Pendant que l'on soulignait en bâillant ou presque la Journée de la femme ici, le Vatican n'a pas manqué sa chance de faire sursauter ceux qui croyaient que tout était réglé pour le «deuxième sexe» dans le monde occidental et qu'il ne nous restait plus qu'à causer de la symbolique de la Barbie et de ses 50 bougies.

Il y a d'abord eu, le 8 mars, cet éloge de la machine à laver qui serait, selon l'Osservatore Romano, journal officiel du Vatican, ce qui a le plus contribué à l'émancipation de la femme occidentale au XXe siècle. La machine à laver, oui, oui, loin devant le droit de vote, le droit à l'éducation, le travail justement rémunéré, l'autonomie financière, la contraception, le droit de disposer de son corps et autres détails de l'histoire des femmes. «Au début, les machines étaient très encombrantes. Mais rapidement, la technologie mit au point des modèles plus stables, légers et efficaces», nous rappelle le journal du Vatican. Que peut-on demander de plus?

 

Bienheureuses les femmes qui ont une machine à laver moderne. Que celles qui marchent pour le droit à l'avortement en Pologne, qui sont violées par des groupes rebelles au Congo ou encore privées de tous leurs droits en Afghanistan ou ailleurs gardent espoir. Un jour peut-être, elles auront elles aussi une machine à laver automatique qui leur garantira l'émancipation. Un jour, elles pourront elles aussi mettre le détergent, refermer le couvercle et se détendre. En attendant, bonne Journée de la femme tout le monde. Le Vatican pense à vous.

Pendant ce temps, au Brésil, le Vatican, sans doute déterminé à laver plus blanc que blanc, justifiait l'excommunication d'une mère qui a voulu que sa fille de 9 ans, enceinte de jumeaux après avoir été violée par son beau-père, se fasse avorter. On a aussi procédé à l'excommunication de toute l'équipe médicale qui a «osé» pratiquer cet avortement pour protéger la vie de l'enfant agressée. Mais, cherchez l'erreur, le beau-père violeur, lui, n'a pas été excommunié. Car «le viol est moins grave que l'avortement», a expliqué le cardinal Giovanni Battista Re, préfet de la congrégation pour les évêques au Vatican.

L'histoire, qui a enflammé les manifestations du 8 mars au Brésil et scandalisé le président Lula, est pour le moins sordide. Le beau-père a reconnu avoir agressé la fillette depuis qu'elle avait 6 ans. Il a aussi reconnu avoir agressé sa soeur aînée handicapée de 14 ans. Mais l'archevêque qui a excommunié la mère a tout de même jugé bon de relativiser l'horreur du viol et de souligner que le beau-père était contre l'avortement! «Certes, ce qu'il a fait est horrible, mais il y a tant de péchés graves, et le plus grave est l'élimination d'une vie innocente.» Certes, ce qu'il a fait est horrible, mais nous sommes capables de mieux encore.

Et la vie de la fillette agressée, alors? Il semble que ce soit un détail ici. Pourtant l'équipe médicale estimait que cette enfant chétive de 1,36 m et 33 kg ne pouvait mener cette grossesse à terme sans mettre sa santé en danger. Même si la loi brésilienne considère encore l'avortement comme un crime, elle l'autorise en cas de viol ou lorsque la vie de la mère est menacée. On ne parle donc même pas ici de faire un accroc à la loi ou encore de légaliser l'avortement au Brésil pour mettre fin à l'hypocrisie qui fait en sorte que des milliers de femmes et de filles, surtout parmi les plus pauvres, s'y font avorter dans la clandestinité, au péril de leur vie. On parle du cas tragique d'une enfant de 9 ans, violée pendant trois ans, à qui l'on demande pour «protéger la vie» de risquer sa propre vie.

Ce cas tragique n'a en rien calmé les ardeurs soi-disant vertueuses de l'Église brésilienne, bien au contraire. Elle a tenté de faire pression pour empêcher l'interruption de grossesse en plaidant devant le tribunal que «la loi de Dieu est au-dessus de la loi des hommes». Mais tout ce que les autorités religieuses ont réussi à démontrer hors de tout doute, c'est que «la loi de Dieu» est avant tout ici une loi d'hommes ultraconservateurs et machistes qui se contrefichent de la vie d'une fillette en danger. Et il faudra malheureusement plus qu'une brassée de lavage pour casser cette loi.

***

Lisez aussi Où est passée la compassion? sur le blogue de Marie-Claude Lortie