«Les jeunes et la culture», c'était le titre de notre cahier Plus de samedi. La Presse a posé une cinquantaine de questions à 600 élèves de 10 cégeps. Le résultat est confondant.

Quels sont vos artistes québécois préférés? Louis-José Houde, Martin Matte, Rachid Badouri. Quels sont vos artistes préférés - pas forcément québécois, vos artistes dans le monde, dans la vie? (La vie est un festin où s'ouvrent tous les coeurs... Je cite Rimbaud ou à peu près - ces jeunes-là doivent bien avoir des cours de poésie au cégep, non?) Leur réponse? Exactement la même que pour la question précédente: Louis-José Houde, Martin Matte, Rachid Badouri.

 

Quelles sont vos émissions québécoises favorites? Tout le monde en parle, Les Parent, Dieu merci, Trauma, Yamaska, Lance et compte. Vos films favoris (dans le monde, dans toute l'histoire du cinéma - ces enfants-là doivent bien avoir un prof de cinéma qui leur a déjà parlé de Dogville, non?). Leurs réponses: Avatar, De père en flic. Vos films québécois favoris: De père en flic, Bon Cop, Bad Cop. Groupes ou chanteurs québécois favoris: les Cowboys Fringants, Kaïn, Jean Leloup, Céline Dion. Leur auteur favori? Patrick Senécal.

Confondant, disais-je. Surtout le titre de notre enquête: «Les jeunes et la culture». Les jeunes? Les JEUNES? Ciel, comme ils sont vieux pour leur âge! Remarquez bien, rien de très neuf sous le soleil. Ça a toujours été ça. On en fait grand cas, les jeunes par-ci, les jeunes par-là, on donne des noms à leurs générations, génération Z, génération Y, mais au fond, c'est toujours la génération duplicata.

La génération toujours recommencée. Et toujours à genoux devant l'or et la merde.

Vous vous souvenez du disque tout noir de Metallica? Something's wrong, shut the light/Heavy thoughts tonight/And they aren't of Snow White.

LE DEUX DE PIQUE Il y avait un magicien à Tout le monde en parle, dimanche. Il faisait des tours de cartes. La plupart des tours de cartes commencent par: prends une carte, n'importe laquelle. C'est jamais n'importe laquelle. Avec ses doigts par en dessous, le magicien fait habilement glisser la carte qu'il veut vous donner. Le deux de pique.

À partir de ce truc bébête, la magie consiste à retrouver ce deux de pique dans le plus improbable des endroits, dans le sac à main de la dame de la troisième rangée, ou, comme dimanche soir à Tout le monde en parle, dans les petites annonces de La Presse. Le magicien a appelé à La Presse la semaine précédente: Je voudrais faire passer une petite annonce dans le numéro de jeudi. La petite annonce disait ceci: Guy A. Lepage tirera le deux de pique.

Arrive jeudi. Prends une carte, Guy A., n'importe laquelle. Guy A. Lepage, qui croit tirer n'importe laquelle, tire le deux de pique. Maintenant, regarde dans La Presse d'aujourd'hui. Hein! Wow! C'est incroyable! C'est écrit dans le journal que j'ai tiré le deux de pique.

Dans la vie, c'est pareil. Y a toujours un truc. Gros comme une maison, sous votre nez, mais que vous ne voyez pas parce que vous avez envie de croire à la magie. C'est comme ça que vous vous faites fourrer par la pub, surtout par le marketing, qui invente de nouveaux trucs tous les jours, par les politiciens, qui vous font avaler n'importe quoi pour se faire réélire, par Lacroix, par Jones... Prends une carte, n'importe laquelle. Rappelez-vous bien ceci: ce n'est jamais n'importe laquelle. C'est toujours celle qui vous est destinée. Le deux de pique.

LES JEUX, SUITE ET FIN Pendant les Jeux, ma fiancée me met La Presse de côté. Je passe à travers la pile dans les jours qui suivent mon retour, je sors généralement soulagé de l'exercice. Cahiers superbement présentés, nos textes bien mis en valeur, les miens moins nuls que je ne craignais quand je les ai envoyés - sauf cette fois, un peu nul quand même.

Pourtant, une raison de me réjouir: durant toute ma carrière, je me suis démené pour que le cahier des sports soit plus qu'un cahier hockey-baseball-football-vroum-vroum et c'est arrivé. Pas grâce à moi. C'est arrivé. Pas seulement à La Presse par mes collègues Simon Drouin et Jean-François Bégin, mais aussi par les gens de l'agence Sport-Com, par Randy Starkman du Toronto Star, Carl Tardif du Soleil, Alain Bergeron du Journal de Québec, la plupart des commentateurs et des analystes de RDS qui étaient à ces Jeux... Je me souviens d'un temps où nous n'étions, dans toute la province, que quatre Martiens à savoir qu'un 800 c'était deux tours de piste: Jean Saint-Hilaire du Soleil, Richard Garneau, Malléjac, moi. Puis sont venus Martin Smith mais surtout Laurent Godbout et Daniel Aucoin. Aujourd'hui, c'est moi qui ne suis plus tout à fait là. Et, franchement, qui ne tiens plus tant que cela à y être. L'idéologie qu'est devenue l'olympisme, le CIO en Big Brother, les petites histoires «humaines» qu'il faut raconter pour faire avaler le biathlon à ma tante Aline, j'ai déjà beaucoup donné.

Mais je sais encore lire. Le meilleur texte de ces Jeux dans La Presse et peut-être dans toute la presse n'est pas signé d'un journaliste. Il est de Clara Hughes. Un grand texte sur ce qu'est l'essence du sport. Cela s'appelle, si vous voulez le relire, «L'histoire de Nicole». Il a été publié le jour de l'ouverture des Jeux et cela ne pouvait mieux tomber. Merci, madame.