Il est déjà suffisamment désagréable de renifler au Québec les persistantes odeurs de corruption dans le monde de la construction, ces effluves vont-ils maintenant contaminer les garderies?

Il serait certes prématuré d'en arriver à cette conclusion à partir des questions soulevées par le Parti québécois à l'Assemblée nationale depuis deux jours, mais celles-ci sont toutefois suffisamment graves pour forcer le gouvernement à fournir quelques explications.

 

Les protestations indignées de l'ex-ministre de la Famille, Michelle Courchesne (aujourd'hui à l'Éducation), et les réponses vagues du ministre actuel, Tony Tomassi, ne sont pas très convaincantes pour le moment.

Selon M. Tomassi, le fait que dans certaines régions, un nombre disproportionné de donateurs libéraux aient obtenu des permis de garderies est «probablement» un hasard.

Probablement? C'en est un ou non? Toute la question est là. Et le fardeau de la preuve repose sur les épaules du gouvernement.

Si le gouvernement n'a rien à se reprocher, comme il le dit haut et fort, qu'il ouvre ses livres, qu'il réponde aux questions de l'opposition, plutôt que de lui renvoyer la balle dans une manoeuvre d'esquive classique. Qu'il demande aussi au vérificateur général d'analyser le dossier, ce qu'il risque de faire de toute façon (le VG est libre d'enquêter où il veut et il suit évidemment l'actualité). Avons-nous vraiment besoin au Québec ces temps-ci d'alourdir encore un peu l'atmosphère malsaine qui pèse sur le monde politique?

Quoi qu'en disent les libéraux, les informations dévoilées par le PQ sont troublantes.

Le milieu des garderies n'est pas réputé riche. Que tant de propriétaires de garderies donnent de l'argent à un parti politique, c'est déjà étonnant. Que plusieurs d'entre eux, en plus, obtiennent des permis après avoir fait des dons importants, alors qu'ils n'avaient jamais contribué auparavant, cela l'est encore plus.

Lorsqu'une famille donne 24 000$ en six ans (ça fait 4000$ par année, ce qui est beaucoup au Québec) à un parti et obtient quatre permis de garderie, il est permis de poser des questions.

Lorsque dans une région comme Lanaudière, 70% des garderies ayant obtenu des permis appartiennent à des donateurs du parti au pouvoir, il est aussi légitime de soulever une ou deux questions.

Idem lorsque des entreprises obtiennent un permis après que leur projet de garderie eut reçu une évaluation médiocre du ministère de la Famille.

Selon le critique péquiste, Nicolas Girard, la ministre Courchesne a attribué, au moment où elle était responsable de la Famille, deux fois plus de places à Laval (où elle est élue) que dans Lanaudière alors que les statistiques de naissances dans les deux régions auraient exigé le contraire. Encore des questions pour le gouvernement, non?

La chasse à des places subventionnées (7$ par jour) est déjà très frustrante pour des milliers de parents, ceux-ci ont le droit d'être rassurés quant à la probité du processus d'attribution de nouvelles places.

D'autant plus que le plan de développement des garderies n'est pas terminé au Québec, loin de là. D'ici la fin du mandat, les libéraux se sont en effet engagés à financer 15 000 nouvelles places. Est-ce trop demander que de s'assurer de la transparence et de l'efficacité des décisions du ministère? Après tout, on ne parle pas ici de réfection de ponceaux en campagne, mais de service de garde pour enfants.

Dans le milieu des garderies, on se pose des questions depuis des mois (en particulier depuis le printemps 2008) sur la transparence et la logique du processus d'attribution des permis.

En mai 2008, le gouvernement a annoncé la création de 18 000 nouvelles places et il fallait faire vite. Trop vite?

«Disons que les critères sont plutôt élastiques, des fois on se demande si c'est bien la même réglementation partout. Certains projets sont très bien montés et le Ministère refuse. D'autres sont vraiment tout croches, mais ils obtiennent quand même le feu vert», explique une gestionnaire chevronnée du milieu. Cette dernière n'a pas entendu parler de cas de favoritisme lié au financement d'un parti, mais elle ajoute tout de même: «Ce qui circule dans le milieu, c'est que si tu n'as pas de pushing politique pour ton projet, c'est plus difficile.»

Puisque nous sommes dans les questions, en voici une autre: a-t-on vraiment besoin d'un ministre de la Famille en titre, en cette ère de cabinets minceur? Cette responsabilité aurait très bien pu échoir à un ministre senior.

Et si nous avions absolument besoin d'un ministre de la Famille, fallait-il nommer un autre député de Montréal, verte recrue sans expérience de gouvernance au demeurant?

Au moment de la nomination de Tony Tomassi, il y a près d'un an, bien des libéraux eux-mêmes s'étonnaient de voir le jeune homme de Saint-Léonard grimper si vite les échelons du pouvoir.

La légiférite aiguë

La ministre des Transports, Julie Boulet, a annoncé cette semaine des mesures plus sévères contre l'alcool au volant. Très bien, mais fallait-il pousser l'opportunisme politique jusqu'à récupérer aussi le car surfing?

À moins qu'il ne s'agisse d'une autre manifestation de légiférite aiguë, maladie contagieuse qui consiste à tout réglementer au Québec.

Le gouvernement veut interdire le car surfing. Ah bon, c'était permis, avant?

Il doit bien y avoir des mesures dans le Code de la sécurité routière, sinon dans le Code criminel, qui couvrent déjà ce genre de divertissement, non? Fallait-il absolument que le gouvernement intervienne?

Et le ski-bottine, c'est illégal aussi, Mme la ministre?