Excédé, vers la fin des années 90, par les déclarations et les lettres ouvertes de Stéphane Dion, alors ministre de Jean Chrétien, dénonçant l'option souverainiste, Lucien Bouchard, dans un geste théâtral, avait déclaré qu'il ignorerait dorénavant ce «boutefeu».

Un boutefeu, au sens propre, c'est la mèche avec laquelle on allumait la charge d'un canon. Au sens figuré, c'est une personne qui excite la discorde, précise le dictionnaire Hachette.

 

En cette campagne électorale provinciale, on pourrait reprendre boutefeu et l'appliquer à Mario Dumont, qui, comme Stéphane Dion à l'époque, critique ses adversaires et fout le bordel dans les rangs ennemis.

À l'exception près que Stéphane Dion, lui, réfléchissait avant de parler et que s'il était si chiant pour ses rivaux souverainistes, c'est qu'il avait raison la plupart du temps.

Autre nuance: en près de 15 ans sur la scène publique, Stéphane Dion ne s'est jamais ridiculisé en chantant du Michel Polnareff pour se moquer d'un adversaire.

Mario Dumont est doué pour la clip, c'est connu. Mais après les déboires des derniers mois, on aurait pu croire qu'il aurait compris que les jeux de mots faciles étaient plus appropriés pour un candidat à l'École nationale de l'humour que pour un candidat au poste de premier ministre.

Dans l'auto, hier matin, le résumé de la campagne adéquiste à la radio avait quelque chose de surréaliste. On entendait d'abord le chef de l'ADQ dire que Jean Charest «est entré (à la rencontre des premiers ministres) en TGV et qu'il est ressorti en trottinette».

Bon, passe encore. Il est de bonne guerre que les partis de l'opposition affirment que Jean Charest s'est écrasé à Ottawa.

Mais ça c'est gâté sérieusement quelques secondes plus tard quand Mario Dumont, critiquant cette fois la réaction de Jean Charest par rapport au nouveau format du débat, s'est mis à chanter «La poupée qui fait non, non, non, non...» de Michel Polnareff.

Cette fois, c'était franchement embarrassant. Vous imaginez, dans un passé pas si lointain, Jacques Parizeau, Jean Charest ou André Boisclair se mettre à chanter du Michel Polnareff?

Que Mario Dumont veuille à ce point se ridiculiser, c'est douloureux à entendre, mais, à la limite, c'est son affaire. Le problème, c'est qu'en faisant le guignol, il éclabousse aussi sa fonction de chef de l'opposition. Et tout son parti.

Gênante, la petite «toune» de Mario Dumont pourrait bien sûr n'être vue que comme des enfantillages d'un grand gamin qui se trouve très drôle, dans le fond de la classe, avec deux ou trois de ses amis.

Mais elle cache, du moins elle tente de cacher, quelque chose de plus grave: le manque de substance et l'improvisation. Comme en 2003 et en 2007, Mario Dumont mène une campagne de clips quand il parle et de gadgets quand il compte, comme cette idée de donner un milliard en crédits fiscaux sur les intérêts hypothécaires pour régler un problème qui n'existe pas ici.

On aurait pu croire que Mario Dumont avait tiré des leçons, depuis le temps qu'il est en politique. Niet.

Mais il y a pire. Comme en 2003 et en 2007, le chef de l'ADQ mène une campagne construite sur la division, quitte à rebrasser des débats réglés paisiblement, comme celui de la place de la religion à l'école.

Que M. Dumont réduise la culture québécoise à un sapin de Noël (qui sont bien présents dans les écoles, en passant), cela démontre une certaine superficialité, mais qu'il entretienne la théorie du complot, accusant les fonctionnaires à Québec de «dérive bureaucratique», là, c'est aux électeurs qu'il essaye de passer un sapin.

Dans la même phrase, il ajoute que c'est une «manière détournée» d'imposer le «multiculturalisme à la Trudeau» et que tout ça est la «résultante d'une société qui n'est pas capable de se tenir debout». Ouf! Tout ça pour un sapin de Noël. Et attendez, on n'a pas encore parlé de la crèche...

Quand on commence à attirer des Bérets blancs, comme l'ADQ l'a fait dimanche à Granby, on doit commencer à se poser des questions sur son positionnement politique. La même chose est arrivée à l'Alliance canadienne de Stockwell Day, en 2000.

Ce cours d'éthique et de culture religieuse n'est peut-être pas la meilleure idée du siècle, on le verra à l'usage, mais la laïcité à l'école, ça c'est un dossier clos. En agitant ce faux enjeu, Mario Dumont, encore une fois, sombre dans l'électoralisme et la division.

Idem quand il laisse entendre qu'Hydro-Québec est mal gérée et que c'est un nid à favoritisme libéral.

La politique de la division a bien servi Mario Dumont en 2007, notamment avec le dossier des accommodements raisonnables ou quand il a laissé entendre lors du débat des chefs que le «culture du secret» au ministère des Transports mettait la sécurité des automobilistes en jeu.

Il avait aussi marqué des points en parlant des assistés sociaux et des détenus, deux autres sujets controversés.

Cette fois, l'électorat semble toutefois moins réceptif. On a l'impression que le fameux «pourquoi pas l'ADQ, ils ne seront pas pire que les autres» de 2007 ne joue plus. Comme si l'ADQ avait raté sa première chance de faire bonne impression.

L'ADQ, dans les circonstances se dirige-t-elle vers une raclée? Le boutefeu est-il en train cette fois d'allumer la charge du canon pointé vers son propre camp?

Pas si sûr.

Retournez voir les résultats des élections de 2007. Vous constaterez que sur 41 circonscriptions gagnées, l'ADQ a obtenu des majorités de plus de 2000 voix dans 34, dont une dizaine avec une majorité de près de 10 000 voix.

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