Si jamais on finit un jour par avoir un train rapide entre le Québec, le reste du Canada et les États-Unis, souhaitons que son tracé soit moins tortueux que ne le sont les projets du gouvernement Charest en la matière parce que, autrement, les passagers risquent de tourner en rond.

Pas facile à suivre, le gouvernement Charest dans sa quête d'un train rapide. Pas très convaincant non plus.

 

D'abord, petite précision: on parle beaucoup de TGV (train à grande vitesse), mais il serait plus juste de parler, pour le projet de tracé Montréal-New York, de THV (train à haute vitesse).

La nuance est importante: le TGV, de technologie européenne à l'origine, peut atteindre des vitesses phénoménales (record du monde: 574,8 km/h), mais nécessite une voie réservée.

Le THV est moins rapide (entre 150 et 250 km/h), mais il peut utiliser les voies existantes et, avantage non négligeable, il est construit, notamment, par Bombardier. Voilà pour les spécifications techniques.

De toute façon, TGV ou THV, c'est loin d'être fait (ou même faisable).

Avec sa récente offensive THV aux États-Unis, Jean Charest essaye de toute évidence de monter, excusez le jeu de mots facile, dans le train vert lancé par le président Barack Obama.

Le hic, c'est que le tronçon Montréal-New York dont rêve le premier ministre ne fait pas partie des 10 segments auxquels la Maison-Blanche donne la priorité. Il doit bien y avoir une raison à cela et ce n'est certainement pas le Québec qui dictera à Washington les tracés prioritaires. Même si Québec s'engage, ce qui n'a aucun sens politique ou commercial dans une telle entente, à casquer pour le tronçon dans le nord de l'État de New York.

Pour le président Obama, la priorité, c'est un segment New York-Albany-Buffalo. Vers l'ouest, donc, dans l'axe commercial intérieur des États-Unis. Montréal arrive ici comme un cheveu sur la soupe.

Autre problème: la Constitution de l'État de New York protège le parc national des Adirondacks (au grand plaisir des milliers de randonneurs québécois, notamment, qui ont fait de ce territoire un terrain de jeu infini). Pour faire passer un train à travers ces montagnes, il faudrait amender la Constitution de l'État de New York. Bousiller une partie d'un joyau environnemental pour un train aux vertus vertes? Over my dead body, crieront les écolos américains. Non sans raison, d'ailleurs.

Par ailleurs, il faut admettre que Jean Charest est devenu dans les dernières années un formidable voyageur de commerce pour le Québec, mais ces velléités sur la scène internationale irritent de plus en plus le gouvernement fédéral. À Ottawa, on prend ombrage des initiatives du «président du Québec», qui parle de libre-échange avec l'Europe, qui parle de sa propre voix en environnement et, maintenant, qui se fait bâtisseur de voies ferrées internationales.

Comme il s'agit ici d'un projet de train international, Ottawa pourrait fort bien avoir son mot à dire et rien n'assure que ce tronçon Montréal-New York constitue une priorité.

Les trains rapides, TGV ou THV, sur des tracés canadiens ou même entre le Canada et les États-Unis, ne sont pas vraiment des priorités pour le gouvernement Harper, point. Ça fait des mois que le ministre des Transports John Baird attend les conclusions de la ixième étude sur un train rapide dans le couloir Québec-Windsor.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'on ne sent pas un grand enthousiasme de la part du gouvernement fédéral, qui privilégie encore l'approche «VIA Fast», c'est-à-dire investir pour améliorer le service actuel de VIA Rail.

Ottawa n'est pas intéressé et Québec n'arrive pas à maintenir le cap. Il y a quelques mois, on ne parlait que du tracé Québec-Windsor, priorité de Jean Charest, mais les initiés au dossier ont senti un important virage de ce dernier en faveur du tronçon New York-Montréal il y a quelques semaines.

Déterminé à faire avancer le projet d'un train rapide dans le couloir Québec-Windsor, M. Charest aurait bifurqué vers le tracé New York-Montréal l'automne dernier après une visite commerciale en France. Il aurait même confié à des proches, à son retour, que ce segment devait se faire, quitte à ce que Québec le paye en totalité.

Québec-Windsor, Montréal-New York ou Montréal-Boston, en TGV ou en THV, c'est bien beau, mais en attendant que l'on se branche, pourrait-on commencer, modestement, par LA priorité en matière de train: un lien direct entre le centre-ville de Montréal et l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau?

Est-ce que c'est trop demander? Est-il normal, pour un premier ministre qui joue les géants verts sur la scène internationale, de constater qu'en 2010, le moyen le plus efficace de se rendre à l'aéroport de la métropole, c'est le... taxi???

C'est un Montréalais tout juste de retour de Vancouver, là où un train moderne, rapide et écologique dessert la ville et l'aéroport, qui pose la question.