J'avais les yeux fixés sur le visage de Carey Price quand il s'est rendu «féliciter» Jaroslav Halak après son excellence performance contre les Sharks de San Jose. C'est peut-être la palette de sa casquette rouge qui assombrissait ses yeux mais je n'ai pas vu grand sourire dans la démarche. Ça devait faire mal à l'ego. Très mal.

C'est normal. Le jeune a joué avec ses jouets tant qu'il l'a voulu depuis quelques années. Price a été repêché cinquième par le Canadien qui a tout investi sur le prodige. L'avenir de la Flanelle, c'était Christ Price. Le Sauveur pas encore monté aux cieux. Jésus Price pour les intimes.

Faut dire que pour une fois, Trevor Timmins avait raison de s'emballer et de pousser Bob Gainey à repêcher un joueur. Price est grand, gros, calme en apparence et solide. Et sa carrière chez les juniors a été fulgurante.

Le jeune a donc eu droit à un traitement de star. On a été injuste envers les autres gardiens à son arrivée avec les Bulldogs, surtout avec Jaroslav Halak qu'on a tassé sans ménagement. La décision en apparence a été très bonne puisque Hamilton a gagné la Coupe Calder. Cependant, rien ne dit que Halak n'aurait pas été en mesure de mener l'équipe aux mêmes succès.

L'an dernier, Halak qui avait des stats à faire envie à tous les gardiens de la ligue, a été renvoyé à Hamilton quand Bob Gainey a encore déroulé le tapis rouge pour accueillir Price. Et même après la perte de Cristobal Huet, c'est le banc qu'on a réservé à Halak! Comme si Price avait été un Martin Brodeur ou un Patrick Roy à leur sommet. Cette fois, le risque était trop grand et le Sauveur s'est effondré contre les Flyers de Philadelphie. Même s'il n'a pas été mauvais devant le filet, il n'a rien donné d'extra au Canadien.

Cette saison, même scénario. On a tout donné à un gamin sur le gros party. Et qui traitait une partie de l'humanité comme une merde.

Ne vous inquiétez pas, Guy Carbonneau à qui on a imposé Carey Price comme numéro un cette saison, n'est pas fâché de ce qui arrive. Ça lui donne l'occasion de parfaire l'éducation du jeune Price.

De lui dégonfler tête et couilles et de le rendre beaucoup plus réceptif aux conseils de Roland Melanson. Si Melanson est compétent, alors tout ce qui se passe va contribuer à améliorer le jeu de Price. Sinon, l'organisation saura à quoi s'en tenir.

Si j'ai choisi le Canadien pour terminer neuvième en début de saison, (en me trompant puisque Halak a pris une relève imprévue), c'est pour trois raisons. La première, c'était les blessures. L'an dernier, le Canadien a été épargné comme c'est rarement le cas dans la Ligue nationale. L'histoire montrait que ça n'arriverait pas deux saisons de suite.

La deuxième, c'est que trop de joueurs en étaient à la dernière année de leur contrat et que, tôt ou tard, cela aurait une influence sur leur jeu et sur le vestiaire.

Et la troisième, c'était Carey Price. Je trouvais que le gamin était un très bon gardien en devenir mais qu'à 21 ans, il était beaucoup trop jeune pour qu'on lui confie la responsabilité écrasante de tenir le fort pendant une soixantaine de matchs avec un statut de numéro un.

Évidemment, je n'avais pas prévu que La Presse ferait éclater un scandale au grand jour impliquant trois joueurs du Canadien et que les rumeurs de folies d'autres joueurs pèseraient si lourd sur l'équipe. Guy Carbonneau et Bob Gainey, deux vieux officiers qui connaissent les jeux de la guerre, ont vite compris qu'ils avaient une occasion en or de regrouper les troupes. Et Halak leur a donné l'appui dont ils avaient besoin pour gagner.

Cependant, ça ne veut pas dire que ça va mettre fin aux injustices pour Jaroslav Halak. Malheureusement pour lui, la stratégie de Bob Gainey n'a pas changé. Quand il a décidé de repêcher Carey Price en 2005, il avait pris une décision ferme. Connaissant le Bob, il va s'y tenir jusqu'à l'absurde. L'Homme, le Sauveur, la Colonne vertébrale de l'équipe, c'est Carey Price.

Ça veut dire que Jaroslav Halak, qui a sauvé deux fois la saison du Canadien, est condamné à gagner pour jouer. Ce qui est impossible puisque le Canadien ne pourra continuer de voler des matchs encore longtemps. Halak a reçu 167 tirs au cours des quatre dernières victoires de son équipe. Pour les fefans, ça veut dire 42 tirs par match. C'est beaucoup.

Dès que Halak va échapper un match, on va ramener Price. Cette fois, je pense qu'on va hésiter à dérouler le tapis rouge devant lui. Mais le poste d'homme de confiance de l'Organisation va lui appartenir de facto. Une ou deux solides performances et c'en sera fait des mamours pour le Slovaque.

Il y a quelques semaines, quand on a ramené Carey Price après sa blessure quelque part, en tassant Halak sans aucun respect, je soulignais que Halak méritait au moins d'être traité comme un joueur méritant. Je ne pensais pas qu'on aurait droit à une aussi flamboyante démonstration aussi rapidement.

DANS LE CALEPIN- Ma chronique de samedi a provoqué de nombreuses réactions. Certaines positives, d'autres plus critiques. C'est parfait ainsi. Traiter de l'effet d'une symbiose entre une société distincte en Amérique du Nord et son équipe favorite, c'est subjectif et délicat. Certains fefans, eux, n'ont visiblement pas compris ce que j'ai écrit. C'est normal, le fefan aime regarder les images...