Pour cette première chronique en 2010, réglons d'emblée deux petites choses avant d'aborder le sujet de l'heure, la sécurité dans les aéroports.

D'abord, bonne année.

Ensuite, avant que vous ne me le demandiez, je ne sais pas si nous aurons des élections en 2010.

Je n'en vois pas sur le radar pour le moment, mais ce ne serait pas la première fois que je me trompe.

Suzanne Tremblay, complice occasionnelle de Bazzo.tv, en sait quelque chose, elle qui attend la saison du crabe pour déboucher l'excellent bourgogne Verget que je lui ai donné après avoir imprudemment gagé que nous aurions des élections l'automne dernier. Je croyais bien que nous aurions, en effet, des élections dans les dernières semaines de 2009 (comme bien du monde, d'ailleurs, ça me console), mais le vent politique a tourné.

Prudence et retenue, donc, en ce début d'année, quant à la possibilité d'un prochain scrutin.

Je ne sais pas s'il y aura des élections en 2010. Ce que je sais, par contre, c'est que les conservateurs s'en tirent très bien malgré une fin 2009 difficile. Les partis de l'opposition n'ont pas intérêt à partir en campagne électorale dans un avenir prévisible.

Encore moins depuis que ce jeune Nigérian terroriste en herbe a essayé, le jour de Noël, de faire sauter un gros- porteur de Delta au-dessus des États-Unis.

Les conservateurs ne le diront pas trop fort, mais cette affaire, dans le fond, est une bénédiction pour eux parce qu'elle les ramène sur leur terrain de prédilection (la sécurité), parce qu'elle permet de faire diversion (de la prorogation intempestive du Parlement, par exemple) et parce qu'elle permet au gouvernement de prendre des mesures rapidement, de donner l'impression d'agir.

Depuis trois jours, les actions du gouvernement Harper contre la menace terroriste ont complètement éclipsé les récriminations de l'opposition. Il y a fort à parier que la cote du gouvernement augmentera dans les prochains jours, même si les Canadiens devront attendre encore plus longtemps dans les aéroports et se soumettre à des mesures de sécurité de plus en plus désagréables.

En 2009, c'était l'économie qui préoccupait les électeurs canadiens et, à ce chapitre, Stephen Harper a largement dépassé son adversaire libéral Michael Ignatieff. Si la sécurité devient à son tour objet de préoccupation des Canadiens, il est évident que le premier ministre a encore une fois une longueur d'avance sur le chef libéral. D'autant plus que les conservateurs ont agi très rapidement, notamment en annonçant hier l'achat et l'installation prochaine de détecteurs corporels dans les grands aéroports du pays.

Même si cette mesure pose de réelles questions quant à la protection de la vie privée, même si tout ce brouhaha est en fait causé par l'action (ratée, en plus) d'un seul individu qui n'aurait jamais dû monter dans un avion à destination des États-Unis, le peuple semble tout à fait d'accord avec les mesures annoncées par Ottawa.

Contrairement à Barack Obama, qui a tardé à réagir (trop au goût des faucons américains, en tout cas), Stephen Harper, lui, semble dans son élément lorsqu'il est question de lutte contre le terrorisme et de sécurité. Pour une fois, on ne lui reprochera pas d'être trop Bush et pas assez Obama.

Le président Obama, pour sa part, doit durcir le ton, adapter son discours pour contrer les critiques qui l'accusent d'avoir été trop mou, trop complaisant et, surtout, trop naïf.

Toute menace contre les États-Unis est une menace contre le Canada, s'est empressé d'affirmer le gouvernement Harper au lendemain de l'attentat raté de Detroit.

Ce discours ne vise pas qu'à assurer Washington de notre indéfectible solidarité. Il vise aussi à convaincre les Canadiens que le gouvernement Harper avait raison de prôner et de maintenir la ligne dure.

Le Canada aura d'ailleurs l'occasion de démontrer, dans six semaines, à l'occasion des Jeux olympiques de Vancouver, tout son sérieux en matière de sécurité.

Dans les circonstances, il sera plutôt difficile pour les partis de l'opposition de critiquer le gouvernement. Encore plus difficile de s'inquiéter publiquement du sort des « pauvres prisonniers talibans ». Ceux-ci n'émouvaient déjà pas beaucoup les Canadiens. Avec cette résurgence du spectre d'Al-Qaeda, les prisonniers talibans ne remonteront certainement pas dans l'échelle de compassion des électeurs canadiens.

De toute façon, même si le gouvernement décidait d'aller plus loin - en ciblant lui aussi les 14 pays de la liste noire des États-Unis (Cuba, Iran, Soudan, Syrie, Nigeria, Yémen, Pakistan, Afghanistan, Algérie, Irak, Liban, Libye, Arabie Saoudite et Somalie) - cela se ferait à l'abri des débats parlementaires puisque M. Harper a lui-même fermé la Chambre des communes jusqu'en mars.

«C'est ben faite pareil», comme dirait Martin Matte...