Les grandes compagnies qui oeuvrent au Québec ont un rôle de bon citoyen à remplir. À une certaine époque, on se contentait d'envoyer quelques dollars au curé de la paroisse et au maire du village, en anglais, et le tour était joué.

Est arrivée la Révolution tranquille, qui a été suivie par l'éveil des francophones symbolisé par le 15 novembre 1976.

Les grandes compagnies se sont adaptées et ont favorisé la présence de francophones chez les dirigeants. Ça faisait partie du rôle de bon citoyen. Et comme dans d'autres entreprises dans le monde, ç'a donné de bons présidents et de moins bons présidents.

Le Canadien a joué son rôle à la perfection. En faisant encore plus. Je me rappelle comment les dirigeants de l'équipe, des anglophones à l'époque, se sont pliés à la loi 101. Soit dit en passant, je n'ai jamais discuté en anglais avec Toe Blake, Sam Pollock ou Scotty Bowman. Ils parlaient fort bien français. Même chose pour Peter et Edward Bronfman, les propriétaires de l'équipe avant qu'ils ne la vendent à Molson.

Puis, Ronald Corey et Serge Savard ont favorisé le hockey québécois autant chez les joueurs que chez les entraîneurs. Pendant que les Nordiques faisaient de même à Québec.

Jacques Martin, Michel Bergeron, Bob Hartley, André Savard, Jacques Demers sont devenus des dirigeants dans la Ligue nationale par Québec. Michel Therrien, Jacques Lemaire, Mario Tremblay, Alain Vigneault, Pat Burns, Jean Perron, Claude Julien et Guy Carbonneau ont accédé à la Ligue nationale grâce au Canadien. L'entreprise ne se contentait pas d'accumuler des profits, elle favorisait les gens qu'elle servait et dont elle touchait les dollars.

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Depuis que Pierre Boivin est président et surtout que Bob Gainey est directeur général, c'est tout le hockey québécois qui se fait étrangler par le Canadien.

Je sais que pour de nombreux fans, le respect de la langue de la majorité n'a aucune valeur. Je sais aussi qu'une génération de fans se moque éperdument de l'existence et de la progression du fait français au Québec. Je sais que des milliers de partisans n'ont cure que le Québec devienne une Louisiane où quelques Zachary Richard vont tenter de perpétuer une langue mourante.

Et pour de nombreux fans, que les joueurs et les dirigeants de hockey issus de la société québécoise perdent leur seul point d'entrée dans le hockey majeur, n'a aucune importance. Même si l'organisation qui les trahit ainsi empoche des dizaines de millions qui prennent le chemin de Denver et qu'elle n'est même pas foutue de gagner deux séries de suite depuis plus de 12 ans. Comme elle ne sera pas foutue d'aligner plus de trois Québécois la saison prochaine.

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Il se peut que Bob Gainey décide de rester coach la saison prochaine. Mais il se peut aussi qu'il tente d'imposer Don Lever. Ce dernier a déjà entrepris l'opération charme en confiant à François Gagnon qu'il comprenait le français. J'espère que François a décidé de poser toutes les questions suivantes en français. J'aurais été curieux d'entendre les réponses.

Je ne partage pas le cynisme de plusieurs hommes d'affaires montréalais qui appellent Pierre Boivin «Peter Boivinnne» quand ils parlent du président du Canadien. Je suis conscient que M. Boivin est dans une situation difficile dans une organisation qui pompe les dollars au max pour nourrir les entreprises Gillett. Je suis conscient qu'il n'a aucun contrôle et sans doute aucune influence sur Bob Gainey, qui poursuit un véritable grand ménage chez les joueurs francophones qui survivent chez le Canadien. L'objectif ultime étant, semble-t-il, des joueurs qui ne s'expriment qu'en anglais, dirigés par des anglophones pour que ce soit moins difficile à gérer avec les médias du Québec.

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Dans la vie, la liberté des uns s'arrête là où commence la liberté des autres. Et en politique comme en affaires, on peut envahir tout un territoire si personne ne pose de balises. Comme une nouvelle génération de fans est prête à accepter tout ce que fait le Canadien et tout ce qu'il dit et vend à RDS, l'entreprise de M. Gillett occupe tout le territoire qu'on le laisse envahir. En niant au maximum les obligations sociales qu'une entreprise vénérée par la population devrait remplir. On jette de la poudre aux yeux avec des fondations qui, heureusement, rendent des enfants plus heureux. Et qui, comme c'est bien connu en publicité, véhiculent le mieux la bonne image de l'entreprise.

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L'idéal serait que le Canadien déniche un bon entraîneur capable de respecter la langue du Québec. Il y en a un à Hawksberry qui a gagné la Coupe Stanley avec l'Avalanche du Colorado. Il y a également Mario Tremblay qui, fort d'une expérience enrichissante avec Jacques Lemaire, serait un candidat fort.

Non seulement le coach du Canadien doit être capable de s'exprimer tous les jours dans la langue officielle de cette nation mais en plus, le devoir du Canadien est de s'ouvrir au hockey mineur québécois. Je sais que l'entreprise de M. Gillett n'est pas une oeuvre de charité et que l'homme d'affaires américain a besoin des millions de dollars de profits générés par le Canadien, mais il est plus que temps que Pierre Boivin, s'il est un vrai président, se demande ce qu'il peut faire pour sa clientèle la plus passionnée. Celle qui joue et celle qui dirige le hockey québécois.

DANS LE CALEPIN - Mardi soir à La zone, Éric Desjardins et Éric Fichaud ont été passionnants dans leurs interventions sur Saku Koivu. Même chose la veille avec Stéphan Lebeau. J'en ai beaucoup appris sur le rôle d'un capitaine moderne au sein d'une équipe. Mais c'est Éric Desjardins qui a remporté la palme. Il a expliqué que lorsque Bill Barber a été nommé coach des Flyers, il s'est aperçu après un moment que le courant ne passait pas entre lui et le coach et qu'il ne pouvait aider ses coéquipiers et l'équipe comme un bon capitaine doit le faire. Il est allé voir Barber pour lui remettre son «C». D'autres capitaines préfèrent obtenir la tête du coach.