Grande visite, jeudi à Ottawa: Barack Obama débarque dans la capitale fédérale pour une première visite officielle chez son voisin du nord, Stephen Harper.

Le fait que le nouveau président des États-Unis ait décidé, pour sa première sortie à l'étranger, de se poser en sol canadien n'est pas anodin. Il renoue avec une tradition et laisse présager un réchauffement de nos relations avec Washington.

À condition de saisir l'occasion et de relancer cette amitié (parfois forcée) sur une base solide. Les défis sont grands et les deux hommes ont, à première vue, bien peu de points en commun.

Rarement, dans l'histoire contemporaine des relations canado-américaines, notre premier ministre et le président américain auront été si différents.

M. Obama est un «liberal» (au sens anglophone du terme, donc «progressiste»); M. Harper est un conservateur. M. Obama croit à l'intervention de l'État dans l'économie; M. Harper y a été poussé par la crise économique.

Barack Obama était contre l'invasion américaine en Irak; Stephen Harper a affirmé à l'époque que nous avions le devoir d'être aux côtés des Américains.

Le président Obama a pris l'engagement de lutter contre les changements climatiques; Stephen Harper, aussi, mais il fait le contraire.

M. Obama veut baser sa politique étrangère sur le multilatéralisme; M. Harper? Politique étrangère, dites-vous?

Physiquement aussi, les différences entre les deux hommes sont frappantes. Et ce n'est pas une question d'âge, les deux hommes sont tous les deux à la fin de la quarantaine.

Le président américain est svelte, sportif, athlétique. Notre premier ministre n'est pas, soyons poli, un exemple de grande forme physique.

Quant au charisme... inutile d'insister, cela serait embarrassant pour Stephen Harper.

Voyons, dans le détail, certains dossiers chauds qui alimenteront les discussions entre les deux leaders cette semaine et les principales divergences qui risquent de les diviser au cours des prochains mois.

 

Afghanistan

Un dossier prioritaire pour les deux hommes, mais pas pour les mêmes raisons.

Barack Obama a promis de relancer la guerre au terrorisme en deux temps: on sort d'Irak et on va finir le travail en Afghanistan.

Stephen Harper, lui, est contraint de mettre fin à la mission canadienne (qui a déjà coûté la vie à 108 de nos soldats) par une résolution de la Chambre des communes. Le premier ministre a réitéré l'engagement de retirer les troupes canadiennes en 2011 lors de la dernière campagne électorale.

Le départ annoncé des troupes canadiennes mécontente le commandement militaire américain et fera sans aucun doute l'objet de discussions au sommet.

 

Guantánamo et relations internationales

Le nouveau président américain a fait son lit: les États-Unis poursuivront sans relâche la lutte contre le terrorisme, mais dans les limites de la légalité et des traités internationaux signés par son pays. Moins de 24 heures après avoir prêté serment, il a mis un holà aux procès en cours à Guantánamo et ordonné la fermeture de la prison d'ici un an.

Washington souhaite maintenant que d'autres pays prennent en charge les détenus de Guantánamo, mais le gouvernement Harper n'a, à ce jour, montré aucune intention de rapatrier Omar Khadr, citoyen canadien de 22 ans enfermé dans cette prison américaine depuis six ans.

 

ALENA

Il y a déjà eu deux accrochages entre le gouvernement Harper et Barack Obama sur la question du libre-échange.

D'abord, l'an dernier, en pleine course à l'investiture démocrate, une fuite du bureau du premier ministre Harper à Ottawa avait laissé entendre que M. Obama, s'il devenait président, renégocierait l'ALENA. Gros malaise diplomatique, apparemment dissipé.

Puis, la semaine dernière, la première version du plan de stimulation économique du nouveau président a semé l'émoi de ce côté-ci de la frontière parce qu'il prévoyait des mesures protectionnistes dommageables pour l'industrie canadienne de l'acier. Grosse peur, à moitié résorbée.

Danger: la tentation du protectionnisme est de retour chez notre puissant voisin.

 

Environnement

Maîtriser l'énergie solaire et éolienne, subventionner la fabrication d'automobiles «vertes», acheter du pétrole «propre» et réduire la consommation énergétique. Le plan vert du président Obama a de quoi faire rougir Stephen Harper de honte.

Si Barack Obama donne réellement suite à ses engagements, le gouvernement conservateur va sentir la pression, lui qui s'accommodait fort bien du laisser-aller de l'administration Bush en matière d'environnement.

M. Harper, qui veut vendre le pétrole albertain aux États-Unis, aura fort à faire pour convaincre Barack Obama que les sables bitumineux représentent une source énergétique «propre».

 

Économie

Le magazine américain Newsweek titre cette semaine: Nous sommes tous socialistes! Ici, le magazine Maclean's titrait la semaine dernière: La fin du conservatisme canadien. Pas de doute, l'heure est à l'intervention de l'État dans l'économie.

Réflexe naturel pour Barack Obama; hérésie, il y a quelques semaines à peine, pour Stephen Harper. Adepte, comme George W. Bush, de la théorie du libre marché, M. Harper s'est très récemment converti aux vertus de l'interventionnisme d'État.

M. Obama a dit très clairement cette semaine ce qu'il pense de l'école économique conservatrice: «Je trouve assez difficile de recevoir des leçons de la part de ces gens qui viennent de me laisser un déficit de mille milliards...»

 

Recherche et technologie

Aux États-Unis, le président Obama a promis de débloquer d'importantes sommes pour la recherche et les nouvelles technologies, une priorité nationale, a-t-il dit dans son discours inaugural.

Ici, la communauté scientifique crie famine devant les miettes des programmes du gouvernement conservateur.

Les scientifiques canadiens affirment même que le manque de fonds risque de pousser nos meilleurs cerveaux aux... États-Unis. Voilà qui réjouira sans doute le président Obama.