Aucun lien entre le consommateur qui fait son épicerie ici et la crise alimentaire mondiale? Pas si sûr...

«Les gens doivent être conscients qu'en ne payant pas cher nos aliments, nous accentuons cette crise. Et que c'est extrêmement sérieux, ce qui se passe dans le monde présentement», lance le professeur Rodolphe de Koninck, du Centre d'études d'Asie de l'Est de l'Université de Montréal.

La politique du prix le plus bas favorise l'importation de denrées, qui sont inévitablement produites à des coûts moindres. Elle favorise aussi l'abandon de l'agriculture. C'est vrai en Asie, mais c'est aussi vrai ici. «L'agriculture ne fait pas que remplir notre frigo, poursuit-il. Elle a plusieurs fonctions culturelles et sociales. Il faut réaliser que la nourriture doit être produite localement.»

 

«Les solutions aux problèmes de l'agriculture en Asie ne se trouvent pas au Brésil, elles se trouvent en Asie, poursuit le professeur. La solution aux problèmes d'agriculture haïtienne ne se trouve pas aux États-Unis, elle se trouve en Haïti.»

Le professeur de Koninck participait la semaine dernière à un exercice de réflexion sur cette crise dont on parle de moins en moins, mais qui est toujours très présente à l'échelle planétaire. C'est d'ailleurs l'une des conclusions de la vingtaine de penseurs de différents horizons qui s'étaient réunis à huis clos. La crise est là pour de bon si nous ne changeons pas nos façons de produire nos aliments et de les consommer.

Certes, acheter davantage de produits locaux fera inévitablement monter la note d'épicerie.

«L'État à un rôle à jouer là-dedans, croit M. de Koninck. Il faudrait une taxation plus appropriée. Plus pour les aliments de luxe, moins pour les aliments de base. Si quelqu'un veut manger un yogourt français plutôt qu'un yogourt produit ici, c'est son choix. Mais il doit le payer.»

De même, les coûts des aliments au supermarché devraient refléter les coûts environnementaux entraînés par leur production. «Si on intégrait tous les coûts environnementaux dans l'agriculture industrielle, le bio deviendrait compétitif», croit le professeur. Et à moyen terme, le prix du bio diminuerait, selon ses calculs.

Compliqué, tout cela? Extrêmement. Mais les consommateurs doivent comprendre les enjeux, estime Rodolphe de Koninck. Même lorsque cela implique des études contradictoires. Le consommateur a le devoir de s'informer, de juger et de décider. «On ne peut pas se dire que tout cela est trop compliqué, dit-il. Ça serait absurde! Il faut que la population soit bien consciente qu'elle tient entre ses mains une partie de la solution.»

Foie gras

Des petits producteurs québécois ferment boutique

Le Québec vient de perdre un deuxième petit producteur de foie gras. Pierre-Yves Clerson, des Bontés Divines, ferme boutique, un an après qu'un incendie eut détruit sa ferme. Il s'était donné quelques mois pour s'en remettre, sans toutefois cesser sa production, en utilisant les canards d'une consoeur. Mais voilà, les petits artisans qui font du gavage ne l'ont pas facile. Leurs produits de niche doivent se distinguer dans un créneau étroit. Peu d'amateurs de foie gras voudront payer encore davantage, parce que le producteur gave lui-même ses oiseaux, à la brunante, avec de la musique en fond. Ce que faisait Clerson dans les collines de Stoke, en Estrie.

Plus tôt l'année dernière, L'Oie Naudière a aussi fermé boutique, après l'effondrement de son toit. «C'est très difficile de rester petit dans la structure agricole actuelle où l'on encourage ceux qui font du volume», explique Alain Dansereau, de feue l'Oie Naudière, qui a préféré fermer ses portes plutôt que de se lancer dans une gamme de conserves et de produits transformés. La sauce à spaghetti, très peu pour lui.

Ces deux artisans avaient plusieurs points en commun, dont celui de bosser pour que soit connu et reconnu leur travail. Alain Dansereau avait publiquement dénoncé le règlement sur le confinement des oiseaux, qui pénalisait les artisans de l'alimentation. Pierre-Yves Clerson était à l'origine d'un projet d'appellation pour le foie gras québécois et qui restera à l'étape de projet. Ils avaient aussi en commun de faire des produits très haut de gamme et avec passion.

Autrement, leurs collègues producteurs de foie gras du Québec affirment faire de bonnes affaires, en dépit d'une récession. Apparemment, les amateurs de foie gras n'en souffrent pas trop.

Épicerie

La commande est payée pour l'année!

Les Canadiens ont fini de payer leur épicerie jeudi dernier, le 12 février. À chaque année, la «journée d'affranchissement des dépenses alimentaires» établit la date précise où, mathématiquement, les revenus équivalent aux dépenses alimentaires du ménage moyen. La journée rappelle aussi que, finalement, les Canadiens dépensent peu pour leur alimentation. Signe des temps, cette journée emblématique survient plus tard, cette année. Une bonne semaine de retard sur les années passées, preuve que le coût des aliments a vraiment augmenté au pays.

La date de la journée est établie selon les données de Statistique Canada, d'après les revenus et les dépenses typiques.

Biologique

Équiterre cherche fermiers

Bonne nouvelle: 15 institutions participent maintenant au programme À La Soupe! d'Équiterre, qui veut être l'équivalent des paniers bio, à une échelle institutionnelle. Ainsi, 13 écoles et CPE cuisinent avec des légumes biologiques qu'ils reçoivent directement de leur fermier. Un centre de soins de longue durée de l'Estrie et à Montréal, l'hôpital Jean-Talon, ont aussi eu l'audace de se lancer dans l'aventure. L'entreprise est louable: manipuler des légumes frais est autrement plus exigeant que d'ouvrir un sac de petit pois surgelés. Équiterre est en phase recrutement, pour trouver d'autres hôpitaux ainsi que des maraîchers capables de fournir une bonne quantité de produits bio.