Je ne me trompe pas: vous avez beaucoup aimé ce gouvernement libéral minoritaire. Vous avez aimé aussi ce nouveau Charest un peu contrit. Vous saviez, bien sûr, que c'était un rôle de composition, mais ça ne fait rien, je n'ai pas rêvé, vous l'avez largement préféré cauteleux à baveux.

J'ai bien compris aussi: vous étiez plutôt fiers de votre coup aux dernières élections provinciales, fiers d'avoir forcé ce ménage à trois qui n'a pas eu lieu en fait. Ce qui s'est passé c'est mieux encore, un ménage à deux: le gouvernement et vous. Vous lui avez botté le cul et il s'est mis à filer doux. Vous avez eu l'impression qu'on vous écoutait et cela s'est traduit dans les sondages par un très haut taux de satisfaction envers le gouvernement. C'est pour cela que nous sommes en élections.M. Charest vous dit que c'est à cause de la crise économique qui va nous frapper de plein front incessamment. Qu'importe que ce soit pour régler la crise à sa façon - plus probablement pour ne pas se retrouver en élections dans deux ans en plein coeur de cette crise -, qu'importe, M. Charest ne serait pas allé en élections sans ce très haut de taux de satisfaction envers son gouvernement.

Vous ne me voyez pas venir? Mais si.

Vous avez aimé ce gouvernement en son état minoritaire. Vous avez aimé qu'il marche sur des oeufs. Vous l'avez aimé précautionneux. Vous avez découvert, hé hé! que sa vulnérabilité l'avait rendu plus sensible à vos attentes. Vous êtes très satisfaits de tout cela, c'est normal.

Parce que vous êtes très satisfaits, vous allez voter massivement libéral, c'est normal aussi.

Ce faisant, vous allez élire un gouvernement libéral majoritaire, chiant, arrogant, autoritaire comme celui du premier mandat que vous avez détesté.

C'est flyé pareil la démocratie, trouvez pas? En tout cas c'est pas tout droit.

LE DÉBAT DES CHEFS - Je vous ai déjà parlé de mon amie Marie qui travaillait au Bell, au 11e étage du 600 Jean-Talon, je vous avais raconté comment elle avait perdu son job quand son job a été transféré en Inde. C'était en mai 2007.

Ce n'est pas toutes les filles qui avaient perdu leur job à ce moment-là, il en restait un peu plus de 600 dans tout ce secteur pour le Québec et l'Ontario. Jeudi dernier, dans l'après-midi, un cadre troisième échelon est venu leur annoncer la coupe de 240 postes. Coupe assortie d'un plan de départ volontaire : deux semaines de salaire par année de service. Celles qui sont intéressées doivent signer le formulaire avant lundi le 1er décembre.

Louise, une amie de Marie, 17 ans de service, deux ados, pas de conjoint, une hypothèque, se demande ce qu'elle va faire.

Elle signe et au bout de sa prime de départ et de son assurance chômage, elle fait quoi ?

Elle ne signe pas et prend le risque d'être coupée sans prime de départ.

Mardi soir, Louise est allée souper chez Marie pour en parler. La télé était allumée au débat des chefs. Quand ils ont commencé à monter le ton et à s'engueuler, Marie a fermé le son.

Ouais, qu'est-ce que tu disais, Louise?

OÙ ÇA UNE JOKE? - Le vélo public Bixi que les Montréalais pourront utiliser à partir du printemps prochain (à un coût prohibitif, me glisse-t-on dans l'oreille, mais c'est un autre sujet), ce vélo donc figure au tableau des plus belles inventions de l'année de la revue Time. Invention que l'on décrit comme une petite merveille technologique, équipée (ai-je bien compris?) de capteurs solaires, youpi pour les capteurs solaires. A-t-elle aussi des pédales? Good.

Je vous en parle parce que deux semaines plus tard, dans le courrier du Time, un lecteur affirmait que la revue n'aurait jamais dû retenir cette invention que les Montréalais ont piquée aux Parisiens - c'est complètement faux mais on s'en fout, c'est la façon dont c'est dit : Parisians would be miffed (offensés) to find that a city - Montreal - that appropriated its language is now getting credit for a bike system etc.

Comment ça Montréal s'est approprié le langage des Parisiens ? Si c'est une blague, et je pense que ça essaie d'en être une, vous n'imaginez pas, monsieur, comme elle ne fera rire personne chez nous.

VAS-Y ZATOPEK! - Un petit livre dont on parle beaucoup ces jours-ci: Courir de Jean Echenoz (Les Éditions de Minuit). Cela raconte la vie d'Émile Zatopek qui a dominé la course de fond de la fin de la guerre au milieu des années 50. Aux JO d'Helsinki en 52, celui que L'Équipe appelait la locomotive tchèque gagnait le 5000, le 10 000 et le marathon, record inégalé jusqu'ici.

En 52 j'avais 12 ans, en ce temps-là quand on voyait courir quelqu'un on lui lançait machinalement: vas-y Zatopek. Au patronage laïque où j'allais tous les jeudis, il y avait cette grande affiche de l'Émile et de sa femme Dana (elle lançait le javelot), ils tiennent des fleurs, ils regardent vers l'avenir (radieux), premiers athlètes stakhanovistes, Zatopek ne se doute pas du nombre de ti-culs comme moi qu'il a menés à une piste d'athlétisme en même temps qu'au communisme.

Cinquante-cinq ans plus tard, je n'ai absolument rien appris sur Zatopek dans ce livre-là, mais j'ai appris comment faire un portrait sans appuyer sur le crayon et en dessinant aussi les environs. Bref, ce livre-là, malgré son titre et ce qu'on pourra vous en dire, n'est pas du sport, c'est de la littérature.

C'est très bien aussi, la littérature.

BON SANG NE SAURAIT MENTIR (proverbe mongol) - C'est bien d'avoir retiré le chandail de Patrick Roy. Mais maintenant faudrait peut-être songer à lui retirer ses enfants.