On peut toujours se consoler en se disant qu'on aura eu droit à 30 ans de Grand Prix de Formule 1 à Montréal.

C'est presque impossible de résumer ce qu'est un Grand Prix pour un journaliste affecté à sa couverture. Surtout quand on a le privilège de couvrir la plupart des autres courses que ce soit à Melbourne ou à Kuala Lumpur.

Retrouver chez soi, à Montréal, au Québec, tous ces reporters, dessinateurs, photographes, commentateurs ou analystes de tous les pays et de toutes les langues, avait quelque chose d'émouvant. Inviter dans son restaurant favori des confrères français, italiens, belges, espagnols et servir de guide pendant une soirée, c'était plus qu'un plaisir. C'était un honneur.

Et rejoindre les ingénieurs de BMW, de Renault, de Shell ou de toutes ces multinationales impliquées dans la Formule 1 chez Alexandre ou chez Ferrera, partager une grande bouffe au Latini avec Jarno Trulli et Jacques Ménard, ou encore donner quelques indications à quelques touristes perdus dans le centre-ville, avait quelque chose d'unique. Pendant quelques jours, on oubliait les nids de poule, les travaux mal planifiés et on se disait que Montréal était une belle grande ville internationale.

Le cirque va encore se déplacer. Torto, Grigri et les autres vont se retrouver à Singapour. Ou à Budapest. Tant que les gouvernements vont éponger les déficits. Moi-même, sans que j'en aie pris vraiment conscience, j'ai perdu de belles villes au fil des années de F1. Le Grand Prix de Buenos Aires est mort. Je ne suis pas retourné en Argentine. Le Grand Prix d'Estoril au Portugal a été rayé de la carte par B'wana, je n'ai pas revu Lisbonne. Imola est disparu et je n'ai pas remarché dans les rues de Bologne. Je ne retournerai jamais à Magny-Cours ni à Nevers, la ville la plus proche.

La saison prochaine, en buvant un troisième verre de vin quelque part dans le monde, des confrères échangeront quelques souvenirs sur Montréal. Puis, dans quelques années, ils n'en parleront plus. Bernie aura décidé qu'il en sera ainsi.

On va s'en remettre. Les hôteliers vont trouver d'autres façons de garnir leurs chambres. Les restaurants vont faire des rabais pendant les deux premières semaines de juin en attendant que quelqu'un songe à un grand festival western à Montréal.

N'empêche que ça va creuser un méchant trou. Et celui-là, il va être difficile à remplir.