Lorsque j'ai quitté Québec, en 1997, après un séjour professionnel de quatre ans, j'avais l'impression de sauter d'un bateau en plein naufrage.

Il y a 12 ans, Québec venait de perdre ses Nordiques, le CIO avait humilié la ville en lui accordant seulement quatre votes pour les Jeux olympiques de 2002, le «trou» Saint-Roch défigurait la basse ville, les radios-poubelles polluaient encore davantage l'air ambiant et la mairesse Boucher, retranchée dans l'hôtel de ville-Taj Mahal de sa municipalité chérie de Sainte-Foy, tirait des boulets sur le maire L'Allier...

 

«Poche» est le seul mot qui me vient à l'esprit pour décrire la ville que je quittais alors pour Ottawa (qui n'était guère mieux, mais ça, c'est une autre histoire).

Ajoutez à cela que la région n'avait pas appuyé le Oui à la hauteur des scénarios prévus par les souverainistes, ce qui, évidemment, avait déplu au gouvernement péquiste de l'époque.

On sortait aussi de l'épisode cocasse du 1080, avenue des Braves (L'Élisette), maison officielle occupée un temps par l'ancien premier ministre Jacques Parizeau et sa femme, Lisette Lapointe. Maison par la suite boudée par Lucien Bouchard, qui, ajoutant à l'atmosphère d'austérité, avait décidé d'établir plutôt ses quartiers à Québec dans un modeste réduit de l'affreux «Bunker».

Ah, misère, que cette ville était déprimante! C'est difficile à imaginer aujourd'hui tellement Québec est devenue grouillant. La Vieille Capitale (oups! pardon, monsieur Labeaume) est même devenue la ville chouchou des politiciens provinciaux et fédéraux.

Les gouvernements Charest et Harper se sont précipités pour appuyer le projet de nouvel amphithéâtre lancé par le maire Labeaume, malgré une demande de contribution astronomique de 175 millions chacun.

Puis, rebelote la semaine dernière: Québec et Ottawa embarquent avec un enthousiasme de scouts dans le lointain projet d'accueillir les Jeux olympiques d'hiver à Québec... en 2022 ou 2026. Décidément, on ne peut rien refuser au maire Labeaume, ces temps-ci.

D'où peut bien venir cet empressement envers Québec? Le leadership du maire Labeaume, sans aucun doute, y est pour quelque chose, mais l'arithmétique électorale davantage encore. Surtout pour Jean Charest.

Prenez les 14 circonscriptions de la grande région de Québec: de celles-ci, huit sont détenues par le Parti libéral du Québec, grâce à six gains aux élections de 2008. Dans les six autres, le PLC a terminé deuxième, par des marges allant de 436 à 4800 voix. Ces six circonscriptions sont donc théoriquement «prenables», d'autant plus que deux sont représentées par des adéquistes (Chauveau et Beauce-Nord) et deux autres par d'ex-adéquistes devenus indépendants (Éric Caire et Marc Picard).

Ce serait évidemment plus difficile de déloger Pauline Marois dans Charlevoix et Agnès Maltais dans Taschereau, le petit village gaulois des péquistes à Québec, mais des gains dans les autres circonscriptions permettraient certes aux libéraux de colorier la région en rouge pour quelques années.

Voilà qui explique les largesses consenties à un maire qui, pourtant, est plutôt identifié au Parti québécois, au point où son nom revient à l'occasion comme futur chef si Pauline Marois devait abandonner son poste.

Voilà qui explique aussi pourquoi de plus en plus de Montréalais sont verts de jalousie lorsqu'ils comparent le sort de leur ville à celui de la capitale.

Mais cela, ne leur en déplaise, n'est pas sur le point de changer.

D'abord, Montréal est sous haute surveillance. Et puis refaites l'exercice de la carte électorale, pour la grande région métropolitaine cette fois. Vous constaterez que le rouge et le bleu sont figés dans leurs circonscriptions respectives, ce qui signifie que les libéraux n'ont rien à gagner à ce bout-ci de la 20.

Ignatieff, avancer pour mieux... reculer

Nouveaux visages, nouvelle stratégie chez Michael Ignatieff.

En fait, le chef libéral s'est enfin doté d'un vrai cabinet, faisant ainsi un grand pas en avant... pour mieux reculer.

Plus question, donc de défaire le gouvernement à la première occasion (peut-être même pas au prochain budget, dans environ trois mois). M. Ignatieff a sagement décidé de rentrer dans ses terres pour préparer ses troupes et sa stratégie.

Après l'arrivée de Peter Donolo (ancien directeur des communications de Jean Chrétien) au poste de chef de cabinet, le chef libéral a recruté Mario Laguë (ancien ambassadeur du Canada au Costa Rica et ancien représentant du Québec à Mexico) au poste de directeur des communications en plus de confirmer Jean-Marc Fournier dans celui de premier conseiller.

Voilà donc M. Ignatieff mieux équipé pour la stratégie (avec Peter Donolo) et au Québec avec MM. Fournier et Laguë, deux hommes qui ont des liens étroits avec le Parti libéral du Québec.

Ces changements tombent à point nommé pour Michael Ignatieff, qui perd les services, au Québec, de Marc-André Blanchard, tout juste nommé grand patron du cabinet d'avocats McCarthy Tétrault à Toronto.

L'une des premières préoccupations du tandem Fournier-Laguë, disent certains libéraux au Québec, devrait être Denis Coderre, qui, malgré une discrétion atypique, s'active dans son réseau.

La déclaration récente de l'ancien lieutenant, comme quoi il rêve toujours de devenir un jour chef du PLC, a été, ajoute-t-on dans les cercles libéraux, très mal reçue dans le cabinet Ignatieff.

Que la force soit avec vous...

Voici une précision d'un lecteur de Montréal (Luc Giguère), reçue hier en réaction à la comparaison Jacques Parizeau-Yoda, faite par un jeune souverainiste en 2000 et à laquelle je faisais référence mardi:

Les Jedi étaient les défenseurs de la République, une fédération interplanétaire. Après le démantèlement de La République pendant la guerre des Clones, les Jedi ont combattu l'Empire, un État totalitaire qui gouvernait les «régions» à l'aide de gouverneurs régionaux. En fait, les Jedi ont plutôt combattu les «séparatistes» menés par le comte Dooku tout juste avant la guerre des Clones.

Tout ça pour dire qu'il est très maladroit de la part du camp souverainiste d'associer Parizeau à un jedi, encore plus à Yoda.

Chers lecteurs, on ne vous en passe pas une!