À défaut d'élections générales cet automne, qui auraient été un examen général des forces en puissance, les quatre partielles tenues hier auront permis de prendre la température politique dans trois provinces.

Diagnostic: le Parti conservateur reste, près de quatre ans après avoir pris le pouvoir, le parti fédéral le plus vigoureux. Le seul, en fait, qui semble capable en ce moment d'accroître sa présence à la Chambre des communes.

 

On le croyait condamné à une mort certaine, surtout au Québec, il y a quelques mois à peine, mais pourtant, il est aujourd'hui en pleine forme.

Stephen Harper a réalisé ce qui était inimaginable il y a quelques semaines seulement: s'emparer de Montmagny-L'Islet-Kamouraska-Rivière-du-Loup (MIKRDL), une circonscription détenue par le Bloc québécois depuis 16 ans.

Le candidat de Stephen Harper dans Montmagny-L'Islet-Kamouraska-Rivière-du-Loup, Bernard Généreux, a battu la bloquiste Nancy Gagnon par plus de 1000 voix, renversant un coussin confortable du parti souverainiste (7000 voix de majorité aux dernières générales pour Paul Crête).

Les conservateurs reprennent aussi Cumberland-Colchester-Musquodoboit Valley en Nouvelle-Écosse.

Pour Gilles Duceppe, qui s'est rendu trois fois prêter main-forte à sa candidate Nancy Gagnon, cette défaite est toute une gifle. D'autant plus que les partielles servent généralement à passer un message au gouvernement, pas aux partis de l'opposition.

Pour les souverainistes, c'est une deuxième défaite en quelques mois dans le Bas-Saint-Laurent, là où les libéraux de Jean Charest ont gagné une partielle en juin après la démission de Mario Dumont.

Les bloquistes pourront toujours expliquer leur défaite par le «vieux fond» conservateur toujours présent dans le coin. Cela dit, c'est toutefois la deuxième fois en deux ans que le Bloc échappe un de ses bastions aux mains de Stephen Harper. Le conservateur Denis Lebel avait en effet remporté Roberval-Lac-Saint-Jean en septembre 2007.

Pour garder MIKRDL, les bloquistes auraient eu besoin d'une meilleure performance des libéraux, mais ceux-ci, avec seulement 12% du vote, n'ont pas suffisamment divisé le vote fédéraliste.

Avant même l'arrivée des premiers résultats, on savait d'ailleurs une chose: les libéraux de Michael Ignatieff allaient jouer le rôle de figurants dans les quatre circonscriptions. Effectivement, ils ont terminé troisième partout. Et loin derrière.

Les conservateurs de Stephen Harper, par contre, avaient espoir de prendre trois des quatre sièges en jeu, soit Montmagny-L'Islet-Kamouraska-Rivière-du-Loup, Cumberland-Colchester-Musquodoboit Valley et New Westminster-Coquitlam en Colombie-Britannique.

Pour le chef du NPD, Jack Layton, c'était aussi le premier test électoral depuis qu'il a fait le pari risqué de soutenir le gouvernement Harper cet automne. M. Layton devait au moins garder New Westminster-Coquitlam, la seule des quatre circonscriptions en jeu appartenant à son parti, ce qu'il semblait en voie d'accomplir au moment d'aller sous presse.

À près de 20% dans Hochelaga, les néo-démocrates ont aussi de quoi se réjouir.

Dans Hochelaga, personne ne s'attendait à un changement de couleur et le candidat du Bloc, Daniel Paillé, a effectivement gagné facilement. Mince consolation pour Gilles Duceppe.

Le Bloc y règne depuis 1993 et l'ex-député Réal Ménard (13 000 voix de majorité en 2008) vient d'être élu maire de l'arrondissement. M. Paillé ira donc rejoindre son neveu, Pascal-Pierre, député du Bloc dans Louis-Hébert.

Des partielles sales

Si les deux partielles au Québec représentent un avant-goût de ce qui nous attend aux prochaines générales, on peut s'attendre à une sale guerre entre bloquistes et conservateurs. Et même entre néo-démocrates et bloquistes.

Dans MIKRDL, les couteaux volaient bas entre la bloquiste Nancy Gagnon et le conservateur Bernard Généreux. Par ailleurs, les hôteliers de la région ont dû faire de bonnes affaires avec tous les renforts venus d'Ottawa du côté du PC et du Bloc.

La candidate du Bloc, qui a reçu de l'aide du bureau de son chef pendant toute la campagne, a accusé les conservateurs de négocier en secret une entente avec Washington qui mettrait en péril les contrats (donc, les emplois) de Bombardier à son usine de La Pocatière.

Le Bloc a aussi laissé planer le spectre (c'est un vieux truc) de la fermeture d'un bureau local de Postes Canada.

Les conservateurs ont répliqué avec l'artillerie lourde. Dépêché en renfort la semaine dernière, le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, a dénoncé le «terrorisme honteux et inacceptable (du Bloc) envers la population».

Terrorisme? Souhaitons que notre ministre des Affaires étrangères fait preuve de plus de retenue dans l'exercice de ses fonctions à l'étranger, sinon il risque de provoquer de graves incidents diplomatiques.

Les conservateurs ont aussi envoyé le sénateur Jacques Demers dans la mêlée, lui demandant d'enregistrer un message téléphonique incitant les électeurs à voter conservateur.

Le ministre du Développement économique, Denis Lebel, a lui aussi été mis à contribution, notamment vendredi dernier, à trois jours du vote. M. Lebel a annoncé l'élargissement de la route 185, entre Cabano et la frontière du Nouveau-Brunswick, un gros projet de 486 millions financé à moitié par le gouvernement fédéral. Décidément, il est bien difficile au Québec de dissocier asphalte et politique...

On pouvait s'attendre à des échanges costauds entre le Bloc et les conservateurs dans une circonscription théoriquement «prenable», mais les escarmouches entre le NPD et le Bloc dans Hochelaga sont plus surprenantes. Elles témoignent certainement d'une nouvelle stratégie beaucoup plus combative des néo-démocrates (menée par Thomas Mulcair) à Montréal, ce qui est certes de bonne guerre.

Les néo-démocrates ont notamment accusé le nouveau député du Bloc, Daniel Paillé, d'avoir accepté il y a quelques années un contrat du gouvernement conservateur.