«Ça fait mal, c'est certain. C'est dur pour le moral. Quand j'ai signé ce contrat de 10 ans, moi, c'était pour la vie. Je découvre qu'un contrat, même un contrat avec une clause de non échange comme avait Dan Boyle, ça ne veut rien dire quand ils décident de t'échanger. Mais au moins, j'ai leur engagement qu'ils viendraient me parler s'ils décidaient de passer à l'action».

La voix de Vincent Lecavalier est sombre au téléphone. Mais le gaillard est solide et sait éviter les pièges. Jamais il ne critique son organisation: «Pour l'instant, je fais partie du Lightning de Tampa Bay. C'est encore mon équipe et il y a quelques jours, je pensais encore que je passerais toute ma carrière avec son chandail», dit-il.

Il précise qu'il n'a pas encore parlé aux propriétaires de l'équipe. Il a discuté avec Brian Lawton et les autres membres de la direction hockey du Lightning mais il n'a pas encore discuté de son avenir avec ceux qui vont prendre la décision finale: «Je n'ai parlé à personne du groupe des propriétaires. Il y a toutes sortes de rumeurs sur les finances de l'organisation. C'est évident que tout devient différent, que tout est remis en question. Ça fait mal mais c'est la vie», de dire Lecavalier.

On a jasé un bon bout de temps. Il s'est informé sur le Canadien, il a posé quelques questions sur la vie quotidienne dans le hockey à Montréal. Je lui ai dit que l'équipe était très bien dirigée et que Guy Carbonneau était un coach exigeant: «Il n'y a pas de mal à ça, jouer pour un coach exigeant. C'est bon, un coach qui est capable d'être dur. Des fois, c'est ce que ça prend», a-t-il noté.

Tout au long de la conversation, il n'a cessé de répéter à quel point il était difficile pour lui de se concentrer sur le hockey. Combien il est ardu de se préparer pour un match.

Ça va être plus facile à Montréal en écoutant 110%. Il va s'endormir pompé au max...

Rien n'est assuré...

Rien ne dit que Vincent Lecavalier va finir avec le Canadien. Mais au moins, on sait de Lecavalier lui-même que Montréal n'est pas exclue de la liste des équipes qui peuvent lui mettre la main dessus.

Mais le Canadien a quand même une solide compétition dans le derby Lecavalier. Plusieurs équipes sont à l'oeuvre et peuvent offrir autant que Bob Gainey. Hier soir, Lecavalier m'a précisé qu'il soumettrait probablement une courte liste des villes où il accepterait d'aller jouer. Montréal sera en tête de la liste.

Et Lecavalier pourrait toujours rester à Tampa Bay s'il décidait de se battre sur ce front. Comme Mario Lemieux l'a fait en sauvant le hockey à Pittsburgh. Surtout que les journaux de Tampa et de St.Petersburg sont féroces envers les cowboys qui sont maintenant propriétaires du Lightning. Et ce qu'ils disent est clair et net. Si Lecavalier s'en va sans qu'on obtienne en échange au moins les deux meilleurs joueurs de l'équipe à qui on va l'envoyer, alors aussi bien fermer les livres à Tampa Bay. Ça sera la fin de la concession puisque les partisans et la communauté d'affaires ne pourront plus faire confiance aux incompétents qui ont acheté l'équipe en juin dernier. Mais l'homme qui parlait hier soir semblait en avoir sa claque de ces «crosseurs» qui se sont achetés un jouet trop onéreux pour eux.

L'équipe et le climat

Hier, en compagnie de Michel Villeneuve, j'ai eu la chance de converser un bon moment avec Dan Boyle. Ça aide beaucoup à comprendre ce qui se passe. Boyle, défenseur étoile du Lightning, gagnant de la Coupe Stanley, marqueur de 20 buts, avait signé un contrat de six ans avec les nouveaux propriétaires de l'équipe. Ils lui ont consenti une clause de non-échange. Tout était beau et ils n'arrêtaient pas de lui sussurer des mots doux à l'oreille. Surtout au téléphone quand Boyle n'avait pas de témoin.

«Ils me disaient des choses merveilleuses et en même temps, ils travaillaient à m'échanger. Si j'avais un conseil à donner à Vincent à qui je n'ai pas pu parler avant-hier, à San Jose, ce serait de se méfier. Ce qu'on lui dit et ce qu'on fait dans son dos, ce n'est pas la même chose. C'est incroyable», de dire Boyle.

C'est rare qu'un joueur puisse se permettre d'être aussi direct et franc. Sans doute qu'avec le contrat qui le protège, Boyle ne craint pas de se retrouver un jour à Tampa.

Je lui ai demandé quels avaient été les critères de sélection qui avaient favorisé San Jose: «Le premier de tous, c'est la force de l'équipe. Il n'y a rien de pire au monde que de perdre des parties de hockey. Je voulais une bonne équipe. Si le Canadien avait voulu m'avoir en mars dernier pour terminer la saison, j'aurais sans doute accepté. Mais le deuxième facteur qui m'a fait choisir San José, c'est l'environnement, la qualité de vie. Et le climat. Si Vincent me demandait mon opinion, c'est ce que je lui dirais», a dit Boyle.

Donc le Canadien a une équipe qui peut satisfaire un joueur qui veut gagner. Qui veut avoir la chance d'inscrire son nom sur la Coupe Stanley. Malheureusement, le climat de la ville joue contre la Flanelle. Sans parler des impôts et des taxes. Et de l'état des infrastructures de Géraldville.

Par contre, pour un Québécois comme Lecavalier, la tentation de prendre la relève de Guy Lafleur dans le coeur de ses compatriotes peut peser lourd dans une décision. Je l'espère du moins.

À Gainey de jouer

Vincent Lecavalier, si j'ai bien compris toutes les informations glanées depuis quelques jours, sera consulté s'il est échangé. Mais il n'a pas le pouvoir de décider lui-même de l'équipe élue. C'est là que Bob Gainey intervient. C'est à lui de préparer un bouquet tellement attrayant que les proprios du Lightning et leur directeur général Brian Lawton ne pourront résister. Ce matin, Gainey est en compétition avec quelques directeurs généraux qu'il ne connaît peut-être pas. Il ne sait pas ce qu'ils peuvent offrir au Lightning et c'est lui qui doit décider quelle est la ligne qu'il ne peut franchir.

Si Mike Komisarek avait un contrat, je dirais que lui et Carey Price devraient être les deux seuls intouchables de l'organisation. Mais puisque Komisarek n'a toujours pas de contrat et que rien ne garantit qu'il sera à Montréal la saison prochaine, c'est Price et Andrei Markov qui deviennent les seuls intouchables qui ne peuvent être offerts au Lightning. Les autres, aucun problème même s'ils connaissent une bonne saison. Après tout, c'est un gars de 37 ans qui est le premier marqueur de l'équipe. Ça en dit long sur les stars du Canadien.

Bettman pourraiit agir

Par ailleurs, il semble également assuré que le Lightning devra faire approuver toute transaction impliquant Lecavalier par les dirigeants de la Ligue nationale. Selon un informateur branché directement à New York, c'est Gary Bettman qui aura le dernier mot dans la saga. On veut être certain que les millions investis par la Ligue nationale seront protégés et que le départ de Lecavalier ne fera pas plonger la valeur du Lightning lors d'une vente possible.

Ça se poursuit aujourd'hui.