Pour certains, l'agonie de l'ADQ post-Mario Dumont signifie la fin de l'expérience d'un nouveau parti de droite au Québec. Pour d'autres, par contre, c'est, au contraire, le début d'une nouvelle aventure dans cette direction.

Admirant les ruines fumantes de l'ADQ, Stéphane Gendron, loin de se désoler, voit déjà s'ériger un nouvel édifice.

Peut-être a-t-il été blessé que je ne mentionne pas son nom comme sauveur potentiel de l'ADQ dans ma chronique de samedi. Peut-être est-il heureux, au contraire, que je prédise la fin inéluctable de ce parti. Toujours est-il que le maire Gendron, fraîchement réélu à Huntingdon, m'a envoyé samedi après-midi ce courriel intriguant:

«Monsieur Marissal:

J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre analyse de la situation concernant l'ADQ.

D'ici la fin 2010, un mouvement verra le jour, et les bases de celui-ci seront bientôt mises en forme. 50 000 membres comme premier objectif me semble tout à fait réalisable afin de canaliser sur la démobilisation des restes de l'ADQ. Après, on verra bien qui prendra le leadership de ce nouveau mouvement populaire.

Au plaisir»

Stéphane Gendron

Maire-Ville de Huntingdon

Au plaisir, en effet, M. Gendron, ce dont nous ne devrions pas manquer si vous concrétisez votre projet de prendre la tête d'un nouveau parti politique de droite au Québec.

Le nom de Stéphane Gendron, boutefeux de la droite québécoise, circule à l'ADQ depuis des années. Il avait appuyé ouvertement le parti de Mario Dumont en 2007 et il aurait bien aimé se présenter pour Mario Dumont, mais l'intérêt n'était apparemment pas réciproque. C'est du moins ce qu'affirme le maire Gendron.

Après la débâcle adéquiste de décembre 2008, son nom est revenu dans une très courte liste de candidats potentiels à la succession de Mario Dumont. M. Gendron avait lui-même indiqué que le défi l'intéressait, avant toutefois de décider de passer un tour.

Plusieurs avaient dit à l'époque qu'il préférait voir l'ADQ continuer de s'enfoncer, pour ensuite récupérer son fonds de commerce, une théorie qui semble se confirmer ces jours-ci.

Il y a un an, Stéphane Gendron suggérait lui-même aux militants de l'ADQ d'élire un chef intérimaire, tout en laissant clairement entendre qu'il serait disponible pour prendre le relais par la suite.

La chose est passée inaperçue (ou l'ai-je manquée?), mais Stéphane Gendron a indiqué lundi matin dernier, dans son commentaire à l'émission du matin de V, qu'il s'apprêtait à prendre la tête d'un nouveau parti provincial. Du moins, il n'a pas nié cette hypothèse avancée par l'animateur Gildor Roy, au contraire. (Vous trouverez facilement l'échange en googlant «Stéphane Gendron» ou sur le site de V).

«On va avoir une réunion là-dessus à la mi-novembre», a glissé Stéphane Gendron en laissant un flou sur ces projets politiques.

Dans les rangs décimés de l'ADQ, les intentions du maire de Huntingdon sont connues depuis longtemps et on s'attend, en effet, à ce qu'il passe à l'attaque. La démission des députés Éric Caire et Marc Picard n'aura fait qu'élargir encore un peu le trou dans le fond de la barque adéquiste et plusieurs vont se mettre à chercher une bouée de sauvetage.

«La nature a horreur du vide, il est fort possible que de nouveaux groupes de droite naissent prochainement», résume un adéquiste influent, sans toutefois accorder trop d'importance ni de crédibilité aux projets de M. Gendron.

Reste que si les adéquistes, désabusés et insatisfaits des positions trop centristes de leur nouveau chef, Gilles Taillon, misent sur un «brasseur de cage» pour reprendre du poil de la bête, ils seraient servis à souhait avec Stéphane Gendron.

Le bonhomme résumait ainsi son «programme» dans une entrevue au quotidien Le Devoir, l'an dernier, ainsi que sur son blogue: pas d'accommodements raisonnables, abolition des commissions scolaires, limite de deux années de prestations d'aide sociale pour les personnes aptes au travail, vouvoiement obligatoire dans les écoles, abolition des libérations conditionnelles dans les prisons, élections à date fixe, limite de deux mandats de quatre ans pour les élus provinciaux et municipaux, destitution pour les élus reconnus coupables d'un acte criminel, et j'en passe.

Par ailleurs, il proposait de mettre fin au débat identitaire, en affirmant qu'»être québécois, c'est une notion géographique. C'est tout».

S'il était chef d'un parti provincial, le maire Gendron serait le seul à briser l'unanimité sur la nécessité de maintenir le registre fédéral des armes à feu, lui qui juge cet outil inutile et coûteux.

Bien du plaisir en vue, en effet.

Parlant du registre

Un mot en terminant à propos du registre des armes à feu, justement.

À Montréal et à Québec, on s'est élevé d'un bond consensuel typiquement québécois aussi bien dans les médias que dans la classe politique, mais il semble que plusieurs confondent ici «unanimité à l'Assemblée nationale» avec «unanimité québécoise».

Personnellement, je suis en faveur, comme l'ensemble des députés du Québec, du maintien intégral du registre, mais plusieurs chasseurs, qui n'ont rien de tueurs en série potentiels, en ont marre de la paperasse gouvernementale. Surtout, ils en ont marre d'avoir l'impression d'être traités comme des suspects d'actes criminels parce qu'ils aiment bien aller dans le bois une fois par année.

Ils continueront d'obéir à la loi, là n'est pas la question. Mais dans les régions, bien du monde serait bien heureux d'être dispensé des obligations du registre.

Il y a cinq ans, en plein scandale des commandites, les libéraux de Paul Martin avaient été renversés de constater, lors de leur tournée des régions du Québec, que les contrats de publicité louches arrivaient très loin derrière les récriminations contre le registre des armes à feu.

Stephen Harper le sait. Alors, il fait ce qu'il fait le mieux: il hachure l'électorat en petites tranches, question de grappiller les votes dont il a besoin en région.