Normalement, on ne mélange pas politique municipale, provinciale et fédérale, mais la défaite de Louise Harel dimanche soir contre Gérald Tremblay provoque bien des remous au Parti québécois et au Bloc québécois. Et des sourires chez leurs adversaires.

En fait, c'est tout le mouvement souverainiste qui est secoué aujourd'hui par les résultats des élections montréalaises. Au lieu de compter maintenant une des siennes à la tête de la plus grande ville du Québec, la «famille» se retrouve avec une belle grosse chicane dans la maison.

 

Au Parti québécois et au Bloc québécois, deux analyses s'opposent diamétralement: certains reprochent à Louise Harel de s'être lancée dans une course perdue d'avance au risque de diviser et d'affaiblir les troupes souverainistes; les autres soutiennent que le PQ et le BQ n'ont pas su mobiliser leur monde derrière Mme Harel.

Avant de succomber aux chants des sirènes et de plonger dans la course municipale, le printemps dernier, Louise Harel s'était autoexclue au motif que trois lourds boulets l'empêchaient de gravir les marches de l'hôtel de ville: elle est unilingue francophone, souverainiste et mère des fusions. Elle aurait pu ajouter qu'elle fait partie d'une famille politique chicanière et turbulente dans laquelle elle compte, après y avoir passé toute sa vie, plus d'ennemis que de loyaux partisans.

Ceux-ci lui reprochent aujourd'hui de s'être lancée en politique municipale par pur opportunisme et sans avoir pris la peine d'étudier le paysage montréalais (bien différent du paysage québécois). On lui reproche aussi, au PQ, de ne pas avoir écouté les avertissements qui fusaient, il y a plusieurs mois, à propos de Benoit Labonté.

La liste des reproches ne s'arrête pas là. Parmi les souverainistes, on dit aussi que Mme Harel, qui n'avait aucune chance de percer à l'ouest du boulevard Saint-Laurent, n'a pas su rassembler les francophones, en particulier les souverainistes de l'est de l'île. Ces derniers, qui ne voyaient pas en Louise Harel une solution de rechange valable, se sont tournés vers le parti Projet Montréal de Richard Bergeron.

Pour les péquistes, la poussée fulgurante de Projet Montréal (dans le Plateau, dans Rosemont et à Ahuntsic, notamment) ne fait qu'élargir la base de Québec solidaire, son parti provincial frère. Après les victoires surprenantes de Projet Montréal, un retour d'ascenseur vers Québec solidaire est en effet plus que probable.

«C'est très inquiétant pour le PQ pour les prochaines élections provinciales, résume une source péquiste. La victoire d'Amir Khadir dans Mercier était peut-être un accident en 2008, mais cela risque de ne plus être le cas à l'avenir.»

Par ailleurs, on reproche aussi à Louise Harel, dans les rangs souverainistes, d'avoir causé la défaite de certains membres de la «famille» souverainiste qui siégeaient à l'hôtel de ville depuis des années, dont André Lavallée et Michel Labrecque.

Lorsqu'elle a débarqué sur la scène municipale, Louise Harel «a tordu des bras», dit-on, pour essayer de convaincre des élus comme André Lavallée (ex-maire d'arrondissement de Rosemont dans le parti de Gérald Tremblay) de se joindre à elle. Sans succès. Des organisateurs du Bloc québécois auraient même taxé des gens comme André Lavallée de «traîtrise à la cause».

Comme Louise Harel n'a pas été capable de récolter suffisamment de votes et d'élus dans les arrondissements, sa défaite n'aura fait que confirmer la mainmise de l'Ouest-de-l'Île aux commandes de Montréal, ajoutent ses détracteurs.

Du côté des pro-Harel de la famille souverainiste, Réal Ménard (le nouveau maire de l'arrondissement de MercierHochelaga-Maisonneuve) en tête, on reproche à Richard Bergeron d'avoir divisé le vote et ainsi d'avoir causé la défaite de Vision Montréal.

Certains souverainistes, surtout au Bloc québécois, croient toutefois que la «famille» ne s'est pas suffisamment mobilisée derrière sa candidate à la mairie de Montréal comme elle l'a fait pour Caroline St-Hilaire à Longueuil.

Gilles Duceppe, grand ami de Louise Harel, souhaitait sa victoire, mais cette volonté était apparemment beaucoup moins forte au Parti québécois.

Des organisateurs péquistes et bloquistes ont été «prêtés» à Vision Montréal, mais l'effort de guerre n'a pas été suffisant, jugent certains. En fait, Gérald Tremblay et Richard Bergeron comptaient eux aussi de très bons organisateurs du PQ dans leur équipe.

«Louise a été en politique très longtemps et elle n'a pas que des amis au PQ. Amitiés et Parti québécois ne vont pas souvent de pair, de toute façon», dit un vieux de la vieille au PQ.

On savait que Louise Harel ne réussirait pas à percer dans les arrondissements à forte densité anglophone et allophone. Il est intéressant, à cet égard, de noter que Gérald Tremblay a récolté le gros de sa majorité dans six arrondissements (Côte-des-Neiges-NDG, Lachine, LaSalle, Pierrefonds-Roxboro, Saint-Laurent et Saint-Léonard) où le taux de participation a été largement sous les 40% enregistrés dans l'ensemble de la ville. La concentration du vote anglophone et allophone en faveur de Gérald Tremblay est tellement élevée qu'il n'avait besoin que d'une mobilisation minimale dans ces arrondissements pour remporter la victoire.

On savait aussi que plus Projet Montréal montait, plus grand était le risque de division du vote francophone.

Mme Harel avait donc besoin de tous ses votes francophones, ce qui n'a pas été le cas.

Certains souverainistes pensent que Louise Harel est responsable de son sort. D'autres estiment que le PQ l'a laissée tomber.

Entre les deux, Jean Charest rigole.