Demain, c'est congé. Et entre vous et moi, on ne sait pas trop pourquoi. Longtemps ce fut à cause de la fête de la Reine. N'envoyez pas de télégramme chanté à Élisabeth II, ce n'est pas sa fête à elle. La monarque aux chapeaux en forme d'abat-jour est née un 21 avril. C'est la reine Victoria qui est née le 24 mai. En 1845, le Canada, qui n'existait pas encore vraiment, a déclaré que cette journée serait fériée.

C'est ben nous autres, avant même de se déclarer un pays, on s'est déclaré un congé!

La reine Victoria est morte en 1901. Son successeur, Édouard VII, était né le 9 novembre. C'est pas grave. Le Canada, qui existait vraiment, a émis une proclamation selon laquelle on célébrerait l'anniversaire du roi le jour de l'anniversaire de la reine Victoria. Méchant surprise party! Vous êtes né en novembre, mais on vous fête en mai. Il a dû être surpris, l'Édouard! Ses bons sujets trouvaient surtout plus agréable d'avoir congé en mai plutôt qu'en novembre.

Au Québec, côté distinct oblige, on a d'abord décidé de fêter Dollard plutôt que la face sur le dollar. Dollard des Ormeaux, avant d'être une ville près de Roxboro, était un héros de notre histoire. Il donna sa vie pour sauver la Nouvelle-France lors de la bataille du Long-Sault, en mai 1660. D'où le lien avec le congé de mai. Mais DDO a connu le sort de tous les héros de chez nous: on a fini par dire que c'était juste un pouilleux et on décida de fêter les Patriotes. Même si, petit détail, les Patriotes n'ont pas fait grand-chose en mai. En mai, il y a eu des assemblées publiques partout au Québec en réponse à la décision de Londres de rejeter les revendications des Patriotes. La rébellion des Patriotes a eu lieu en octobre.

C'est ben nous autres, ça aussi: on préfère souligner les assemblées publiques plutôt que la rébellion! Vive les révolutions tranquilles et les commissions parlementaires!

Cela étant dit, que ce soit la fête de la Reine, de Dollard ou des Patriotes, c'est une fête plate parce que pas rapport. Et surtout, en ce temps de crise économique, c'est une fête pas payante. Noël, c'est profitable: on en vend, des cadeaux. À Pâques, on en vend, du chocolat. À la Saint-Jean, on en vend, de la bière. À la fête du Canada, on en vend, de la pizza, parce que tout le monde déménage. À la fête du Travail, on en vend, des fournitures scolaires. Mais demain, qu'est-ce qu'on va vendre, demain? Rien.

Est-ce qu'il va falloir que Régis Labeaume s'occupe de la fête des Patriotes pour en faire un événement? C'est sûr qu'on pourrait faire un gros show avec Paul Piché et Gilles Vigneault, mais c'est trop collé sur le 24 juin. Demandez aux Québécois d'être nationalistes une journée par année, ça passe. Deux jours, c'est trop. C'est pour ça que la fête des Patriotes ne fait pas tourner l'économie. Les gens n'embarquent pas.

Il faut trouver autre chose. Demain, c'est le 18 mai. Qu'est-ce qui s'est passé entre le 18 et le 25 mai qui mériterait d'être célébré en grande pompe? Le 18, pas grand-chose. Quoique, c'est le 18 mai 1830 que Edwin Beard Budding a inventé la tondeuse à gazon. Bon d'accord, Budding n'était pas canadien, c'était un Anglais d'Angleterre, mais y a-t-il quelque chose de plus québécois qu'une tondeuse à gazon? La fête de la tondeuse à gazon, ce serait vendeur. Les centres de jardinage feraient des affaires d'or, ça gonflerait leurs ventes. L'idée risque de pousser.

Le 20 mai 1980, ce fut la victoire du Non au référendum. C'est sûr que ça ne donne pas le goût de virer une brosse. Quoique, justement... Si on décidait d'en faire un jour férié, on recevrait plein de subventions du fédéral, c'est certain. La fête du Non. Une journée où on dit Non à tout. Ce serait reposant.

Le 24 mai 1938, le parcomètre a été breveté. Voilà une fête typiquement montréalaise. La fête du parcomètre! On donne un parcomètre à chaque Montréalais. Amenez les profits !

Le 27 mai 2000, le Rocket s'est éteint. La fête de Maurice Richard, ça permettrait au Canadien de vendre plein de bébelles, pas seulement tous les 100 ans. Et comme le Canadien est meilleur pour vendre des bébelles que pour jouer au hockey, ce serait parfait. À défaut du défilé de la Coupe Stanley, on aurait le défilé de la fête de Maurice Richard.

Je propose tout ça, bien sûr, en tout respect des Patriotes. D'ailleurs, la mémoire des Patriotes serait mieux honorée si on déménageait leur journée le jour de l'Action de grâce, en octobre. À sept mois de la Saint-Jean, ça nous tenterait sûrement plus d'agiter branler nos drapeaux.

Sur ce, qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse. Qu'importe le fêté pourvu qu'on ait congé! Bonne fête, tout le monde!