Talonné par l'opposition, isolé dans son refus d'ordonner une enquête publique sur le monde de la construction, Jean Charest doit compter les dodos qui le séparent du 4 décembre, fin prévue de la présente session. Plus que huit dodos avant la délivrance!

S'il se rend jusque-là sans céder aux pressions politiques, publiques et médiatiques, le premier ministre bénéficiera ensuite d'une pause parlementaire de 10 semaines (date de reprise: 9 février). Le calendrier (et la FTQ!) est donc le dernier allié du gouvernement Charest dans son opposition à une enquête publique.

 

Il n'est pas certain, toutefois, que 10 semaines seront suffisantes pour effacer la grogne populaire et pour assainir l'air vicié qui pèse sur le monde politique québécois, autant municipal que provincial.

Pour tenter de calmer un peu le jeu, le gouvernement a annoncé hier des changements au financement des partis politiques et dans l'adjudication de contrats au ministère des Transports.

Il y a certes quelques idées valables dans le projet de loi du ministre Claude Béchard sur le financement politique et personne au Québec ne s'offusquera d'une plus grande transparence aux Transports. Cela dit, les mesures annoncées hier ne peuvent pallier le besoin généralement reconnu d'une enquête publique sur les causes de la maladie démocratique affligeant le Québec.

Parlant de maladie, les changements annoncés hier à Québec auront autant d'effet, selon certains, que de la tisane ou du Tylenol sur un cancer. Avec un peu d'inhalothérapie, puisque Jean Charest demande aux partis de l'opposition et à la population de respirer par le nez.

En attendant de voir si le temps favorisera le gouvernement, il faut tout de même reconnaître que les mesures de durcissement sur le financement populaire avancées hier ont du bon et répondent à certaines recommandations du directeur général des élections.

Déjà, en 2003 (à l'occasion du 25e anniversaire de la loi de René Lévesque sur le financement des partis politiques), le DGEQ demandait des amendes plus fortes pour les personnes et les entreprises qui violent la loi électorale. Québec a décidé d'agir en ce sens, en plus de bannir les dons anonymes, de hausser le financement public (selon le pourcentage de votes obtenus) et d'assujettir les courses à la direction aux règles de financement.

L'idée de priver une entreprise de son droit de soumissionner sur tout projet public pendant cinq ans après une condamnation pour violation de la loi électorale représente aussi un pas dans la bonne direction.

Le ministre Béchard laisse en outre la porte ouverte aux débats, notamment sur le financement (balisé) des entreprises, interdit au Québec depuis 1977.

Par contre, le projet de loi n'accorde pas davantage de pouvoir au DGEQ, le chien de garde de la loi électorale. Le DGEQ n'est pas à court d'enquêteurs, de volonté et d'expertise, selon son président Marcel Blanchet, mais il manque de moyens contraignants pour obtenir les informations essentielles à ses enquêtes.

Un exemple frappant: quelques jours après la sortie fracassante de Benoit Labonté à Radio-Canada, le DGEQ a invité ce dernier à venir le rencontrer, question d'explorer de nouvelles pistes. En vain, cette rencontre n'a jamais eu lieu...

Aussi positives soient-elles, les mesures annoncées hier quant au financement des partis politiques et aux Transports ne suffiront pas à guérir la grave maladie qui gangrène notre système. Surtout, elles ne permettront pas de déterminer sa cause et ses responsables.

Au point où on en est, on l'a assez répété ces dernières semaines, seule une enquête publique pourrait (et encore, peut-être, ça dépend de son mandat) démêler tout ça.

Non seulement le gouvernement refuse obstinément d'ordonner une telle enquête, mais il menace aussi sérieusement l'adoption rapide des modifications au financement des partis politiques en mettant la réforme de la carte électorale dans le même projet de loi.

S'il est vraiment sérieux, le gouvernement doit enlever la carte électorale du débat, pour le moment.

La carte électorale peut attendre. Il est urgent, toutefois, de faire des gestes significatifs pour stopper l'érosion de la confiance des Québécois dans leur système électoral.