C'était la ministre de l'éducation à la radio. Elle disait que le programme contre le décrochage scolaire s'appellerait désormais le programme pour la persévérance scolaire. Et Homier-Roy, que ce jovialisme agace visiblement autant que moi, de lui demander: et vous pensez, madame la ministre, que de nommer autrement le problème va le régler?

Elle a répondu une énormité sur la magie du langage positif, elle n'a pas employé le mot magie, c'est pourtant bien de cela qu'il s'agit: de linguistique magique et même un peu ésotérique. Cela commence par les mots, non? a-t-elle ajouté. Ciel, ma tante, si cela commence par les mots, qu'attendons-nous pour ne plus appeler un cancer, un cancer? Un si vilain mot mortifère, remplaçons-le par... je ne sais pas moi, ce ne sont pas les jolis mots qui manquent dans le dictionnaire: aubépine, escampette, balustrade. Bonjour madame, fait longtemps que j'ai vu votre mari. Ah bon? Pas très bien? La balustrade du pancréas! Vous me rassurez, c'est pas le cancer. Et fiston? Ah bon il est actuellement en défaut de persévérance scolaire? Bof tant qu'il ne décrochera pas...

Vous riez? Pas moi. C'est que je sens derrière ce camouflage tout l'esprit de notre ministère de l'Éducation. Évoquer la persévérance scolaire pour ne pas prononcer «décrochage» relève de la même cosmétique bullshit que de ne pas faire redoubler l'enfant pour ne pas ébranler son estime de soi, l'évaluer par des lettres plutôt que par des notes qui lui diraient combien il est nul, baisser sans cesse les exigences, etc.

C'est quoi le contraire de la persévérance scolaire? De la non-persévérance? Cette altération du langage à des fins thérapeutiques, cette insignifiance du signifiant, c'est du Barthes sur un mauvais trip d'acide. Sans ajouter qu'il est paradoxal, sous prétexte d'être positif, de définir négativement la chose qu'on n'ose plus nommer; au lieu de décrocheur: NON-persévérant! Franchement, madame la ministre, à ce compte-là les aveugles vont bientôt exiger qu'on les nomme des NON-voyants et les sourds des MAL-entendants...

UNE OPTION COMME UNE AUTRE - Pour parler du décrochage lui-même, non seulement on ne s'en débarrassera pas en le nommant autrement, mais j'ai de plus en plus l'impression qu'on en cherche les causes où elles ne sont sans doute pas. Je ne suis pas un expert bien sûr, mais à voir le résultat qu'obtiennent les experts en ce domaine, je ne suis pas vraiment gêné de m'aventurer sur une autre piste...

Êtes-vous bien certaine que les causes du décrochage scolaire sont à l'école, madame la ministre? Vous n'arrêtez pas, enfin les gens de votre Ministère n'arrêtent pas de réformer l'école avec l'arrière-pensée de contrer ainsi le décrochage, et voyez les résultats que ça donne.

Non, je ne dis pas que le décrochage est la faute de la réforme. Je dis que les enfants n'ont pas plus envie d'aller à votre école réformée que nous avions envie d'aller à la nôtre, magistrale. Si je me souviens bien, dans ma classe, tout comme aujourd'hui, au moins la moitié des élèves ne seraient pas allés à l'école s'ils avaient eu le choix. Mais justement, la différence est là: on n'avait pas le choix.

Aujourd'hui, le décrochage est une option comme une autre. Et si vous voulez mon avis, c'est bien là la première cause du décrochage: que ce soit une option.

Pourquoi c'est une option? Ah ben là, vous n'allez pas m'aimer du tout. Pourquoi? Parce que la nullité des parents. Ces parents qui en mènent de plus en plus large à l'école, qui se mêlent de plus en plus de ce qui ne devrait pas les regarder, mais qui, chez eux, ne sont pas foutus d'assurer la partie de l'éducation qui les concerne: fixer des règles et les faire respecter. Parmi celles-là: tu vas à l'école, Chose, as-tu compris? Tu-vas-à-l'é-cole.

JOYEUSES PÂQUES - Le Lake Champlain Weekly est un hebdomadaire canado-américain, distribué gratuitement des deux côtés de la frontière, aussi bien dans les comtés nord des États de New York et du Vermont que dans la partie sud du Québec qui s'appuie sur ces deux États, un territoire qui peut sembler vaste mais très peu peuplé, à vue de nez 300 000 habitants, sûrement moins, mais disons 300 000.

Dans son édition pascale, le Lake Champlain Weekly - dont les bureaux sont à Plattsburgh - offre sur trois pages la liste des églises de la région.

Trois pages d'églises baptistes, catholiques, presbytériennes, adventistes, unies, témoins de Jéhovah, luthériennes, trois synagogues, 180 églises en tout pour desservir une population de 300 000 âmes en supposant qu'ils en aient tous une.

À chaque voyage dans le sud des États-Unis, je m'exclame devant cette piété qui suinte des murs, dirait-on. Je n'avais jamais observé que le Nord, où je vis, pour avoir la piété plus discrète dégouline de tout autant de religiosité.

Pour dire quoi? Joyeuses Pâques à tous mais... mais rien. Je vous watche.

LE SPORT C'EST COMME LA VIE - Je ne me vanterai certainement pas d'avoir prédit la victoire des Tar Heels (North Carolina) en finale du March Madness tant a été patente leur supériorité du début à la fin du tournoi, ce qui nous a d'ailleurs valu une finale d'une rare platitude. Après 10 minutes, les Spartans (Michigan State) étaient déjà 20 points en arrière, on n'a pas eu de match, de show non plus.

Pour dire quoi? Que le sport c'est comme la vie: des fois, il ne s'y passe rien.