Il paraît que la nuit porte conseil.

Tant mieux si c'est vrai, parce que les Montréalais, juges ultimes d'une des pires campagnes électorales de l'histoire moderne du Québec, n'ont plus que six dodos pour décider à qui ils confieront les clés de cette ville en rade.

Dans une semaine exactement, dans les pages de ce journal, vous lirez le résultat du scrutin. Avant d'en arriver là, toutefois, les Montréalais devront choisir lequel des candidats représente la moins pire des options.

 

Malheureusement, nous en sommes rendus là.

Voici comment un lecteur résumait la situation il y a quelques jours dans un courriel aussi court que percutant (je les aime comme ça, au fait):

QUESTION. On fait quoi le 1er novembre prochain?

On vote pour:

1 > Un parti au pouvoir corrompu avec un maire qui ne voit rien, ne sait rien, n'entend rien?

2 > Un parti de l'opposition tout aussi corrompu (son ancien chef vient de passer aux aveux) dirigé par madame Blancheville?

3 > Un illuminé qui fume pour sa santé, qui croit à un complot du 11 septembre et qui veut exterminer les automobilistes?

Bon, c'est certainement exagéré, mais cela traduit néanmoins parfaitement le désarroi et la colère qui animent bien des électeurs montréalais ces jours-ci.

À une semaine d'un vote crucial (il est ici question de l'avenir de Montréal, tout de même, pas de l'élection du nouveau conseil d'administration du club de loisir de votre quartier), je n'ai jamais entendu et lu autant d'électeurs se poser la question: «Dans ce merdier, on vote pour qui?»

La bonne nouvelle là-dedans, s'il y en a une, c'est qu'au moins, ces gens-là ont ENCORE l'intention d'aller voter. Mais dans ce merdier, justement, combien d'électeurs, dégoûtés, décideront plutôt de passer un tour et de rester à la maison dimanche? Faut vraiment être motivé pour aller voter au municipal cette année.

Bien des gens se trouveront probablement une excuse. Il fait frisquet, il faut ramasser les feuilles sur le terrain, ranger les décorations d'Halloween, faire du potage avec la citrouille, puis il y a tellement de bons matchs de football à la télé le dimanche...

Le scrutin se décidera vraisemblablement bien plus par l'efficacité des équipes sur le terrain à faire sortir les électeurs que par la ferveur des Montréalais envers l'une ou l'autre des équipes.

Il y a quelques jours, Diane Lemieux, candidate dans Ahuntsic et bras droit de Gérald Tremblay, est allée cogner à la porte de mes voisins. C'est mon amie Madeleine qui lui a ouvert, une femme éduquée, informée et montréalaise depuis toujours.

Au cours d'une conversation qui a duré moins de deux minutes, Madeleine a dit à Diane Lemieux qu'elle n'était pas très impressionnée par le maire Tremblay et qu'elle pensait que Louise Harel était probablement mieux placée pour faire le ménage.

Moins de deux minutes. Diane Lemieux n'a même pas essayé de répliquer. Elle a tourné les talons avec ses collaborateurs et s'est dirigée vers la porte suivante. Pas le temps de discuter. L'important, c'est de «pointer» les sympathisants pour les «faire sortir» le jour du vote.

À quoi ça sert, une campagne électorale, quand les conseillers du coin ne prennent même plus le temps de parler de leur programme aux électeurs? De défendre leur chef? De dialoguer avec les électeurs?

Au-delà des scandales et des révélations-chocs presque quotidiennes, cette campagne, sur le fond, aura été extrêmement pauvre. Elle ne soulève d'ailleurs aucun enthousiasme parmi les citoyens, si ce n'est que pour les questions de corruption et les allégations salissantes entre partis.

Les deux principaux partis (Union Montréal et Vision Montréal) ayant décidé de ne pas décorer les poteaux et les lampadaires de leurs pancartes (merci, au fait), les citoyens pouvaient prendre le relais en mettant des affiches de leur parti sur leur terrain ou dans leurs fenêtres, comme cela se fait partout ailleurs au Canada.

C'est vrai que cette pratique est neuve ici, mais il faut croire que bien peu de gens osent ainsi s'afficher. Hier soir, avant d'écrire ces quelques lignes, j'ai couru plus de 15 km dans les rues de mon quartier et je n'ai vu que trois pancartes (deux Tremblay, une Harel, si vous voulez vraiment tout savoir).

La politique municipale n'a jamais autant intéressé les citoyens et les médias (en fait, c'est plutôt dans l'ordre inverse). Mais, à six jours du vote, on craint paradoxalement de battre des records d'abstention.

Peut-on blâmer les Montrélais? Une participation massive, dans les circonstances, ne serait-elle pas vue comme un appui au système actuel?

D'un autre côté, quand on ne vote pas, c'est bien connu, on n'a pas le droit de rouspéter après les élections.

Il vous reste six dodos pour décider.