernard Gauthier, qui lui-même se qualifie de «Rambo»: il devrait voir le film. Il verrait qu'il a plus en commun, métaphoriquement parlant, avec le shérif Teasle qu'avec ce pauvre Rambo.