En attendant de mourir de la A (H1N1), je suis déjà un petit peu malade du débat qu'elle suscite. Malade de ce que j'entends, de ce que je lis, des courriels que je reçois, genre celui-ci : Le débat (ou plutôt l'absence de débat) télévisé d'hier soir à RDI avait sans doute pour but d'alimenter la panique et d'inciter les gens à se faire vacciner... Ouf, j'en ai des frissons, docteur.

Les pouvoirs publics font ce qu'ils peuvent pour inciter un maximum de citoyens à aller se faire vacciner, c'est leur job, et jusqu'ici je trouve qu'ils font une sacrée bonne job.

Une campagne de peur? La peur bat déjà la campagne. Les médias, même en rapportant l'information avec sobriété et professionnalisme, les médias, par leur seul nombre, saturent déjà l'actualité de ce virus-là.

Mais en elle-même, l'information officielle qui émane des services publics est très claire. Elle établit avec pondération la dangerosité du virus A (H1N1): plus dangereux que le virus de la grippe habituelle, beaucoup moins que celui de la grippe espagnole, qui a fait 50 millions de morts en 1918. Et établit tout aussi clairement que le pire qui n'arrivera certainement pas peut arriver. Un virus qui résisterait aux antiviraux, le tiers de la population du Québec qui tombe malade, des milliers de morts, et là oui, bonjour la panique.

Les pouvoirs publics ont la responsabilité d'envisager le pire, sans le marteler, sans l'agiter, ils ont le devoir de le prévenir. Et la meilleure prévention c'est la vaccination massive.

On a dressé la liste de groupes à risques, le personnel soignant, les très jeunes enfants, les parents de nourrissons, les femmes enceintes, les malades chroniques, les ados, et on a lancé l'opération lundi au Québec, avec des ratés évidemment ; il faudra bien deux ou trois semaines pour roder la machine.

En attendant, j'ai reçu le prospectus des services de santé. Mon groupe d'âge est attendu à partir du 30 novembre au CLSC de Cowansville; je pourrais aller aussi à Bedford ou à Farnham. Tout est là, les adresses, le site internet, les numéros de téléphone. Je viens d'appeler à Bedford pour tester l'info : excusez-moi, madame, je dois partir en voyage le 15 novembre; mon groupe n'est pas appelé avant le 30... Dans ce cas, présentez-vous à partir du 9, m'a dit la dame.

J'entends ici et là que les choses vont si lentement et que le virus va si vite, qu'on fait tout cela pour rien.

Quatre jours, sacrament! Donnez une chance à l'intendance de planter sa tente.

Mais j'entends surtout ceux qui répètent encore et encore que le vaccin est sûrement plus dangereux que le virus, que les adjuvants utilisés dans les vaccins pour amplifier leur effet sont imprévisibles ; je ferai remarquer à ceux-là qu'au verso de la carte qu'ils doivent avoir reçue des Services sociaux, il est écrit en rouge que la vaccination est volontaire. Ça, ça veut dire que si tu ne veux pas y aller, tu n'y vas pas.

Fiancée, vas-tu aller te faire vacciner?

Non.

Pourquoi?

Parce que ça ne me tente pas.

Je trouve que c'est une crisse de bonne raison. La seule peut-être.

Moi, je vais aller me faire vacciner parce que ça me tente. Aussi, je l'ai dit, parce que je n'en peux plus des niaiseries qui se racontent sur le Net. Aussi parce que mon ami (j'exagère) Amir Khadir, qui sait un petit peu plus que vous et moi de quoi on parle (il est microbiologiste), demande aux gens d'aller se faire vacciner «au cas où cette grippe deviendrait meurtrière». Quelqu'un dans la salle pour accuser Amir d'être à la solde des multinationales pharmaceutiques?

Outre les mauvaises raisons d'aller me faire vacciner que je viens de décliner, une plus mauvaise encore : je vais y aller parce qu'on me dit d'y aller. Tu ne peux pas t'ostiner toujours sur tout, tout le temps. Des fois, ça repose d'être un bon petit soldat qui marche au pas.

Deuxième classe Foglia! À la vaccination et que ça saute!

Yes, sir.

LE BONHEUR - Je débroussaillais au bout du jardin quand j'ai trouvé sur une souche d'érable à Giguère une bonne poignée de pleurotes, assez pour un fond de poêle.

Le même jour, le voisin du bout de chemin, il élève des moutons et des lapins, m'appelle pour me dire qu'il a fait tuer une dizaine de ses lapins; est-ce que je voulais les foies? Tu parles que je les veux! Quand je pense qu'avant de lui dire que j'étais preneur, l'abattoir les jetait! Anyway, je parlerai une autre fois du dégoût de ce pays pour les abats et de son goût pour une gastronomie décorative aux additions himalayennes.

J'ai payé les foies trois sous; en déballant le paquet j'y ai trouvé, en plus des foies, les rognons et les coeurs.

Dix petits coeurs de lapins aux pleurotes. Le bonheur pour trois sous.

MAXIME - Des nouvelles de mon ami Maxiiiime. Il me rappelle qu'on s'écrit depuis 2002 qu'on ne se dit jamais rien, mais là ça fait vraiment longtemps qu'on ne s'est rien dit. Il est toujours au Japon, il enseigne dans une école secondaire à Nagoya...

Depuis la dernière fois je me suis marié ; ma femme Naomi est en train d'écouter un film avec Brad Pitt, Benjamin Button, tout en cuisinant du poulet. Moi j'écoute du Bon Jovi en te donnant des nouvelles. C'est pas pire le mariage. Ça t'est déjà arrivé?

Tu me fais un peu de peine, Maxime. Comment ça, on ne se dit rien? En trois lignes tu m'apprends que tu t'es marié avec une fille qui est en train de regarder un film avec Brad Pitt en faisant cuire du poulet et t'appelles ça rien?

Tu veux que je dise un truc? T'écris comme on fait du sirop d'érable, Maxime, tu fais bouillir la vie et tu m'en donnes l'extrême condensé. Merci, mon ami.