Normalement, c'est le genre de texte que les chroniqueurs politiques écrivent à la fin de la session parlementaire, pas tout juste après son commencement!

Normalement, on ne dresse pas le bilan d'un gouvernement après qu'il eut si peu siégé. Le printemps est très hâtif cette année, mais il reste tout de même près de quatre mois avant l'ajournement d'été.

Pourtant, une conclusion s'impose déjà: le gouvernement Charest est embourbé et, pour chaque pas en avant, il en fait deux en arrière.

On a l'impression d'être revenu à l'époque de Charest I, lorsqu'on ne pouvait parler du gouvernement sans énumérer ses erreurs. Écoles juives, mont Orford, Suroît...

Les dossiers problématiques ne sont plus les mêmes aujourd'hui, mais le chapelet de ratés est aussi long: construction, santé, garderies...

Le résultat, lui, est le même: ce gouvernement tourne en rond et la grogne populaire recommence à se faire entendre.

Ce ne serait pas trop grave si ce gouvernement était au début d'un premier mandat, mais il vient d'entrer dans sa huitième année.

Ce serait moins grave, également, si nous étions en période de surplus et de grande prospérité économique - ce qui n'est pas le cas, évidemment. Nous sommes plutôt à la croisée des chemins, un moment charnière, où nous avons besoin d'un gouvernement en pleine possession de ses moyens.

Pour le moment, en ce début de session, le gouvernement semble usé par le temps et tout mêlé dans ses affaires.

Pas très rassurant, à quelques jours de la présentation de l'un des budgets les plus importants des dernières années au Québec.

État des lieux

> Santé: après quelques années d'accalmie, les urgences, les listes d'attente et la surcharge de travail du personnel font de nouveau les manchettes. Le gouvernement ne peut être tenu responsable de tous les patients oubliés dans les couloirs de la mort de notre système de santé, évidemment, mais trois faits inquiétants crèvent les yeux: Jean Charest a promis en 2003 une réforme pour laquelle il n'avait pas de plan, le ministre Yves Bolduc est complètement dépassé et on approche dangereusement du point de rupture entre le gouvernement et les professionnels de la santé.

> Construction: l'entêtement du gouvernement Charest dans son refus d'instituer une enquête publique sur le merveilleux monde de la construction risque, à moyen terme, de lui faire plus mal que ce que l'on pourrait apprendre dans une telle enquête. En plus, cela alimente l'impression que les libéraux ont quelque chose à cacher. Pendant ce temps, les révélations sortent, de toute façon.

> Garderies: nouveau chouchou de l'opposition à Québec, le ministre de la Famille, Tony Tomassi, a été forcé de reculer deux fois déjà en 2010. D'abord sur l'attribution des permis de nouvelles garderies, puis, cette semaine, sur le caractère confessionnel de certaines garderies. À Québec, on se demande souvent pourquoi et comment ce jeune député de Montréal est arrivé si vite au cabinet. On sait maintenant une chose: ce n'est pas grâce à ses compétences ni à son jugement.

> Éducation: là aussi, on recule plus qu'on avance. D'abord dans le cas des écoles juives «accommodées» en catimini par le Ministère. L'exemple parfait de ce qu'il ne faut PAS faire en communication. Ensuite, cette semaine, lorsque la ministre Michelle Courchesne est revenue sur sa décision de confier à l'entreprise privée la correction des examens de cinquième secondaire. D'une façon générale, la réforme continue à susciter la grogne dans le milieu et chez les parents.

> Accommodements raisonnables: la réaction ferme du gouvernement au sujet du port du niqab dans les salles de classe a fait consensus au Québec. L'histoire de Naema démontre toutefois que, deux ans après la commission Bouchard-Taylor, Québec n'est toujours pas arrivé à concevoir ni, surtout, à diffuser une politique claire et cohérente en matière d'accommodements raisonnables.

> Financement des partis: trois ministres du gouvernement Charest (Julie Boulet, Michelle Courchesne et Norman MacMillan) doivent passer au bureau du directeur (général des élections) après avoir dit que les dons des entreprises aux partis politiques sont légaux au Québec (la pratique est interdite depuis 1977!). Inquiétant. Le lapsus est apparemment une maladie contagieuse au cabinet Charest.

> Énergie Nouveau-Brunswick: l'achat d'Énergie Nouveau-Brunswick par Hydro-Québec semblait, au départ, une excellente affaire, annoncée en grande pompe par Jean Charest et le PDG d'Hydro, Thierry Vandal. Malheureusement, le deal a été mal présenté aux Québécois et encore plus mal à leurs voisins du N.-B., qui se rebiffent maintenant.

> Métro de Montréal: des années de délais supplémentaires, des centaines de millions de plus et une guerre juridique en prime! Le contrat du renouvellement des voitures du métro de Montréal, d'abord accordé à Bombardier sans appel d'offres, est aux transports ce que le CHUM est à la santé: un fiasco gênant et coûteux.

Pour joindre notre chroniqueur: vincent.marissal@lapresse.ca