Amusant, ce sondage Angus-Reid dont nous publions aujourd'hui les résultats.

Amusant et, surtout, instructif quant à la perception des Canadiens face aux chefs des partis fédéraux.

À première vue, les questions de ce sondage semblent bien légères, mais les réponses en disent long sur ce que les électeurs pensent vraiment des leaders politiques de ce pays.

En ce sens, les réponses, à bien y penser, ne sont pas si amusantes pour les chefs en présence. En particulier pour le libéral Michael Ignatieff, duquel les Canadiens ne semblent pas avoir une très haute opinion.

 

En une phrase, résumons: Michael Ignatieff est un intello distant et inaccessible, contrairement à Jack Layton, le «bon gars» proche du monde, mais lorsqu'il s'agit des choses sérieuses dans la gouverne du pays, c'est à Stephen Harper que l'on fait confiance.

En bref, vous préféreriez de loin prendre une bière avec le chef du NPD mais, en cas de crise d'unité nationale ou d'attaque terroriste, en matière de relations commerciales avec les États-Unis ou pour la négociation d'un traité sur l'environnement, vous vous tourneriez vers Stephen Harper.

Fait intéressant à noter à ce chapitre: les Québécois ne sont guère différents de leurs compatriotes des autres provinces. Stephen Harper arrive premier dans la plupart des questions «sérieuses».

Le Bloc reste solidement implanté au Québec (en particulier chez les électeurs francophones), et son chef, Gilles Duceppe, fait la lutte à Jack Layton dans la catégorie «bon gars». Mais ici comme ailleurs, c'est Stephen Harper qui prend le dessus pour les affaires d'État.

Michael Ignatieff, lui, est complètement rejeté dans les deux catégories, ce qui devrait inquiéter les libéraux. Et pas qu'au Québec. À part quelques scores positifs en Atlantique, le chef libéral souffre d'une image passablement négative.

Stephen Harper, lui, s'en sort bien presque partout et il semble jouir d'une cote d'amour qui frise l'irrationnel dans les Prairies. (Vous voudriez VRAIMENT compter Stephen Harper dans votre équipe sportive?)

Ce coup de sonde d'Angus Reid confirme que les conservateurs ont tapé sur le bon clou (même si tout le monde dit haïr les publicités négatives) en relevant le côté intello-hautain de M. Ignatieff dans leur campagne publicitaire, l'an dernier.

Que les Canadiens ne trouvent pas Michael Ignatieff particulièrement sympathique, ce n'est pas une si grande surprise, mais le rejet est, il faut le dire, brutal. Cela dit, ce qui fait le plus mal aux libéraux, c'est que leur leader n'est jamais considéré comme une solution de rechange crédible à Stephen Harper pour diriger le pays, pas plus en matière d'environnement que d'unité nationale, de relations avec les États-Unis ou de sécurité. En fait, ce n'est pas pour tourner le fer dans la plaie de M. Ignatieff, mais il est pratiquement certain que Stéphane Dion aurait fait meilleure figure dans pareil exercice.

Jack Layton, par contre, gagne haut la main le concours de popularité. Mais peut-il pour autant se réjouir? Pas si sûr.

En fait, ces résultats sont plutôt réducteurs pour le chef néo-démocrate: on veut bien prendre une bière avec l'ami Jack, mais on ne le voit pas aux commandes du pays.

M. Layton souffre du syndrome qui afflige le NPD depuis des années, notamment à l'époque d'Ed Broadbent: populaire auprès des électeurs et parfois même en bonne position dans les intentions de votre entre les élections, mais toujours incapable de s'approcher du 24, chemin Sussex.

Le score de M. Layton au Québec, en particulier, constitue toutefois une base intéressante pour le NPD. Qui sait, M. Layton pourrait siphonner quelques votes de libéraux ou de bloquistes désabusés?

En filigrane, une autre grande tendance se dessine dans ce sondage inusité: les femmes sont loin d'être charmées par les chefs de parti actuels. Leur aversion est particulièrement forte envers les conservateurs et Stephen Harper, qui récoltent systématiquement beaucoup plus de points chez les hommes que chez les femmes.

Dans les intentions de vote, notamment, c'est frappant: les conservateurs récoltent 39% d'appuis chez les hommes, mais seulement 31% chez les femmes.

Le rejet des leaders par les électrices ne touche pas que les conservateurs, toutefois, comme on le constate dans les questions sur leur personnalité et leur image.

Demandez par exemple aux femmes par quel chef de parti elles préféreraient faire garder leurs enfants et 56% d'entre elles vous répondront: aucun! (43% chez les hommes).

Demandez-leur ensuite de quel chef elles souhaiteraient lire la biographie, et les deux tiers vous diront: aucun, non merci! (contre 47% chez les hommes).

On dit souvent que les femmes ont un problème avec la politique, mais on pourrait tout aussi bien dire que les politiciens ont un problème avec les femmes!

Pour les chefs politiques fédéraux, ce premier sondage publié par La Presse en 2010 offre ample matière à réflexion.