Par où commencer?

C'est qu'il s'en est passé des choses, ce soir, dans ces 39es élections générales au Québec. Pour une campagne terne, qui a vu bien peu d'électeurs aux urnes, le résultat aura finalement donné une soirée enlevante.

Le plus paradoxal, c'est que tous les bouleversements auront finalement ramené le Québec... à la normale.

Mettons «normale» entre guillemets parce que la normalité en politique ces années-ci est une donnée plutôt variable.

Retour à la normale, d'abord, parce que les libéraux, réélus avec une majorité, ont obtenu le droit de gouverner l'équivalent de deux mandats majoritaires, ce qui est la norme au Québec depuis un demi-siècle.

La majorité est mince, mais en politique, parfois, c'est comme au golf: ce qui compte, ce n'est pas comment, mais combien.

Jean Charest a donc gagné son pari sur un phénomène «normal» au Québec depuis toujours. Il a misé sur l'économie et il a démontré qu'au Québec, pour une majorité d'électeurs, Parti libéral = économie.

Il gagne de peu, ce qui confirme aussi un autre phénomène normal : Jean Charest ne l'aura jamais eu facile avec les Québécois. Et vice-versa.

Retour à la «normale» dans le sens de lutte à deux entre libéraux et péquistes. La déconfiture de l'ADQ était attendue, mais sa confirmation nous ramène dans une dynamique connue à l'Assemblée nationale alors que nous étions devant l'inconnu en 2007.

Au passage, ça aussi c'était attendu, mais ça ne rend pas l'événement moins lourd, le Québec perd un de ses meilleurs politiciens, Mario Dumont, qui a reçu ce verdict comme une condamnation de sa carrière politique.

Son parti s'effacera-t-il avec lui? Trop tôt pour le dire, mais pour le moment, la troisième voie longtemps incarnée par l'ADQ s'est perdue dans un cul-de-sac.

L'ADQ se retrouve dans le pire des scénarios. Elle vient de passer de 41 sièges à 7 sièges (six si Mario Dumont quitte), elle n'a plus le statut de parti officiel à l'Assemblée nationale, elle traîne des dettes et le moral des troupes, évidemment, est au plus bas. Plus bas encore qu'en 2003.

Scénario totalement opposé au Parti québécois. Le malheur des uns, c'est bien connu, fait le bonheur des autres.

Le PQ prend une quinzaine de sièges grâce, ça aussi c'est normal, à un sursaut de la ferveur nationaliste et parce qu'il a repris ses droits dans le 450.

En ce sens, Pauline Marois a perdu les élections, mais son parti a regagné ses titres de noblesse sur la scène politique québécoise.

Pauline Marois m'avait dit, peu après son arrivée spectaculaire à la tête du PQ, qu'elle n'avait pas l'intention de s'accrocher advenant une défaite électorale.

Mais comme cette défaite a des allures de victoire, elle songera certes que la prochaine fois pourrait être la bonne.

Son premier défi était de stopper l'hémorragie au PQ, un parti qui perd des plumes depuis une dizaine d'années. Elle a non seulement remporté une cinquantaine de circonscriptions, mais elle a renversé la vapeur, faisant passer le score du PQ de 28% en 2007 à 35%.

Ce n'était pas le but, évidemment, mais Jean Charest a rendu un fier service au Parti québécois en remportant une majorité et en contribuant à éliminer l'ADQ du paysage.

Le PQ est fauché, un peu déboussolé dans le vieux débat nationaliste. Il a besoin de temps. Voilà qu'il vient de gagner quatre ans pour se refaire une santé financière et idéologique.

En fait, des trois chefs des grands partis réélus ce soir dans leur circonscription respective, c'est probablement Pauline Marois qui a le plus de chance d'être à la tête de son parti aux prochaines élections.

Avec Amir Khadir, bien sûr, qui a réussi l'impossible pour Québec solidaire: faire élire un premier député à l'Assemblée nationale.