Le gouvernement québécois songe à réformer le calendrier scolaire. Tant qu'à réformer, réformons jusqu'au bout. On a déjà réformé l'enseignement, le bulletin et même l'ortograffe (je vous assure que l'on peut écrire ça comme ça maintenant). Il ne restait plus qu'à jouer avec le calendrier.

Depuis Jules César, il n'y a pas beaucoup de dirigeants qui ont osé toucher au calendrier. Quelques papes par-ci par là, mais la liste est bien courte. Les empereurs romains, eux, pourtant, s'en donnaient à coeur joie.

Savez-vous pourquoi le mois que nous traversons en ce moment, celui de février, est le plus chenu de l'année, avec ses courts 28 jours, 29 tous les quatre ans? C'est la faute à l'empereur Auguste. Jules César s'était octroyé, en hommage à son humble personne, le mois de juillet, qu'il avait bourré de 31 grosses journées. Le mois d'août, qui était celui d'Auguste, n'avait que 30 jours. Une journée de moins que le mois du grand Jules. Qu'à cela ne tienne, Auguste a piqué une journée à février et l'a ajouté à son mois. Tant pis pour les déplacements de la Lune et les rotations terrestres. L'ego des leaders est plus gros que le soleil.

Étonnamment, les gouvernants subséquents de la planète ne se sont pas servis du calendrier pour démontrer leur puissance. Aucun président des États-Unis n'a joué avec le calendrier. Bill Clinton a peut-être joué avec miss September ou miss July, mais jamais avec les mois en tant que tels.

Rien ne dit, cependant, que Stephen Harper ne nous prépare pas une refonte complète du calendrier canadian. Il va proroger les mois de janvier et février. Il va remplacer le jour de la Terre par le jour du gaz. Les années ne dureront que trois mois, comme ça, il va pouvoir prélever de l'impôt quatre fois plus souvent.

Le calendrier est une convention que l'on tenait pour acquise, comme les feux de circulation ou la couleur du beurre. Personne n'avait le culot de s'y attaquer. Sauf le ministère de l'Éducation, qui n'a peur de rien. On songe donc à ce que les deux journées week-end deviennent des jours de classe. La Presse nous a appris hier que le temps en classe ne sera plus calculé en journées, mais en heures. Au lieu de se rendre à l'école 180 jours par année, les élèves du primaire et du secondaire devront être en classe 1000 heures par année. Qu'est-ce que ça change puisque des secondes deviennent des minutes qui deviennent des heures qui deviennent des journées qui deviennent des années?

Ça change que si tu entres à l'école trois heures le samedi, il ne te restera pas 179 journées d'école, mais bien encore 997 heures à subir. Ça veut dire que la notion de semaine et de fin de semaine est abolie. Il n'y a que des heures.

Savez-vous pourquoi, 2000 ans après Jules César et l'empereur Auguste, il y a encore 31 jours en juillet et 28 jours en février? Parce que tout le monde a pris l'habitude que ce soit ainsi. Et la vie s'est réglée autour de ça. Admettons que le maire de Québec décide que, pour que son carnaval dure plus longtemps, le mois de février aura dorénavant 31 jours. Et que, tant qu'à faire, suivant les conseils de Rapaille, il en profite pour rebaptiser FÉVRIER, FÉVRIERÉGIS, pour avoir lui aussi son nom inclus dans un mois comme ti-Jules et Augie. Savez-vous pourquoi, malgré toute la volonté et la détermination du maire de Québec, ces mesures seraient vaines? Parce que le reste du monde ne suivrait pas. Les Américains ne mettront pas à leur agenda: «Défilé de Bonhomme, 30 février.» Et le maire Tremblay n'écrira pas sur ses chèques «le 6 févrierégis».

Un calendrier appartient à tout le monde. Pas à un ministère. Même pas à celui de l'Éducation. En ce moment, les gens travaillent du lundi au vendredi et se reposent le samedi et le dimanche. Si le ministère de l'Éducation ouvre ses écoles le samedi et le dimanche, cela aura une incidence sur la vie du Québec au complet. Une école, ce n'est pas un centre commercial. C'est la deuxième maison des enfants. Ou la troisième, selon le statut des parents. Le Ministère ne peut pas décider tout seul que les familles ne pourront plus être ensemble le samedi. Aller faire du ski avec sa classe d'éduc le samedi, c'est une chose qui existe déjà. Pas besoin de réforme pour ça. Mais aller à l'école, la vraie école, le samedi ou le dimanche, ce n'est pas nécessaire. Que fait-on avec les enfants qui vont à l'école le week-end et qui n'ont pas d'école le lundi et le mardi? On les envoie à la garderie?

Si toutes ces heures perdues à patenter des réformes sans bon sens servaient plutôt à élaborer des cours passionnants pour l'enseignement du français, des maths, de l'histoire, de la géo, du sport, des sciences et des langues secondes, il y aurait moins de décrochage scolaire.